Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner la commune de Neuilly-sur-Marne à lui verser diverses sommes d'un montant total de
51 694,66 euros en réparation de ses préjudices résultant de ses conditions d'emploi et de la rupture abusive de son contrat de travail.
Par un jugement n° 1704704 du 8 juin 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2018, M. A..., représenté par Me Achour, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de requalifier son contrat de travail en contrat à durée indéterminée ;
3°) de condamner la commune de Neuilly-sur-Marne à lui verser la somme de 19 709,71 euros au titre de son préjudice économique, 15 000 euros au titre de son préjudice moral et 10 000 euros au titre du préjudice de précarité ;
4°) de mettre à la charge de la commune la somme de 4 500 euros au titre des dispositions l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu à un moyen qui n'était pas inopérant ;
- le jugement attaqué est entaché d'un défaut de base légale ;
- la commune de Neuilly-sur-Marne a commis une faute en ne lui proposant pas un contrat à durée indéterminée en application de l'article 21 de la loi du 12 mars 2012 ;
- la commune de Neuilly-sur-Marne a également commis une faute en le recrutant pendant sept ans sur un emploi permanent ne répondant pas aux caractéristiques prévues par l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 déterminant les cas dans lesquels il est possible de recourir à des agents contractuels ;
- il est fondé à demander réparation de ces fautes à hauteur de 19 709,71 euros au titre du préjudice économique subi, 15 000 euros au titre du préjudice moral et 10 000 euros au titre du préjudice de précarité.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 199/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la commune de Neuilly-sur-Marne.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., recruté en qualité d'animateur culturel par la commune de Neuilly-sur-Marne par contrats à durée déterminée de septembre 2009 à juillet 2016, relève appel du jugement du 8 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Neuilly-sur-Marne à lui verser diverses sommes en réparation de ses préjudices résultant de ses conditions d'emploi et de la rupture abusive de son contrat de travail.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, si M. A... soutient que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'il occupait un emploi permanent, il résulte de la lecture du jugement attaqué que le tribunal a suffisamment répondu à ce moyen en énonçant, au point 2 de son jugement, " qu'à supposer même [que M. A...] occupait un emploi répondant à un besoin permanent, son contrat était insusceptible d'être reconduit pour une durée indéterminée, dès lors qu'il n'a pas été recruté sur le fondement de l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 ". Le moyen doit par suite être écarté.
3. En second lieu, si M. A... soutient que le jugement est entaché d'un défaut de base légale dès lors que le tribunal a estimé qu'il ne pouvait demander réparation de ses préjudices quand bien même il aurait occupé un emploi permanent, ce moyen se rattache au bien-fondé de la décision juridictionnelle et est sans incidence sur sa régularité. Il doit être écarté pour ce motif.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'existence de fautes :
S'agissant de l'absence de proposition de contrat à durée indéterminée :
4. Aux termes de l'article 21 de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique alors applicable : " A la date de publication de la présente loi, la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée est obligatoirement proposée à l'agent contractuel, employé par une collectivité territoriale ou un des établissements publics mentionnés à l'article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée conformément à l'article 3 de la même loi, dans sa rédaction antérieure à celle résultant de la présente loi, qui se trouve en fonction ou bénéficie d'un congé prévu par le décret pris en application de l'article 136 de ladite loi. / Le droit défini au premier alinéa du présent article est subordonné à une durée de services publics effectifs, accomplis auprès de la même collectivité ou du même établissement public, au moins égale à six années au cours des huit années précédant la publication de la présente loi. / Toutefois, pour les agents âgés d'au moins cinquante-cinq ans à cette même date, la durée requise est réduite à trois années au moins de services publics effectifs accomplis au cours des quatre années précédant la même date de publication. (...) ".
