Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Finindusco a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, contributions additionnelles, intérêts de retard et pénalités auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010, pour un montant de 2 299 609 euros.
Par un jugement n° 1706870 du 7 février 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 29 mars 2019 et le 14 novembre 2019, la SAS Finindusco, représentée par Me B..., avocat, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la subvention versée par la SAS Amneville Loisirs à la SA Société hôtelière d'Amneville-les-Thermes (SHAT), assimilée par l'article 21 du décret d'application de l'article 34 de la loi de finances rectificative pour 1995 à une subvention d'équipement accordée par un organisme public, constitue une subvention publique versée indirectement par l'Etat ; cette qualification est exclusive de la qualification de subvention intragroupe ; elle n'a pas, par conséquent, à être neutralisée dans les résultats du groupe ;
- quelle que soit la nature de la subvention versée, les dispositions de l'article 223 B du CGI relatives à la neutralisation des subventions intragroupe ne sont pas applicables, dès lors qu'elles ne prévoient pas la neutralisation étalée d'une subvention d'équipement ; la neutralité fiscale de la subvention n'est pas assurée dès lors que son étalement dans les résultats de la filiale bénéficiaire conduit à ce qu'elle soit, au titre d'un exercice donné, intégralement neutralisée pour la détermination du résultat fiscal de la société qui la verse et seulement partiellement neutralise pour la société qui la reçoit ;
- la différence de traitement entre les sociétés placées sous le régime de l'intégration fiscale et celles qui ne le sont pas méconnaît le principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt ;
- subsidiairement, dans l'hypothèse où la subvention intragroupe devrait être neutralisée, la subvention reçue par la SHAT aurait dû être neutralisée en intégralité pour déterminer le résultat d'ensemble du groupe au titre de l'exercice clos en 2010.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 95-1347 du 30 décembre 1995 de finances rectificative pour 1995, notamment son article 34 ;
- le décret n° 97-663 du 29 mai 1997 pris en application de l'article 34 de la loi de finances rectificative pour 1995 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... ;
- les conclusions de M. Met, rapporteur public ;
- les observations de Me B..., représentant la SAS Finindusco.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Finindusco est la société mère de la SAS Amnéville Loisirs, qui exploite le Casino d'Amnéville et qui détient 99,96 % de la SA Société Hôtelière d'Amneville-les-Thermes (SHAT), créée pour construire et gérer un hôtel 4 étoiles attenant. A la suite des contrôles dont les sociétés Amnéville Loisirs et SHAT ont fait l'objet, l'administration a réintégré dans les résultats de la SAS Amneville Loisirs la subvention de 5 815 628 euros versée à la SHAT au cours de l'exercice 2010. La SAS Finindusco, tête du groupe fiscalement intégré composé de ces trois sociétés, relève appel du jugement en date du 7 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de décharge des impositions supplémentaires qui en ont résulté, pour un montant de 2 299 609 euros.
2. D'une part, aux termes du I de l'article 34 de la loi de finances rectificative pour 2015 dans sa rédaction applicable : " Outre l'abattement préalable sur le produit brut des jeux prévu à l'article 1er du décret-loi du 28 juillet 1934, les casinos peuvent bénéficier (...) d'un abattement supplémentaire de 5 p. 100. sur le produit brut des jeux correspondant aux dépenses d'acquisition, d'équipement et d'entretien à caractère immobilier qu'ils réalisent dans les établissements thermaux et hôteliers leur appartenant (...) et dont ils assurent la gestion. (...) ". L'article 8 du décret n° 97-663 du 29 mai 1997 pris en application de ces dispositions précise que : " Pour ouvrir droit au bénéfice de l'abattement supplémentaire prévu au présent titre, les dépenses d'acquisition, d'équipement et d'entretien doivent : / a) Présenter un caractère immobilier ; / b) S'agissant des dépenses d'équipement et d'entretien, y compris de construction, être effectuées dans les établissements hôteliers classés de tourisme en application de la loi du 4 avril 1942 ou dans des établissements thermaux. Ces établissements doivent être situés dans la commune du siège du casino bénéficiaire de l'abattement ou dans les communes limitrophes, et appartenir : / - soit à ce casino ; / - soit à une société dont 95 % des droits de vote et des dividendes sont détenus par ce dernier ; / - soit à une société membre d'un groupe fiscal au sens de l'article 223 A du code général des impôts auquel appartient également la société qui exploite le casino ; / - soit appartenir à une collectivité territoriale qui en confie la gestion à ce casino ou à une de ces sociétés ; (...) / d) Les dépenses sont prises en charge par le casino sous la forme soit : / - d'un paiement direct à l'entreprise ayant exécuté les travaux, si l'établissement appartient au casino ; / - du versement d'une subvention à la société exploitant l'établissement si celle-ci remplit les conditions énoncées au b ci-dessus ; (...) e) Avoir été préalablement agréées (...) ". L'article 9 du même décret détermine les travaux et équipements susceptibles d'ouvrir droit au bénéfice de cet abattement supplémentaire et, selon l'article 21, " Les établissements hôteliers ou thermaux bénéficient des dispositions du 1 de l'article 42 septies du code général des impôts en ce qui concerne les dépenses mentionnées aux articles 8 et 9 ci-dessus et prises en charge par les casinos dans les conditions prévues aux articles précédents. ". En vertu des articles 10 et 11 dudit décret alors applicables, la demande d'agrément est présentée par les casinos, pour chaque établissement bénéficiaire, au trésorier-payeur général de leur département et accordé par le préfet, après avis du maire de la commune siège du casino et du directeur des services fiscaux du département, sur avis conforme du trésorier-payeur général.
