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15/04/2021 | FRANCE | N°19VE00806

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 15 avril 2021, 19VE00806


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 19 novembre 2015 par laquelle le directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) a confirmé sa décision du 21 octobre 2015 refusant la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 18 décembre 2014.

Par un jugement n° 1600296 du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ces deux décisions.

Procédure devant la Cour :

Par une re

quête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 5 mars 2019, 8 juillet et 17 septembr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 19 novembre 2015 par laquelle le directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) a confirmé sa décision du 21 octobre 2015 refusant la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 18 décembre 2014.

Par un jugement n° 1600296 du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ces deux décisions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 5 mars 2019, 8 juillet et 17 septembre 2020, l'AP-HP, représentée par Me Lacroix, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont soulevé d'office des moyens qui n'étaient pas d'ordre public, tirés, d'une part, de l'erreur d'appréciation quant à l'imputabilité au service des affections de M. B... et, d'autre part, de l'existence d'une maladie professionnelle ;

- la demande de M. B... était irrecevable car dépourvue de moyens ;

- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation et une erreur de droit en appréciant la légalité des décisions contestées comme s'il s'agissait d'examiner l'imputabilité au service d'une maladie professionnelle alors que M. B... avait sollicité la reconnaissance d'un accident de service ;

- c'est à tort que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de l'erreur d'appréciation ;

- à titre subsidiaire, l'AP-HP sollicite une substitution des motifs de la décision attaquée par un motif tiré, d'une part, de l'absence de lien direct et certain entre la pathologie de Monsieur B... et son activité professionnelle et, d'autre part, de l'existence d'un état antérieur dégénératif évoluant pour son propre compte.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., première conseillère,

- les conclusions de M. Illouz, rapporteur public,

- et les observations de Me Esteveny, avocat, pour l'AP-HP.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., aide-soignant titulaire, est affecté au service de psychiatrie de l'hôpital Louis-Mourier de Colombes, lequel dépend de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), depuis le 1er septembre 2008. Durant la nuit du 18 décembre 2014, il a effectué exceptionnellement un service de nuit à l'unité de soins de longue durée de l'établissement. Il a été mis en arrêt-maladie le lendemain. Il a adressé une demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident survenu durant cette nuit du 18 décembre 2014. Par un avis du 13 octobre 2015, la commission de réforme a considéré que l'affection de M. B... n'était pas imputable au service. Par une décision du 21 octobre 2015, le directeur général de l'AP-HP a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de l'affection de M. B.... Celui-ci a, par une lettre du 13 novembre 2015, formé un recours gracieux contre cette décision, qui a été rejeté par le directeur général de l'AP-HP le 19 novembre 2015. L'AP-HP fait appel du jugement du 8 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ces deux décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des termes de la demande de première instance que M. B..., qui n'était pas représenté par un avocat, a contesté la décision du 21 octobre 2015 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 18 décembre 2014 en soulevant le moyen tiré de l'existence d'une erreur d'appréciation. En précisant dans cette demande que le métier d'aide-soignant sollicite beaucoup d'efforts physiques et que le développement des maladies musculo-squelettiques est courant dans sa profession, M. B... doit être regardé comme se prévalant d'une maladie résultant de l'exécution de ses fonctions. Par suite, contrairement à ce que soutient l'AP-HP, les juges de première instance n'ont pas soulevé d'office un moyen qui n'était pas d'ordre public, ni en relevant une erreur d'appréciation, ni en jugeant que M. B... est affecté d'une maladie imputable au service.

3. En deuxième lieu, si l'AP-HP soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation, ces moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par les premiers juges, sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

4. Enfin, il résulte des motifs énoncés au point 2 que, contrairement à ce que soutient l'AP-HP, la requête de M. B... n'était pas dépourvue de moyens. Par suite, la demande de M. B... était recevable.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

5. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ". Le droit, prévu par ces dispositions, de conserver l'intégralité du traitement est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident de service. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service.

6. Il ressort des pièces du dossier, que, le 18 décembre 2014, M. B..., qui était habituellement affecté au service de psychiatrie, a été affecté exceptionnellement à l'unité de soins longue durée où il a dû effectuer des soulèvements de patients, notamment en vue de les sangler. A l'issue de son service, il a indiqué dans le registre d'inscription des accidents du travail avoir ressenti, à l'occasion d'un " effort de soulèvement de patient sans aide mécanique ", une " douleur vive au niveau des épaules, hanches et lombaires ". Le médecin qui a délivré le lendemain un arrêt-maladie à l'intéressé, lequel a été prolongé jusqu'au 12 février 2015, a également mentionné avoir constaté ces douleurs. Différents examens médicaux effectués au cours de l'année 2015 ont révélé que M. B... souffre d'une tendinopathie superficielle et d'une discopathie. Si l'AP-HP soutient que la pathologie de M. B... trouve sa cause dans une discopathie dégénérative antérieure au 18 décembre 2014 et non dans l'accident de service invoqué, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette pathologie soit exclusivement imputable à l'état préexistant de M. B... et n'ait pas été aggravée par l'accident de service survenu le 18 décembre 2014. Au demeurant, cette discopathie dégénérative fait suite à un précédent accident de service survenu le 4 février 2010 et était donc elle-même imputable au service. Ces faits, qui se sont produits à la suite d'un évènement précis et daté, lors de l'exercice des fonctions, présentent donc le caractère d'un accident de service. Ni le fait que M. B... serait venu travailler par erreur le 18 décembre 2014 et aurait refusé de rentrer chez lui, ce qui a entraîné son affectation exceptionnelle à l'unité de soins longue durée, ni la circonstance, au demeurant non démontrée, qu'il n'aurait pas utilisé correctement les lève-malades, ne constituent une faute personnelle de l'agent ou une circonstance détachant ces événements du service.

Sur la substitution de motif demandée :

7. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

8. L'AP-HP demande que soit substitué au motif des décisions attaquées un motif tiré, d'une part, de l'absence de lien direct et certain entre la pathologie de Monsieur B... et son activité professionnelle et, d'autre part, de l'existence d'un état antérieur dégénératif évoluant pour son propre compte. Toutefois, il résulte des points 6 à 8 que le nouveau motif invoqué par l'administration est également entaché d'une erreur et ne peut pas non plus fonder régulièrement les décisions attaquées.

9. Il résulte de tout ce qui précède que l'AP-HP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé les décisions du 21 octobre et 19 novembre 2015 par lesquelles le directeur général de l'AP-HP a refusé de reconnaître l'imputabilité de l'accident subi par M. B... le 18 décembre 2014 au service. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

Sur les frais de justice :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 2 500 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur l'injonction d'office :

11. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Aux termes de l'article R. 611-7-3 du même code : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'impliquer le prononcé d'office d'une injonction, assortie le cas échéant d'une astreinte, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations ". Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre d'office au directeur général de l'AP-HP, conformément aux dispositions précitées, d'édicter une décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident subi par M. B... le 18 décembre 2014.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'AP-HP est rejetée.

Article 2 : L'AP-HP versera une somme de 2 500 euros à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Il est enjoint au directeur général de l'AP-HP d'édicter une décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident subi par M. B... le 18 décembre 2014.

N° 19VE00806 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00806
Date de la décision : 15/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: M. ILLOUZ
Avocat(s) : MINIER MAUGENDRE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-04-15;19ve00806 ?
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