Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI France Rive a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune d'Issy-les-Moulineaux à lui verser la somme de 1 328 209,70 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2016, en réparation du préjudice résultant de l'illégalité d'un arrêté du 23 août 2013 portant sursis à statuer sur une déclaration préalable de travaux et de mettre à la charge de la commune la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1702299 du 27 novembre 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 janvier 2019, la SCI France Rive, représentée par Me de Saint-Blancard, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté portant sursis à statuer sur une déclaration préalable de travaux ;
2°) de condamner la commune d'Issy-les-Moulineaux à lui verser la somme de 1 328 209,70 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2016, en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de la commune la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
La SCI France Rive soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- les premiers juges ont estimé, à tort, qu'elle n'établissait pas l'existence d'un lien de causalité entre l'arrêté portant sursis à statuer du 23 août 2013 et la perte des loyers non perçus de sa locataire, la société française de solutions industrielles d'ingénierie environnementale et énergétique (ci-après SCI FSIIEE), pour un montant de 1 328 209,70 euros.
Sur les conclusions indemnitaires :
- l'arrêté en date du 23 août 2013 a eu pour effet d'empêcher " tant la poursuite de la location en cours que la conclusion d'un bail avec le candidat locataire qui se proposait de substituer le locataire en place " et la résiliation de ce bail, conclu avec la SCI FSIIEE, est à l'origine directe et certaine de son préjudice financier.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code du travail ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., pour la commune d'Issy-les-Moulineaux.
Considérant ce qui suit :
1. Par l'arrêté litigieux du 23 août 2013, le maire de la commune d'Issy-les-Moulineaux a opposé à la société France Rive un sursis à statuer sur une déclaration préalable de travaux du 2 juillet 2013, relative à la création d'un escalier de secours pour un immeuble sis 5 rue Guynemer à Issy-les-Moulineaux. Le 10 mars 2015, par un jugement n° 1308631 devenu définitif, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté pour un motif de légalité interne tiré de l'erreur d'appréciation. Par un courrier du 22 septembre 2015, le maire de la commune a finalement autorisé la réalisation de ces travaux. Le 22 novembre 2016, la société requérante a demandé à la commune d'Issy-les-Moulineaux l'indemnisation du préjudice résultant de cette décision illégale, qui l'avait selon ses dires " empêchée de louer l'immeuble ... à une société candidate Regus qui devait se substituer au locataire, la société FSIIEE ", au titre d'une période allant du 23 août 2013 au 22 septembre 2015. Cette demande a été rejetée le 12 janvier 2017 par le maire de la commune. La SCI France Rive relève appel du jugement n° 1702299 du 27 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Issy-les-Moulineaux à lui verser la somme de 1 328 209,70 euros avec intérêts à compter du 22 novembre 2016, réclamée en réparation du préjudice résultant de l'illégalité de l'arrêté du 23 août 2013.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En unique lieu, la SCI France Rive soutient que les premiers juges auraient estimé à tort qu'elle n'établissait pas l'existence d'un lien de causalité entre l'arrêté illégal du 23 août 2013 portant sursis à statuer sur une déclaration préalable de travaux, et les loyers non perçus de la SCI FSIIEE, pour un montant de 1 328 209,70 euros. Ce moyen relève toutefois du bien-fondé du jugement attaqué et non de sa régularité. Il doit être écarté pour ce motif.
Sur les conclusions en indemnisation :
3. D'une part, le 10 mars 2015, par un jugement n° 1308631 devenu définitif, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé, pour un motif tiré de l'erreur d'appréciation, l'arrêté litigieux du 23 août 2013 opposant un sursis à statuer sur la déclaration préalable de travaux de la SCI France Rive du 2 juillet 2013, relative à la création d'un escalier de secours pour un immeuble sis 5 rue Guynemer à Issy-les-Moulineaux. Il est constant que la décision par laquelle l'autorité administrative s'oppose illégalement à une demande d'autorisation de construire, constitue une faute de nature à engager sa responsabilité.
