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27/05/2021 | FRANCE | N°14VE01605

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 27 mai 2021, 14VE01605


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société Générale a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la restitution partielle des cotisations d'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittées, en qualité de société mère intégrante de la SA Généval, au titre des exercices clos en 2002 et 2003.

Par un jugement n° 0607249 du 31 mars 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 30 mai 2014, 26 j

anvier 2015, 27 juillet 2016, 15 décembre 2017, 2 et 8 août 2019, la Société Générale, représentée par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société Générale a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la restitution partielle des cotisations d'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittées, en qualité de société mère intégrante de la SA Généval, au titre des exercices clos en 2002 et 2003.

Par un jugement n° 0607249 du 31 mars 2014, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 30 mai 2014, 26 janvier 2015, 27 juillet 2016, 15 décembre 2017, 2 et 8 août 2019, la Société Générale, représentée par Me Espasa-Mattei, avocat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés à hauteur, à titre principal, de 186 972 euros au titre de l'exercice clos en 2002 et de 218 821 euros au titre de l'exercice clos en 2003, et à titre subsidiaire, de 24 577 euros au titre de l'exercice clos en 2002 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que le remboursement des frais de traduction engagés qui s'élèvent à 1512 euros.

Elle soutient que :

- l'octroi de l'avoir fiscal, réservé par l'article 158 bis du code général des impôts aux seules distributions provenant de sociétés françaises, constitue une restriction prohibée à la libre circulation des capitaux ;

- la nature des justificatifs envisagés dans les affaires Accor et Rhodia du 10 décembre 2012 était liée à la qualité de société " mère ", un simple actionnaire investisseur détenant moins de 5 % des titres d'une société, qui ne dispose pas du même niveau d'information, ne saurait respecter les mêmes exigences de preuve ; les justificatifs déjà transmis et formellement acceptés par l'administration en 2008 ne pouvaient être remis en cause plus de six ans après leur production ;

- les informations contenues dans les attestations, originales et traduites, établies par Altadis ainsi que les extraits de comptes sociaux annuels, permettent de justifier le caractère de dividendes distribués en vertu d'une décision régulière des organes compétents ; elle a, en outre, fait procéder à une mission d'audit et de collecte des différentes données juridiques et comptables disponibles et transmet un rapport du cabinet KPMG qui corrobore le caractère régulier et ordinaire des distributions, lesquelles ont été prélevées sur les bénéfices ordinaires et non sur les réserves ; le justificatif identique à celui communiqué dans les instances concernant Société Générale elle-même a été produit pour justifier de l'imposition effective des revenus de la société Altadis au taux de 35% et non pour justifier des dividendes distribués à Généval pour lesquels d'autres justificatifs ont été transmis ;

- elle justifie du taux d'imposition ayant effectivement grevé les dividendes distribués et des difficultés juridiques ou matérielles rencontrées pour apporter des éléments complémentaires, notamment quant au montant de l'impôt acquitté, alors que la production de documents confidentiels n'est pas envisageable et que l'interdiction de la communication sélective s'appliquant aux actions de sociétés cotées constitue un obstacle réglementaire ; elle n'était pas juridiquement en mesure d'obtenir de la société distributrice la liasse fiscale ou les avis d'imposition permettant de connaître avec certitude le montant de l'impôt effectivement acquitté ; l'administration n'apporte aucun élément remettant en cause la pertinence des données transmises ; conformément aux principes posés par le Conseil d'État dans ses décisions du

28 janvier 2019, les justificatifs produits constituent des éléments précis rendant vraisemblables la double imposition économique des dividendes distribués ; il doit ainsi être admis, à titre principal que les attestations fournies dès l'introduction du contentieux peuvent être considérées comme suffisantes pour justifier de la régularité des dividendes et du taux d'imposition de 35% des revenus distribués et permettent de justifier l'intégralité des sommes réclamées ; à défaut, la restitution demandée doit être déterminée sur la base d'un chiffrage subsidiaire établi en fonction du taux effectif d'imposition qu'il a été possible de déterminer selon les données disponibles, soit 6,61%, correspondant au montant de l'impôt social net sur le résultat fiscal ; selon cette méthodologie, seul un avoir fiscal de 24 577 euros pourrait être rattaché aux dividendes reçus en 2002.