5. Si M. A... était âgé de plus de cinquante-cinq ans à la date de la publication de la loi du 12 mars 2012, il n'était recruté que depuis le 5 septembre 2009 et ne justifiait pas de trois années de services effectifs accomplis au sein de la même collectivité au cours des quatre années précédant la date de publication de cette loi. Dans ces conditions, M. A... ne faisait pas partie des agents pouvant prétendre au bénéfice d'un contrat à durée indéterminée en vertu des dispositions de l'article 21 de la loi du 12 mars 2012. Par suite, la commune n'a pas commis de faute en ne lui proposant pas de contrat à durée indéterminée sur le fondement de ces dispositions et M. A... n'est pas fondé à solliciter la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée.
S'agissant du maintien abusif sur un emploi permanent :
6. Aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligation des fonctionnaires : " Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont, à l'exception de ceux réservés aux magistrats de l'ordre judiciaire et aux fonctionnaires des assemblées parlementaires, occupés soit par des fonctionnaires régis par le présent titre, soit par des fonctionnaires des assemblées parlementaires, des magistrats de l'ordre judiciaire ou des militaires dans les conditions prévues par leur statut. ". Aux termes de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant disposition statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction antérieure à la loi du 12 mars 2012 : " Les collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 ne peuvent recruter des agents non titulaires pour occuper des emplois permanents que pour assurer le remplacement momentané de fonctionnaires autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel ou indisponibles en raison d'un congé de maladie, d'un congé de maternité, d'un congé parental ou d'un congé de présence parentale, ou de l'accomplissement du service civil ou national, du rappel ou du maintien sous les drapeaux, de leur participation à des activités dans le cadre de l'une des réserves mentionnées à l'article 74, ou pour faire face temporairement et pour une durée maximale d'un an à la vacance d'un emploi qui ne peut être immédiatement pourvu dans les conditions prévues par la présente loi. / Ces collectivités et établissements peuvent, en outre, recruter des agents non titulaires pour exercer des fonctions correspondant à un besoin saisonnier pour une durée maximale de six mois pendant une même période de douze mois et conclure pour une durée maximale de trois mois, renouvelable une seule fois à titre exceptionnel, des contrats pour faire face à un besoin occasionnel. / Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 du titre Ier du statut général, des emplois permanents peuvent être occupés par des agents contractuels dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; / 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. / Toutefois, dans les communes de moins de 1 000 habitants et dans les groupements de communes dont la moyenne arithmétique des nombres d'habitants ne dépasse pas ce seuil, des contrats peuvent être conclus pour pourvoir des emplois permanents à temps non complet pour lesquels la durée de travail n'excède pas la moitié de celle des agents publics à temps complet ou pour pourvoir l'emploi de secrétaire de mairie quelle que soit la durée du temps de travail. Dans les communes de moins de 2 000 habitants et dans les groupements de communes de moins de 10 000 habitants, lorsque la création ou la suppression d'un emploi dépend de la décision d'une autorité qui s'impose à la collectivité en matière de création, de changement de périmètre ou de suppression d'un service public, la collectivité peut pourvoir à cet emploi par un agent non titulaire. / Les agents recrutés conformément aux quatrième, cinquième et sixième alinéas sont engagés par des contrats à durée déterminée, d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables, par reconduction expresse. La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans. / Si, à l'issue de la période maximale de six ans mentionnée à l'alinéa précédent, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée. (...) ".
7. Il résulte des dispositions de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans leur rédaction antérieure à la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique - qui ont été reprises aux articles
3-1, 3-2 et 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 dans leur rédaction issue de la loi du 12 mars 2012, que les collectivités territoriales de plus de 2 000 habitants ne peuvent recruter par contrat à durée déterminée des agents non titulaires que, d'une part, en vue d'assurer des remplacements momentanés ou d'effectuer des tâches à caractère temporaire ou saisonnier définies à ces alinéas et, d'autre part, dans le cadre des dérogations au principe selon lequel les emplois permanents sont occupés par des fonctionnaires, lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer certaines fonctions, ou lorsque, pour des emplois de catégorie A, la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. Dans ce dernier cas, les agents recrutés sont engagés par des contrats à durée déterminée, d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables, par reconduction expresse. La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans. Si, à l'issue de la période maximale de six ans, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée.
