Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... E... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler, d'une part, l'arrêté du 9 novembre 2015 par lequel le maire de la commune de Grosrouvre a délivré un certificat d'urbanisme opérationnel négatif pour un projet portant sur des installations équestres au 65, rue de la Troche sur le territoire de cette commune, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2015 par lequel le maire de la commune de Grosrouvre a refusé de lui délivrer un permis de construire pour un projet portant sur des constructions nouvelles sur le même terrain.
Par un jugement n° 1508322-1600590 du 20 novembre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a annulé les arrêtés des 9 novembre 2015 et 4 décembre 2015 et a enjoint à la commune de Grosrouvre de délivrer aux ayants droit de M. E... un permis de construire et un certificat d'urbanisme positif dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2019, la commune de Grosrouvre, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement ;
2° de rejeter les demandes de première instance ;
3° subsidiairement, annuler partiellement le certificat d'urbanisme négatif et le refus de permis de construire uniquement en tant qu'ils portent sur le centre équestre, à l'exclusion de la maison d'habitation ;
4° de mettre à la charge des ayants droit de M. E... une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement comporte des imprécisions et des inexactitudes ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit relative à l'absence de desserte électrique du projet situé en zone agricole ; les seuls besoins du projet nécessitent une extension du réseau de 400 mètres ; à moins de procéder à une expertise technique le maire devait se fier à l'avis d'ERDF lequel n'a pas omis le 30 octobre 2015 de prendre, en compte les parcelles ZB14 et ZB49 ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit relative au renversement de la charge de la preuve s'agissant de la démonstration du caractère agricole de l'activité projetée qui incombe au pétitionnaire ; le projet consiste en une activité de résidence et de loisirs et non en une activité centrée sur l'élevage ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit relative à l'absence de nécessité de l'ensemble des constructions pour l'exploitation agricole ; le pétitionnaire n'a pas justifié de la nécessité de la construction d'une habitation de 350 m² pour l'activité projetée à la supposer agricole ;
- le permis de construire sollicité favorise le mitage ; au surplus le projet, à supposer qu'il s'agisse d'un élevage, ne forme pas un ensemble compact et cohérent prescrit par l'article NC1 du plan d'occupation des sols.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour Mmes E....
Une note en délibéré présentée pour Mmes E... a été enregistrée le 29 mars 2021.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., propriétaire de terrains de 22 500 m² situés 65 rue de la Troche sur le territoire de la commune de Grosrouvre en zone agricole s'est vu refuser en 2006 une demande de permis de construire des bâtiments d'habitation et d'hébergement pour chevaux. Par un arrêt du 2 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le certificat d'urbanisme négatif du 14 mai 2006 et le refus de permis de construire du 7 novembre 2006. M. E... a alors demandé le 10 septembre 2015, d'une part, un certificat d'urbanisme pour une opération de constructions d'installations équestres destinées à l'entrainement des chevaux de sport sur lequel le maire de la commune de Grosrouvre a donné le 9 novembre 2015 une réponse négative au motif que le raccordement au réseau public de distribution d'électricité nécessiterait une extension de réseau électrique qui n'était pas prévue par la commune, et d'autre part, un permis de construire pour le projet d'habitation et d'installations équestres que le maire a refusé au double motif d'une absence de démonstration d'une activité agricole pour un projet qui favoriserait le mitage d'une parcelle à vocation agricole et de la nécessité d'une extension de réseau électrique qui n'était pas prévue par la commune. La commune de Grosrouvre relève régulièrement appel du jugement du 20 novembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé les arrêtés des 9 novembre 2015 et 4 décembre 2015 et lui a enjoint de délivrer aux ayants droit de M. E... décédé un permis de construire et un certificat d'urbanisme positif.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si la commune de Grosrouvre entend contester la régularité du jugement attaqué en tant qu'il comporte des imprécisions ou inexactitudes, notamment en ce qui concerne la date de l'un des actes litigieux, celles-ci sont de simples erreurs de plume dépourvues d'incidence sur la motivation du jugement comme sur le raisonnement tenu par les premiers juges. Par suite, le moyen doit être écarté.