- contrairement à ce que soutient l'administration, l'impôt sur les sociétés français résiduel dû à raison des dividendes est mécaniquement supérieur au droit à restitution ;

- aucune imposition de sous-filiales n'a été retenue pour les chiffrages réalisés par la société.

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur l'Union européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents ;

- les arrêts C-310/09 du 15 septembre 2011, C-35/11 du 13 novembre 2012, C-68/15 et C-365/16 du 17 mai 2017 et C-416/17 du 4 octobre 2018 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Huon, rapporteur public ;

- et les observations de Me A... substituant Me Espasa-Mattei, avocat de la Société Générale.

Une note en délibéré, enregistrée le 11 mai 2021, a été présentée pour la Société Générale, par Me Espasa-Mattei, avocat.

Considérant ce qui suit :

1. La Société Généval, filiale intégrée de la Société Générale, indique avoir perçu, au cours des exercices clos en 2002 et 2003, des dividendes de la société espagnole Altadis SA, qui ne relevaient pas du régime fiscal des sociétés mères, sans pouvoir bénéficier de l'avoir fiscal prévu par les dispositions alors applicables de l'article 158 bis du code général des impôts qui réservaient le bénéfice de ce crédit d'impôt aux seuls dividendes de source française. La Société Générale, agissant en sa qualité de société mère intégrante de la SA Généval, fait appel du jugement du 31 mars 2014, par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la restitution de l'impôt sur les sociétés acquitté à raison de ces dividendes, à hauteur de l'avoir fiscal auquel la perception de ces dividendes aurait donné droit si les sociétés distributrices avaient été établies en France, soit, à concurrence, à titre principal, de 186 972 euros au titre de l'exercice clos en 2002 et de 218 821 euros au titre de l'exercice clos en 2003, et à titre subsidiaire, de 24 577 euros au titre du seul exercice clos en 2002.

Sur les conclusions à fin de restitution :

En ce qui concerne la compatibilité du dispositif de l'avoir fiscal avec le droit de l'Union :

2. Aux termes du I de l'article 158 bis du code général des impôts, en vigueur pendant les années d'imposition en litige : " Les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d'un revenu constitué:/ a) par les sommes qu'elles reçoivent de la société ;/ b) par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor [...] / Le taux du crédit d'impôt prévu au premier alinéa est fixé à [...] 10 % pour les crédits d'impôt utilisés à compter du 1er janvier 2003. [...] ".

3. Aux termes du 1 de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne, repris à l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " [...] toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres [...] sont interdites ".

4. Il résulte de l'arrêt C-310/09 du 15 septembre 2011 de la Cour de justice de l'Union européenne (C-310/09) que ces dispositions s'opposent à la législation d'un État membre, telle que la législation française, ayant pour objet d'éliminer la double imposition économique des dividendes et qui permet à une société d'imputer sur l'impôt sur les sociétés dont elle est redevable l'avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes s'ils proviennent d'une filiale établie dans cet État membre, mais n'offre pas cette faculté si ces dividendes proviennent d'une filiale établie dans un autre État membre, dès lors que cette législation n'ouvre pas droit, dans cette dernière hypothèse, à l'octroi d'un avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes par cette filiale.

5. Par suite, une société française ayant perçu des dividendes versés par des sociétés distributrices établies dans un autre État membre de l'Union européenne dans les conditions alors fixées par l'article 158 bis du code général des impôts est, sur le principe, fondée à obtenir un crédit d'impôt calculé de telle sorte que les dispositions alors en vigueur de l'article 158 bis soient neutres au regard de la libre circulation des capitaux.