8. Ces dispositions se réfèrent ainsi, s'agissant de la possibilité de recourir à des contrats à durée déterminée, à des " raisons objectives ", de la nature de celles auxquelles la directive renvoie. Elles ne font nullement obstacle à ce qu'en cas de renouvellement abusif de contrats à durée déterminée, l'agent concerné puisse se voir reconnaître un droit à l'indemnisation du préjudice éventuellement subi lors de l'interruption de la relation d'emploi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Il incombe au juge, pour apprécier si le renouvellement des contrats présente un caractère abusif, de prendre en compte l'ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment la nature des fonctions exercées, le type d'organisme employeur ainsi que le nombre et la durée cumulée des contrats en cause.
9. Il résulte de l'instruction que, entre 2009 et 2016, la commune de Neuilly-sur-Marne a employé M. A... en qualité d'animateur culturel non titulaire pour la durée de chaque année scolaire afin d'animer des ateliers d'arts plastiques et de peinture. Si l'un des arrêtés de recrutement de M. A... se référait au deuxième alinéa de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, la commune de Neuilly-sur-Marne n'apporte aucun élément de nature à établir que
M. A... a été recruté pour exercer des fonctions correspondant à un besoin saisonnier ou faire face à un besoin occasionnel et qu'il n'a pas occupé un emploi permanent. Il résulte des dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 qu'un tel emploi doit être occupé notamment par un fonctionnaire, sauf dérogation prévue par une disposition législative.
La situation de M. A... n'entrait pas dans le champ d'application des dérogations prévues par la loi du 26 janvier 1984. Dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir qu'en renouvelant son contrat pendant sept ans sur un tel emploi, la commune de Neuilly-sur-Marne a fait un usage abusif du contrat à durée déterminée et ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
En ce qui concerne les préjudices :
10. En premier lieu, aux termes de l'article 1-2 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 16 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale, dans sa version applicable au litige : " La rémunération des agents employés à durée indéterminée fait l'objet d'un réexamen au minimum tous les trois ans, notamment au vu des résultats de l'évaluation prévue à l'article 1-3. "
11. M. A... n'établit pas qu'il avait une chance sérieuse de voir sa rémunération augmenter à l'issue de telles évaluations si elles avaient effectivement eu lieu. Il ne justifie donc pas d'un préjudice au titre de la réévaluation prévue par l'article 1-2 du décret du 15 février 1988.
12. En deuxième lieu, si M. A... fait valoir qu'il aurait dû percevoir le supplément familial de traitement, il n'établit pas qu'il aurait eu la charge effective d'enfant de 2009 à 2016.
13. En troisième lieu, M. A..., agent non titulaire sur un emploi de catégorie B, n'établit l'existence d'aucun préjudice qu'il aurait subi du fait d'un pourcentage de cotisations moindre applicable à un agent contractuel qu'à un fonctionnaire.
14. En quatrième lieu, ainsi que le fait valoir le requérant, la conclusion de contrat à durée déterminée successifs avec des interruptions estivales a fait obstacle à une rémunération au titre de ces périodes qui lui aurait été attribuée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Par suite, eu égard au bulletin de paie qu'il produit, M. A... doit être indemnisé de ce chef de préjudice à hauteur de 8 712 euros au titre des traitements non perçus pour les mois de juillet et août des années 2010 à 2015.
15. Enfin, M. A... invoque un préjudice moral et d'un préjudice de précarité résultant de l'instabilité de sa situation professionnelle. Eu notamment égard à la circonstance que la commune a finalement proposé à M. A... par deux courriers des 22 juillet 2016 et 3 janvier 2017 de poursuivre son activité, il sera fait une juste appréciation des préjudices subis par le requérant en les évaluant globalement à la somme de 2 000 euros.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a, par le jugement attaqué, rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante, une quelconque somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Neuilly-sur-Marne le versement à M. A... de la somme de 2 000 euros au titre de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1704704 du tribunal administratif de Montreuil du 8 juin 2018 est annulé.
Article 2 : La commune de Neuilly-sur-Marne est condamnée à verser à M. A... la somme totale de 10 712 euros.
Article 3 : La commune de Neuilly-sur-Marne versera à M. A... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
N° 18VE02576 2