Sur la légalité du refus de permis de construire du 4 décembre 2015 :
3. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier. ". En vertu de ces dispositions, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un refus de permis de construire en retenant un ou plusieurs moyens, de se prononcer expressément sur le bien-fondé des différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges en application de ces dispositions, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui, afin d'apprécier si ce moyen ou l'un au moins de ces moyens justifiait la solution d'annulation. En outre, dans le cas où il estime qu'aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif des autres moyens de première instance, les examine. Il lui appartient de les écarter si aucun d'eux n'est fondé et, à l'inverse, en application des dispositions précitées de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer, si un ou plusieurs de ces moyens lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime, en l'état du dossier, de nature à confirmer, par d'autres motifs, l'annulation prononcée par les premiers juges.
4. Le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 4 décembre 2015 par lequel le maire de Grosrouvre a refusé de délivrer à M. E... le permis de construire en cause, au triple motif de l'erreur de fait commise en se fondant sur un avis erroné d'ERDF concluant à une extension du réseau alors qu'un simple branchement au réseau existant est possible, de l'erreur de droit commise en ce que l'activité projetée est une activité agricole au sens de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, et enfin de ce que les bâtiments agricoles et d'habitation liés à l'activité agricole sont autorisés en zone agricole et ne peuvent donc en l'espèce être regardés comme du mitage.
5. Aux termes de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme dans sa version applicable à la date du refus de permis de construire de 2006 annulé par la cour en 2015 : " (...) Les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif et à l'exploitation agricole sont seules autorisées en zone A. (...) " et dans sa version applicable à la date du 4 décembre 2015 du refus litigieux : " (...) En zone A peuvent seules être autorisées : / les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ; / les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics, dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière dans l'unité foncière où elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. (...) ". Aux termes du chapitre II du plan d'occupation des sols de la commune de Grosrouvre relatif à la zone NC, sont admises les occupations et utilisations du sol suivantes : " (...) la construction des bâtiments d'exploitation et les habitations nécessaires à l'implantation ou à la création de nouvelles entreprises agricoles, sous réserve que les nouveaux bâtiments fassent un ensemble compact et cohérent. / (...) / Les installations équestres (...) ". Pour vérifier que la construction ou l'installation projetée est nécessaire à l'exploitation agricole, l'autorité administrative compétente doit s'assurer au préalable, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la réalité de l'exploitation agricole, au sens de ces dispositions, laquelle est caractérisée par l'exercice effectif d'une activité agricole d'une consistance suffisante.
6. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle libre de constructions cadastrée section ZB n° 14, terrain d'assiette du projet alors envisagé par M. E..., de construction d'installations équestres destinées à l'entrainement des chevaux de sport d'une surface de plancher totale de 2 838,65 m² dont une habitation de 335 m², est située en zone agricole NC. Si M. E... a déclaré par la notice architecturale du dossier de demande de permis qu'il avait l'intention de créer une activité complémentaire dans le cadre d'une diversification de son activité existante de commerce de chevaux, il n'a pas justifié d'un exercice futur effectif d'une activité agricole ou d'une entreprise agricole notamment de type " écurie privée " par la seule production de relevés annuels de la Mutualité sociale agricole se bornant à un relevé de surface agricole taxable de la parcelle en cause établis au nom de Mme E... au demeurant domiciliée dans le département du Cher. En l'absence de toute exploitation agricole, la circonstance invoquée par les consorts E... que les activités en cause tendant à la préparation et l'entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation seraient réputées agricoles au sens de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime n'a pas à être prise en compte par l'autorité administrative lorsqu'elle se prononce sur l'octroi d'une autorisation en application de la législation sur l'urbanisme. Le projet soumis par les consorts E... ne revêt pas davantage le caractère de constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics pouvant être autorisées par l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme dans sa version applicable en 2015. Par suite, le maire de la commune qui s'est approprié l'avis défavorable émis le 19 novembre 2015 par le service économie agricole de la direction départementale des territoires, pouvait légalement refuser de délivrer un permis de construire en se fondant sur la circonstance que l'activité agricole projetée ne caractérisait pas une exploitation agricole ou une nouvelle entreprise agricole, au sens des dispositions précitées du code de l'urbanisme et du plan d'occupation des sols de la commune.