En ce qui concerne les conditions d'attribution d'un crédit d'impôt :

6. La société requérante ne peut bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dividendes provenant d'un autre État membre de l'Union européenne qu'autant que ces distributions remplissent les conditions posées par le droit interne à l'attribution d'un avoir fiscal.

7. Aux termes de l'article 158 ter du même code : " 1. Les dispositions de l'article 158 bis s'appliquent exclusivement aux produits d'actions, de parts sociales ou de parts bénéficiaires dont la distribution est postérieure au 31 décembre 1965 et résulte d'une décision régulière des organes compétents de la société. / [...] ". Pour l'application de ces dispositions, une décision de distribution de dividendes n'est irrégulière que si elle n'a pas été prise par l'organe compétent, si elle est le résultat d'une fraude ou si elle n'entre dans aucun des cas pour lesquels le code de commerce autorise la distribution de sommes prélevées sur les bénéfices.

8. Il résulte des dispositions des articles 158 bis et 158 ter du code général des impôts, alors en vigueur et relatives à l'avoir fiscal, que celui-ci était exclusivement attaché aux produits distribués par une société à ses associés à titre de dividendes, en vertu d'une décision régulière des organes compétents de cette société.

9. La Société Générale produit de nombreux documents, tels que les attestations, originales et traduites, établies par le secrétariat du conseil d'administration ou le directeur juridique de la société distributrice Altadis, les 8 mars 2002, 10 juin 2002, 26 février 2003, 14 mars 2003, 22 mai 2003 et 13 juin 2003, les extraits de comptes sociaux annuels de la société espagnole ainsi que les extraits de comptes de la société Généval qui mentionnent le montant brut des dividendes versés, la date de la réunion du conseil d'administration ou de l'assemblée générale, la date de paiement du dividende, le bénéfice d'imputation, le montant brut et net du dividende par action, ainsi que le taux de retenue à la source. En outre, le rapport d'expertise réalisé par le cabinet KPMG le 9 janvier 2015 à partir des données financières disponibles certifie que les dividendes alloués en litige, l'ont été en vertu de décisions régulières des organes compétents des filiales concernées et le tableau de synthèse qui en est issu mentionne, pour de nombreuses distributions, la date des assemblées générales ordinaires les ayant approuvées. En se bornant à exiger de la requérante les copies des procès-verbaux d'assemblée générale qui ont présidé aux distributions en litige ou la production de l'extrait des rapports annuels d'activité traduits en français accompagnés du coupon de distribution, l'administration ne conteste pas utilement les éléments avancés par la société concernant le caractère de dividendes des sommes reçues. Dans ces conditions, les justificatifs présentés doivent être regardés comme suffisants pour établir que ces sommes correspondent à des produits distribués à titre de dividendes en vertu de décisions régulières des organes compétents des sociétés distributrices.

En ce qui concerne le montant du crédit d'impôt :

S'agissant du régime de preuve :

10. Par l'arrêt du 15 septembre 2011, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les principes d'équivalence et d'effectivité ne font pas obstacle à ce que la restitution à une société mère des sommes de nature à garantir l'application d'un même régime fiscal aux dividendes distribués par les filiales de celle-ci établies en France et à ceux distribués par les filiales de cette société établies dans d'autres États membres, donnant lieu à redistribution par cette société mère, soit subordonnée à la condition que le redevable apporte les éléments qu'il est le seul à détenir et relatifs, pour chaque dividende en litige, notamment au taux d'imposition effectivement appliqué et au montant de l'impôt effectivement acquitté à raison des bénéfices réalisés par les filiales installées dans les autres États membres, alors même que, à l'égard des filiales installées en France, ces mêmes éléments, connus de l'administration, ne sont pas exigés. Dès lors, il n'est pas suffisant d'apporter la preuve que la société distributrice a été imposée, dans son État membre d'établissement, sur les bénéfices sous-jacents aux dividendes distribués, sans fournir les informations relatives à la nature et au taux de l'impôt ayant effectivement frappé ces bénéfices.

