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15/04/2021 | FRANCE | N°20VE03032

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 15 avril 2021, 20VE03032


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2020 par lequel le préfet du Val d'Oise a ordonné son transfert aux autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2010418 du 2 novembre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 29 septembre 2020.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 novembre 2020, le préfet du Val d'Oise demande à la cour d'annul

er ce jugement du 2 novembre 2020 et de rejeter la demande de M. C... présentée devant le tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2020 par lequel le préfet du Val d'Oise a ordonné son transfert aux autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2010418 du 2 novembre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 29 septembre 2020.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 novembre 2020, le préfet du Val d'Oise demande à la cour d'annuler ce jugement du 2 novembre 2020 et de rejeter la demande de M. C... présentée devant le tribunal administratif.

Il soutient que M. C... a bénéficié d'un entretien individuel le 31 août 2020 avec le concours d'un interprète en langue penajabi, dans un endroit confidentiel et isolé du public.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant pakistanais, a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de l'arrêté du préfet du Val d'Oise du 29 septembre 2020 prononçant son transfert aux autorités allemandes responsables de l'examen de sa demande d'asile. Le préfet du Val d'Oise relève appel du jugement du tribunal administratif ayant annulé son arrêté.

Sur le moyen retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

3. Pour annuler l'arrêté de remise aux autorités allemandes, le magistrat désigné a considéré qu'en l'absence de toute écriture et production de pièces par le préfet du Val d'Oise, aucun élément ne permettait d'établir que M. C... avait effectivement bénéficié d'un entretien individuel dans les conditions prévues par les dispositions précitées, et que cette omission avait été de nature à priver l'intéressé d'une garantie.

4. Toutefois, en appel, le préfet du Val d'Oise soutient que M. C... a bénéficié d'un entretien individuel le 30 août 2020, et produit le résumé de cet entretien duquel il ressort qu'il a été mené par un agent qualifié de la préfecture, dans un endroit confidentiel et isolé du public, et que l'intéressé a bénéficié du concours d'un interprète en langue penjabi. Par suite, le préfet du Val d'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif a annulé son arrêté et à demander son annulation.

5. Il y a lieu par suite pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C....

Sur les autres moyens invoqués :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative ".

7. Il résulte de ces dispositions que la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardé comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaitre qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

8. La décision de transfert en litige comporte le visa du règlement (UE) n° 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers. Elle indique que " il ressort de la comparaison des empreintes digitales de M. C... au moyen du système EURODAC ", effectuée conformément au règlement n° 603/2013 susvisé, que l'intéressé a sollicité l'asile auprès des autorités hongroises et allemandes, que ces des dernières ont accepté de reprendre en charge M. C... en application de l'article 18-(1) (d) du règlement n° 604/2013 précité et que celles-ci ont accepté leur responsabilité par un accord explicite du 8 septembre 2020. Ces éléments permettent à l'intéressé de comprendre les motifs sur lesquels s'est fondé le préfet du Val d'Oise pour déterminer que l'Allemagne était responsable de l'examen de sa demande d'asile. Elle indique également qu'au vu des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. C..., sa situation ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient M. C..., l'arrêté est suffisamment motivé.

9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté en cause, que le préfet du Val d'Oise a procédé à un examen particulier de la situation de M. C... avant de décider son transfert aux autorités allemandes.

10. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 13 du même règlement : " Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière ".

11. Il résulte clairement de ces dispositions que la détermination de l'Etat membre en principe responsable de l'examen de la demande de protection internationale s'effectue une fois pour toutes à l'occasion de la première demande d'asile, au vu de la situation prévalant à cette date. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a présenté une première demande d'asile en Hongrie et en Allemagne, que les autorités hongroises ont refusé de reprendre en charge l'intéressé le 8 septembre 2020 alors que les autorités allemandes ont explicitement accepté le 8 septembre 2020 cette reprise en charge. L'Allemagne demeure, en application du règlement du 26 juin 2013, l'Etat responsable de l'examen de sa demande de protection internationale, ainsi d'ailleurs que l'ont reconnu les autorités allemandes en donnant explicitement leur accord au transfert de l'intéressé. Par suite, M. C... ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 13 du règlement du 26 juin 2013 qui ne sont susceptibles de s'appliquer qu'au ressortissant d'un pays tiers qui présente une demande d'asile pour la première fois depuis son entrée sur le territoire de l'un ou l'autre des Etats membres, et non à celui qui présente une demande d'asile dans un Etat membre après avoir déposé une première demande d'asile dans un autre Etat membre.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. Si M. C... soutient qu'il a créé de nombreux liens amicaux en France, qu'il apprend à parler le français et aimerait pouvoir travailler en France, l'intéressé qui est célibataire et sans famille sur le territoire n'est pas fondé à soutenir dans ces conditions, que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ".

15. Si M. C... soutient qu'il souffre de problèmes de santé importants, aucune pièce du dossier ne vient appuyer cette allégation et ne permet de considérer qu'il ne recevrait pas en Allemagne les soins nécessaires à son état de santé. Il n'établit pas davantage, en soutenant qu'il a dû fuir le Pakistan en raison de son homosexualité, que sa demande d'asile serait traitée par les autorités allemandes d'une manière qui ne répondrait pas à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Dès lors, le préfet du Val d'Oise n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire de compétence prévue à l'article 17 précité du règlement (UE) n° 604/2013,

16. Il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2010418 du 2 novembre 2020 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.

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N° 20VE03032


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE03032
Date de la décision : 15/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine LE GARS
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : PARTOUCHE-KOHANA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-04-15;20ve03032 ?
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