4. D'autre part, l'ouverture du droit à indemnisation est subordonnée au caractère direct et certain des préjudices invoqués et à l'existence d'un lien de causalité entre ces préjudices et l'action de la collectivité dont la responsabilité est recherchée. Ainsi, la perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d'un refus illégal d'une autorisation d'urbanisme, revêt un caractère éventuel et ne peut pas en principe, ouvrir droit à réparation. Il n'en va autrement que si le requérant justifie de circonstances particulières, tels que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain. Il est fondé, si tel est le cas, à obtenir réparation au titre du bénéfice qu'il pouvait raisonnablement attendre de cette opération.
5. La SCI France Rive fait valoir que l'arrêté du 23 août 2013 portant sursis à statuer sur une déclaration préalable de travaux afin de construire un escalier de secours a eu pour conséquence d'empêcher " tant la poursuite de la location en cours que la conclusion d'un bail avec le candidat locataire qui se proposait de substituer le locataire en place " et que, par suite, la résiliation de ce bail avec la SCI FSIIEE est à l'origine de son préjudice financier. Il résulte toutefois de l'instruction, en particulier des écritures par lesquelles la société locataire SCI FSIIEE a saisi le tribunal de grande instance de Paris le 18 octobre 2013, qu'elle souhaitait faire constater la nullité du contrat de bail conclu avec la SCI France Rive, bailleur professionnel d'immobilier de bureaux, pour vice du consentement et dol, au regard des articles 1109, 1110, 1117 et 1131 du code civil et en tant que les locaux pris à bail n'avaient jamais été conformes à leur destination depuis la conclusion du bail en 2008, car ils contrevenaient à la règlementation applicable en matière d'évacuation et de sécurité, en particulier l'article R. 4227-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable, succédant à une réglementation similaire issue du décret n° 92-333 du 31 mars 1992. En effet il n'existait dans ce bâtiment qu'un seul dégagement permettant l'évacuation, à savoir un escalier dont la largeur était inférieure à 1,25 mètres, ce qui limitait l'occupation de l'édifice complet, comportant 5 niveaux d'une superficie de 256 m² chacun, à moins de 20 personnes en application des normes de sécurité, soit un salarié pour 54 m² alors que le bail concernait " la totalité d'un immeuble de bureaux (...) " caractérisant selon la société locataire, la vocation de cet immeuble à héberger un grand nombre de salariés dans le cadre de l'exécution de ce bail. C'est suite à cette assignation en justice que la SCI France Rive a proposé de sa propre initiative à la SCI FSIIEE, par un protocole daté du 6 novembre 2013, de résilier le bail au 15 juillet 2013 avec effet rétroactif de quatre mois.
6. Ainsi, la résiliation du bail est avant tout la conséquence de la nécessité pour le locataire SCI FSIIEE, en tant qu'employeur, de se mettre en conformité avec les normes de dégagement fixées par l'article R. 4227-5 du code du travail, au regard du nombre de salariés travaillant sur le site. Ces normes ayant été introduites par le décret n° 92-333 du 31 mars 1992, cette obligation de mise en conformité existait depuis l'origine du contrat de bail en 2008. Etant de la responsabilité exclusive du locataire, qui, en tant qu'employeur, devait s'assurer d'offrir à ses salariés des locaux conformes aux normes de sécurité, la société requérante SCI France Rive n'était toutefois nullement tenue de résilier ce bail de sa propre initiative, le contrat de location ne prévoyant pas un nombre défini de postes de travail dans cet immeuble, qui d'ailleurs avait été précédemment loué à une société louant des espaces et des boxes de stockage dont l'activité nécessitait très peu de salariés et donc, non assujettie à une telle contrainte. Enfin, la requérante ne justifie pas devant la cour, comme en première instance, avoir été dans l'impossibilité de louer cet immeuble à un autre locataire postérieurement à la résiliation du bail. Ainsi, en l'absence d'un lien de causalité direct et certain entre le préjudice invoqué par la requérante et l'illégalité commise par la commune d'Issy-les-Moulineaux, les conclusions aux fins d'indemnisation doivent être rejetées dans leur totalité.
7. Il résulte de tout ce qui précède, que la requête de la SCI France Rive doit être rejetée. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, à mettre à sa charge une somme de 2 000 euros à verser à la commune d'Issy-les-Moulineaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter le surplus des conclusions de cette dernière.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCI France Rive est rejetée.
Article 2 : La SCI France Rive versera une somme de 2 000 euros à la commune d'Issy-les-Moulineaux.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune d'Issy-les-Moulineaux est rejeté.
N° 19VE00191 4