11. La Cour de justice a précisé que la production de ces éléments ne peut cependant être requise que sous réserve qu'il ne se révèle pas pratiquement impossible ou excessivement difficile d'apporter la preuve du paiement de l'impôt par les filiales établies dans les autres États membres, eu égard notamment aux dispositions de la législation de ces États se rapportant à la prévention de la double imposition et à l'enregistrement de l'impôt sur les sociétés devant être acquitté ainsi qu'à la conservation des documents administratifs. Tout en indiquant qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier si ces conditions sont satisfaites, la Cour a précisé que les justificatifs requis ne devraient pas revêtir une forme particulière, l'appréciation ne devant pas être effectuée de manière trop formaliste. Elle a également souligné que l'administration fiscale n'a pas à répondre des difficultés rencontrées par la société mère pour fournir les informations requises relatives à l'impôt acquitté par sa filiale distributrice de dividendes, difficultés liées non pas à la complexité intrinsèque de celles-ci, mais au défaut de coopération éventuel de la part de la filiale concernée, et qu'en outre, la seule existence de mécanismes d'assistance mutuelle ne dispense pas la société mère bénéficiaire de dividendes d'apporter la preuve de l'impôt acquitté par la société distributrice dans un autre État membre.

12. Les principes dégagés par la Cour de justice de l'Union européenne dans le cadre d'un contentieux concernant le précompte mobilier relatif à des distributions de dividendes relevant du régime mères et filiales sont également applicables dans le cas où les distributions de dividendes proviennent de sociétés, établies dans un autre État membre de l'Union européenne, dans lesquelles la société qui sollicite une restitution ne détient que des participations minoritaires et où le crédit d'impôt dont elle réclame le bénéfice a vocation à s'imputer non sur le précompte mobilier mais sur l'impôt sur les sociétés. Dans l'un et l'autre cas, la société qui perçoit les dividendes a droit à un crédit d'impôt permettant d'assurer un même traitement fiscal des dividendes provenant de sociétés établies en France et de ceux provenant de sociétés établies dans un autre État membre de l'Union européenne.

13. Le caractère pratiquement impossible ou excessivement difficile de la preuve du paiement de l'impôt par les sociétés distributrices établies dans les autres États membres s'apprécie pour chaque dividende en litige et, le cas échéant, en fonction de circonstances exceptionnelles invoquées par le redevable, de nature à justifier l'impossibilité matérielle de produire les éléments requis. Lorsque le redevable produit des éléments ou se prévaut de l'impossibilité matérielle de les produire, il appartient à l'administration d'apporter des éléments en sens contraire. Il revient alors au juge de l'impôt de se déterminer au vu de l'instruction et d'apprécier, compte tenu de l'argumentation des parties, si, pour le dividende en litige, le redevable justifie de sa demande en restitution.

S'agissant du mode de calcul du crédit d'impôt :

14. Le crédit d'impôt ne saurait être supérieur au montant de l'impôt effectivement acquitté dans l'État d'établissement de la société distributrice des dividendes. En effet, une restitution indépendante de l'impôt effectivement versé pourrait conduire non à la suppression d'une double imposition mais, le cas échéant, à une absence de toute imposition. Par suite, lorsque les bénéfices sous-jacents aux dividendes versés par une société établie dans un autre État membre sont soumis, dans cet État, à un impôt effectif à un taux supérieur au taux normal de l'impôt français, soit 33,33 %, le montant du crédit d'impôt auquel la société bénéficiaire peut prétendre doit être limité au montant de l'avoir fiscal dont elle aurait pu bénéficier si la société distributrice avait été établie en France. En particulier, au titre des dividendes des années 2002 et 2003, elle peut prétendre à un crédit d'impôt limité aux deux tiers de l'avoir fiscal, fixé à 10 % pour les crédits d'impôt utilisés respectivement à compter des 1er janvier 2002 et 2003, calculé sur la base des dividendes effectivement versés. Il y a, par suite, lieu, pour déterminer le montant de l'avoir fiscal auquel la Société Générale pouvait prétendre au titre des dividendes perçus en 2002 et 2003 et assujettis à un taux d'imposition effectif supérieur au taux normal de l'impôt sur les sociétés français, d'appliquer une fraction de 1/15e à ces dividendes.

15. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé par l'arrêt précité du 15 septembre 2011, si un État membre devait attribuer aux bénéficiaires de dividendes provenant d'une société établie dans un autre État membre un crédit d'impôt représentant invariablement le montant de l'avoir fiscal, cela reviendrait à accorder à ces dividendes un traitement plus favorable que celui dont bénéficient les dividendes provenant du premier État membre, lorsque le taux d'imposition auquel la société distributrice de ces dividendes était assujettie dans son État d'établissement est inférieur au taux d'imposition appliqué dans le premier État membre. Lorsque les bénéfices sous-jacents aux dividendes versés par une société établie dans un autre État membre sont soumis, dans cet État, à un impôt établi au vu d'un taux inférieur au taux normal de l'impôt sur les sociétés en France, soit 33,33 %, le crédit d'impôt auquel peut prétendre la société bénéficiaire doit être déterminé de manière à rétablir une situation équivalente au regard de la double imposition économique des dividendes selon que ceux-ci ont pour origine une société établie en France ou une société établie dans un autre État membre de l'Union européenne. Lorsqu'une société établie en France distribue des dividendes qui ne sont pas soumis au taux normal de l'impôt sur les sociétés, elle doit acquitter un précompte mobilier. Le montant du précompte versé à raison de la distribution de ses résultats par une telle société, en application du 1 de l'article 223 sexies du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur pendant l'année d'imposition en litige, correspond à l'écart entre l'impôt effectivement acquitté sur ces résultats et celui dont aurait résulté l'application de ce taux normal. Par suite, le crédit d'impôt auquel la société bénéficiaire peut prétendre correspond au montant de l'avoir fiscal dont elle aurait pu bénéficier si la société distributrice avait été établie en France, fixé, ainsi qu'il a été dit au point précédent à 10 % pour les crédits d'impôts utilisés à compter respectivement des 1er janvier 2002 et 2003 diminué du montant correspondant à l'écart entre l'impôt effectivement acquitté par la société distributrice sur ses résultats et celui dont aurait résulté l'application de ce taux normal. Il y a, par suite, lieu, pour déterminer l'avoir fiscal auquel la Société Générale pouvait prétendre au titre des dividendes perçus en 2002 et 2003 et assujettis à un taux d'imposition inférieur au taux normal de l'impôt sur les sociétés en France, d'appliquer une fraction de 2/15e à l'impôt effectivement acquitté par la société à l'étranger.

S'agissant du montant de crédit d'impôt à restituer à la requérante :

Au titre de l'année 2002 :

16. S'agissant du montant des impositions qui ont été effectivement acquittées par la société Altadis, le rapport d'expertise KPMG précise que les liasses fiscales permettant de connaître avec certitude un tel montant ne sont jamais mises à la disposition du public, ce que rappelle le rapport de FIDAL synthétisant les obligations en matière de conservation et de publicité de documents juridiques et comptables notamment en Espagne. La société requérante fait valoir à cet égard que le statut d'actionnaire minoritaire de la société Généval, au sein de la société espagnole Altadis, rendait extrêmement difficile l'obtention d'informations sur le montant des cotisations d'impôt sur les sociétés acquittées par cette dernière et justifie des diligences accomplies pour obtenir la communication de telles informations. Dans ces conditions, la société requérante peut être regardée comme apportant des éléments de vraisemblance, précis et convergents, quant au caractère pratiquement impossible ou excessivement difficile de la preuve de l'impôt effectivement payé par la société distributrice espagnole Altadis. Le ministre, qui ne saurait sérieusement soutenir que la société n'a pas pris toutes les mesures nécessaires afin de recueillir les éléments de preuve exigés, ne conteste pas utilement les éléments produits et n'apporte aucun élément quant au montant des impositions qui ont été effectivement acquittées par cette société. Dans ces conditions, la Société Générale doit être regardée comme justifiant de l'assujettissement des bénéfices sous-jacents à l'impôt sur les sociétés en Espagne et comme étant dans l'impossibilité de justifier du montant effectif de ces impositions.

