Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. I... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 15 avril 2019 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a désigné le pays dont il a la nationalité comme pays de renvoi et l'arrêté du même jour par lequel le préfet de police a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois.
Par un jugement n° 1903439 du 8 juillet 2019, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 août 2019, M. A..., représenté par Me C..., avocat, demande à la cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler ces deux arrêtés ;
3° d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 20 euros par jour de retard, ou, à défaut, d'enjoindre à ce préfet de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à partir de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, injonction assortie d'une astreinte de 20 euros par jour de retard ;
4° de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens et le versement de la somme de 2 000 euros à Me C... en application des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée conformément à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. A... soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle est entachée d'incompétence dès lors qu'il n'est pas démontré que Mme E... était bénéficiaire d'une délégation de signature régulièrement publiée ;
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnait l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision de refus d'accorder un délai de départ volontaire :
- elle est illégale dès lors qu'elle est fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire illégale ;
- elle méconnait l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale dès lors qu'elle est fondée sur une décision portant obligation de quitter le territoire illégale ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnait l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- Le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 22 septembre 1986, qui indique être entré en France le 12 novembre 2014, a déposé une demande d'asile le 15 mai 2015. Cette demande lui ayant été refusée, il s'est vu notifier une première décision portant obligation de quitter le territoire le 28 juin 2016. Le requérant relève appel du jugement n° 1903439 du 8 juillet 2019 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de deux arrêtés du 15 avril 2019 par lesquels le préfet de police de Paris lui a fait respectivement obligation de quitter le territoire sans délai avec fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois.
Sur les moyens de légalité externe des arrêtés en litige :
2. Aux termes de l'article 15 de l'arrêté n° 2019-00250 du 21 mars 2019 du préfet de police de Paris, publié le 22 mars 2019 au recueil des actes administratifs spéciaux de la préfecture de Paris, M. G..., sous-directeur de l'administration des étrangers, ayant lui-même reçu une délégation conformément à l'article 2 dudit arrêté de M. F..., directeur de la police générale, a donné délégation à Mme H... E..., conseillère d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, chef du 8ème bureau pour signer tous actes, arrêtés, décisions et pièces comptables dans la limite de ses attributions, lesquelles incluent en particulier, en vertu du point 4 de l'article 10 de l'arrêté n° 2018-00694 du 23 octobre 2018 relatif aux missions et à l'organisation de la direction de la police générale, régulièrement publié le 23 octobre 2018 au recueil des actes administratifs spéciaux de la préfecture de Paris, les mesures d'éloignement des étrangers et de toutes décisions prises pour leur exécution. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait et doit, dès lors, être écarté.
3. En vertu des dispositions combinées des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures de police doivent être motivées et " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Il ressort des pièces du dossier que les arrêtés du 15 avril 2019 du préfet de police de Paris comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement respectif. Ainsi, chacun de ces deux arrêtés est suffisamment motivé même s'il ne reprend pas l'ensemble des éléments dont M. A... entend se prévaloir. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
Sur la légalité interne de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... se prévaut de ce qu'il est entré le 12 novembre 2014 en France, qu'il y vit en concubinage depuis le 1er juillet 2018 avec une compatriote, Mme B..., titulaire d'une carte de résident de dix ans obtenue en qualité de réfugiée au titre de la période 2016-2026, et qu'ils sont les parents de deux enfants, un garçon né en Côte d'Ivoire le 10 octobre 2008 et une fille née à Poissy le 22 octobre 2018. Toutefois, l'intéressé n'établit pas, par les seuls documents versés à l'instance, qu'à la date de la décision attaquée, il vit maritalement avec Mme B... à Fourqueux (Yvelines), ni qu'il contribue effectivement à l'éducation et à l'entretien de ses enfants, dont l'un d'entre eux a d'ailleurs été confié à sa tante et scolarisé dans un établissement de La Rochelle au titre de l'année scolaire 2017/2018. Ainsi, et compte tenu des conditions de son séjour en France, M. A..., qui n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français porte à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
6. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Sans qu'il soit nécessaire de revenir sur les faits déjà mentionnés au point 5, le requérant ne démontre pas contribuer à l'entretien ou à l'éducation de ses enfants.
7. Pour les motifs mentionnés au point 4, l'intérêt supérieur des enfants ne peut pas être regardé comme ayant été méconnu. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations, mentionnées au point 5, du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
8. Dans la mesure où M. A... ne justifie pas être un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, il ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui régissent l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de ces ressortissants. Par suite, le moyen est inopérant.
Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
9. En l'absence d'illégalité établie de la décision du 15 avril 2019 du préfet de police de Paris portant obligation de quitter le territoire français, la décision préfectorale du même jour déterminant le délai de départ volontaire n'est pas privée de base légale.
10. Aux termes de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " [...] l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; 2° Si l'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse ; 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : [...] d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; [...] f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; [...] h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français.[...] ".
11. Dans la mesure où M. A... s'est soustrait à une précédente obligation de quitter le territoire prise à son encontre le 28 juin 2016, il présentait un risque au sens des dispositions, mentionnées au point 9, du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, justifiant que l'autorité préfectorale décidât, pour ce motif, d'obliger l'intéressé à quitter sans délai le territoire français, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que, par une ordonnance du 19 avril 2019, le premier président de la cour d'appel de Paris a estimé qu'il présentait des garanties de représentation suffisantes pour infirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant ordonné son maintien en rétention administrative et l'assigner à résidence. Par suite, le moyen doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
12. En l'absence d'illégalité établie de la décision du 15 avril 2019 du préfet de police de Paris portant obligation de quitter le territoire français, la décision préfectorale du même jour fixant le pays de destination n'est pas privée de base légale.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
13. Aux termes de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. [...] La durée de l'interdiction de retour [...] sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. [...] ".
14. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
15. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
16. Il résulte de l'arrêté du 15 avril 2019 du préfet de police, prononçant à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois qu'elle mentionne la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France et la précédente obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet le 28 juin 2016. Cette décision, si elle ne précise pa que l'intéressé ne présentait aucune menace pour l'ordre public, comporte la motivation requise par les dispositions spéciales du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionnées au point 13. Si le préfet de police a mentionné par erreur que l'intéressé est le père d'un enfant alors qu'il en a deux, cette circonstance n'est pas de nature à affecter la légalité de l'arrêté litigieux.
17. Pour les motifs mentionnés au point 5, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté d'interdiction de retour sur le territoire français porte une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise. S'il n'est pas contesté que Mme B..., bénéficiaire du statut de réfugié, ne peut pas retourner en Côte d'Ivoire, cette circonstance ne suffit pas, compte tenu des motifs ci-dessus, à entacher d'illégalité la décision interdisant à M. A... de retourner sur le territoire français pendant une durée de douze mois.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
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N° 19VE03101