7. Dès lors que le projet de construction d'une maison d'habitation à proximité d'installations équestres n'est pas nécessaire à une exploitation agricole, le maire de la commune, n'a pas entaché le refus de permis de construire d'erreur d'appréciation en se fondant également sur le motif tiré du mitage d'une parcelle à vocation agricole pour refuser l'implantation des installations équestres projetées, la circonstance que la réhabilitation et l'extension d'un centre équestre aient été autorisées sur une parcelle agricole jouxtant la parcelle ZB 14 étant sans incidence à cet égard.
8. Aux termes des dispositions de l'article L. 111-4 code de l'urbanisme dans sa version applicable tant en 2006 qu'à la date du refus litigieux et reprises à l'article L. 111-11 du même code : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés.(...) ".
9. Le refus litigieux est fondé sur un avis défavorable d'ERDF en date du 2 novembre 2015 indiquant que la distance entre le poste de distribution public le plus proche et le point de raccordement au réseau étant supérieure à 250m, " une étude complémentaire serait alors nécessaire avec peut-être la création d'un poste de distribution public ", alors que la commune n'envisage aucune extension de son réseau public. Cependant, le dossier de demande de permis de construire de M. E... indiquait que le raccordement aux différents réseaux dont l'électricité se ferait par la réalisation d'une tranchée technique sur l'unité foncière dont il est propriétaire, constituée des parcelles ZB 49 et ZB 14, la première desservant à partir de la rue de la Troche la parcelle ZB 14 dont elle n'est séparée que par le chemin rural n° 11. Il ressort du plan de réseau joint à l'avis d'ERDF que le réseau public de distribution d'électricité passe rue de la Troche desservant la parcelle ZB 49. Ainsi, ERDF dont le plan annexé à l'avis n'a pris en compte que la seule parcelle ZB 14 pour conclure à la nécessité d'une extension du réseau, a omis la parcelle ZB 49 pourtant visée par son avis conformément au dossier de demande. Par suite, la commune de Grosrouvre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé que le refus de permis de construire est entaché d'une erreur de fait sur ce point.
10. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le maire de la commune de Grosrouvre aurait pris la même décision de refus de permis de construire s'il s'était fondé sur le seul motif tiré de la situation du terrain dans un secteur délimité comme inconstructible hormis les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole par le code de l'urbanisme et le plan d'occupation des sols, et qui est légalement justifié comme il a été dit aux points 4 à 7.
11. Il résulte de ce qui précède que la commune de Grosrouvre est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a annulé le refus de permis de construire du 4 décembre 2015.
Sur la légalité du certificat d'urbanisme du 9 novembre 2015 :
12. Le certificat d'urbanisme négatif litigieux dont l'objet est " installations équestres destinées à l'entrainement de chevaux de sport " est fondé sur le seul motif tiré de ce qu'aucun projet d'extension de réseau électrique n'est prévu par la commune. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'avis en date du 8 octobre 2015 émis par EDRF sur demande du service instructeur du certificat d'urbanisme indiquant que la distance entre le poste de distribution public le plus proche et le point de raccordement au réseau étant supérieure à 250 m, " une étude spécifique sera réalisée lors de l'instruction de l'autorisation d'urbanisme ", n'a pris en compte que la parcelle ZB 14 en omettant la parcelle ZB 49 figurant pourtant comme limite de parcelle notamment sur le plan de masse de l'existant. Par suite, c'est à juste titre que le tribunal a retenu le moyen d'annulation tiré de l'erreur de fait sur la desserte électrique entachant le certificat négatif pour l'opération.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Grosrouvre est seulement fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision portant refus de permis de construire du 4 décembre 2015 et lui a enjoint de délivrer aux ayants droit de M. E... un permis de construire.
Sur les frais liés au litige :
14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties tendant à ce que, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, des sommes leur soient allouées au titre des frais qu'elles ont exposés.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1508322-1600590 du 20 novembre 2018 du Tribunal administratif de Versailles est annulé en tant qu'il a annulé l'arrêté du 4 décembre 2015 portant refus de permis de construire et qu'il a enjoint à la commune de Grosrouvre de délivrer aux ayants droit de M. E... un permis de construire.
Article 2 : La demande n° 1600590 de M. E... devant le Tribunal administratif de Versailles tendant à annuler l'arrêté du 4 décembre 2015 portant refus de permis de construire est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions en annulation de la commune de Grosrouvre est rejeté.
Article 4 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
N° 19VE00106 2