17. S'agissant du taux, si la Société Générale revendique à titre principal, un taux d'imposition de 35%, qui n'est toutefois qu'un taux théorique issu d'une attestation purement déclarative établie début 2005 par la société Altadis, puis à titre subsidiaire, dans son mémoire du 27 juillet 2016, un taux effectif de 6,61%, déterminé à partir d'un impôt social net arrondi à 12 millions d'euros sur un résultat fiscal de 181 500 000 euros, ces taux sont contestés en défense par le ministre. Ce dernier fait en effet valoir que l'analyse des comptes annuels consolidés de la société Altadis ne permet de constater un taux effectif d'imposition du bénéfice sur lequel les dividendes ont été prélevés que de 5,47 % au titre de cet exercice, déterminé à partir d'un impôt effectivement versé de 11 981 000 euros sur un bénéfice comptable avant impôt de 219 070 000 euros. Dès lors que les résultats mis en paiement ne sauraient se limiter aux seules sommes retenues pour la détermination du résultat fiscal, il convient en effet, comme le souligne le ministre, de retenir, le bénéficie comptable avant impôt. Ainsi, et pour le calcul de la restitution à laquelle elle a droit, lequel ne comporte contrairement à ce qu'il est soutenu par l'administration, aucune imposition de sous-filiales, il y a lieu de retenir un taux d'imposition effectif appliqué aux bénéfices distribués de 5,47%. Compte tenu du mode de calcul du crédit d'impôt exposé ci-dessus aux points 14. et 15. la Société Générale doit être regardée comme justifiant du bien-fondé de sa demande de restitution seulement à concurrence d'une somme de 20 093 euros.

Au titre de l'année 2003 :

18. S'agissant des dividendes perçus en 2003, la Société Générale admet, ainsi qu'il résulte de l'audit réalisé par le cabinet KPMG, l'absence d'imposition effective du bénéfice ayant donné lieu à distribution des dividendes en litige à la société Généval et fait d'ailleurs apparaître dans son tableau de chiffrage subsidiaire produit le 27 juillet 2016 un taux d'imposition nul et un avoir fiscal égal à zéro. Par suite, faute de justifier du paiement de l'impôt par la société Altadis au titre de 2003, la Société Générale ne peut prétendre à un crédit d'impôt à raison des dividendes distribués par celle-ci à la Société Généval.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la Société Générale est seulement fondée à demander la restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2002 en sa qualité de société mère intégrante de la SA Généval, à concurrence d'une somme totale de 20 093 euros et la réformation du jugement attaqué dans cette mesure.

Sur les frais de l'instance :

20. La Société Générale justifie, par la production d'une facture d'honoraires des " Traducteurs Conseils " datée du 24 mai 2014, avoir exposé la somme de 1512 euros au titre des frais de traduction assermentée de l'espagnol vers le français. Il y a lieu, en outre, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des frais d'avocat, soit une somme globale de 3512 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est accordé à la Société Générale la restitution partielle des cotisations d'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittées au titre de l'exercice clos en 2002, à concurrence de la somme totale de 20 093 euros.

Article 2 : Le jugement n° 0607249 du 31 mars 2014 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'État versera la somme de 3 512 euros à la Société Générale au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la Société Générale est rejeté.

2

N° 14VE01605


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE01605
Date de la décision : 27/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables - Libertés de circulation - Libre circulation des capitaux.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôts et prélèvements divers sur les bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : Mme DANIELIAN
Rapporteur ?: Mme Isabelle DANIELIAN
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : DE PARDIEU BROCAS MAFFEI A.A.R.P.I.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-05-27;14ve01605 ?
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