3. D'autre part, le 1 de l'article 42 septies du code général des impôts dispose, dans sa rédaction applicable, que : " Les subventions d'équipement accordées à une entreprise par l'Union européenne, l'Etat, les collectivités publiques ou tout autre organisme public à raison de la création ou de l'acquisition d'immobilisations déterminées ne sont pas comprises, sur option de l'entreprise, dans les résultats de l'exercice en cours à la date de leur attribution ; dans ce cas, elles sont imposables dans les conditions définies au présent article. / Lorsqu'elles ont été utilisées à la création ou à l'acquisition d'une immobilisation amortissable, ces subventions sont rapportées aux bénéfices imposables en même temps et au même rythme que celui auquel l'immobilisation en cause est amortie. Ce rythme est déterminé, pour chaque exercice, par le rapport existant entre la dotation annuelle aux amortissements pratiquée à la clôture de l'exercice concerné sur le prix de revient de cette immobilisation et ce même prix de revient. / (...) ".
4. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que les sociétés exploitant un casino peuvent bénéficier d'un abattement supplémentaire de 5 % sur le produit brut des jeux à raison de leurs dépenses d'acquisition, d'équipement et d'entretien à caractère immobilier réalisées dans les établissements thermaux et hôteliers qu'elles détiennent directement ou indirectement. Lorsque l'établissement hôtelier appartient à une autre entité, celle-ci doit être détenue à plus de 95 % par le casino investisseur ou appartenir au même groupe, l'investissement prenant, dans ce cas, la forme d'une subvention. Contrairement à ce que soutient la société requérante, alors même que seules peuvent ouvrir doit à cet abattement les dépenses préalablement agréées par le préfet en application de l'article 11 du décret cité au point 2, les subventions versées par la société mère casinotière à sa filiale hôtelière ne peuvent être regardées, y compris pour la fraction ouvrant droit à l'abattement forfaitaire supplémentaire, comme accordées par l'Etat et versées par le casino pour le compte de celui-ci. En permettant aux établissements hôteliers ou thermaux de bénéficier, par référence aux dispositions du 1 de l'article 42 septies du code général des impôts, de la faculté d'étaler le rapport des subventions versées par leur société mère sur la durée d'amortissement des biens, la loi fiscale n'a pas davantage entendu qualifier ces subventions, par nature privées, de subventions publiques. Il y a dès lors lieu, par adoption des motifs parfaitement énoncés par les premiers juges, d'écarter le moyen tiré de ce que la subvention en litige ne pourrait être qualifiée de subvention intragroupe.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 223 B du code général des impôts : " Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminé selon les conditions du droit commun (...) / L'abandon de créance ou la subvention directe ou indirecte consenti entre des sociétés du groupe (...), n'est pas pris en compte pour la détermination du résultat d'ensemble. (...) ". L'option pour le régime dit de " l'intégration fiscale " ne dispense pas chacune des sociétés du groupe fiscal intégré de déterminer son résultat dans les conditions de droit commun, ainsi que le prévoit le premier alinéa de l'article 223 B du code général des impôts, sous la seule réserve des dérogations expressément autorisées par les dispositions propres à ce régime d'exception. Aucune de ces dispositions n'autorise une société membre du groupe à déclarer selon des règles différentes des règles de droit commun un abandon de créance ou une subvention directe ou indirecte qu'elle a consenti ou dont elle a bénéficié. La neutralisation d'un tel abandon de créance ou d'une subvention directe ou indirecte consenti entre sociétés du même groupe est effectuée, pour la détermination du résultat d'ensemble, après l'établissement des résultats individuels des sociétés membres du groupe.
6. Il résulte de ces dispositions que la subvention en litige, versée par la SAS Amnéville Loisirs à la SHAT, société membre du groupe intégré, devait être neutralisée pour la détermination des résultats d'ensemble du groupe, au niveau de chacune de ces deux sociétés, à proportion des seuls produits et charges inscrits en comptabilité. La subvention intragroupe de 5 815 628 euros versée à la SHAT au cours de l'exercice 2010, déduite en charges par la SAS Amnéville Loisirs, devait dès lors être réintégrée au résultat fiscal de cette société, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la société bénéficiaire a opté pour la faculté, qui lui était ouverte par les dispositions rappelées au point 3 de l'article 42 septies du code général des impôts, d'étaler le produit de cette subvention sur la durée d'amortissement des biens ainsi financés.
7. En troisième lieu, la SHAT ayant opté pour l'étalement et inscrit la somme de 85 394 euros de produits pour la détermination de son résultat propre au titre de l'exercice 2010, la SAS Finindusco ne peut utilement soutenir que la correction extracomptable pour la détermination du résultat fiscal de cette société aurait dû porter sur la somme de 5 815 628 euros. C'est ainsi à bon droit que l'administration fiscale a rehaussé de 5 730234 euros la base imposable à l'impôt sur les sociétés au niveau du groupe au titre de l'exercice clos en 2010.
8. Il résulte de ce qui précède que la SAS Finindusco n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Finindusco est rejetée.
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N° 19VE01103