Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Eliez a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 5 septembre 2016 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge, d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant total de 39 718 euros, ensemble la décision du 28 octobre 2016 rejetant son recours gracieux et, par voie de conséquence, d'annuler les deux titres de perception émis le 12 octobre 2016 en vue du recouvrement de ces contributions.
Par un jugement n° 1611744 du 6 juin 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 août 2019 et un mémoire complémentaire, enregistré le 12 mai 2020, la SAS Eliez, représentée par Me F..., avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement et les décisions du directeur général de l'OFII des 5 septembre et 28 octobre 2016 ;
2° d'annuler les titres de perception correspondants ;
3° de mettre à la charge de l'OFII le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SAS Eliez soutient que :
- les juges de première instance ont retenu à tort que la matérialité des faits reprochés était établie ; qu'elle n'a jamais eu la qualité d'employeur des deux salariés concernés par la procédure puisque ceux-ci étaient employés par la société BCI, qui agissait en tant que sous-traitante sur ce chantier ; qu'elle n'a pas manqué à ses obligations en tant que donneur d'ordre ;
- elle a fait l'objet d'un rappel à la loi en conséquence de quoi le principe non bis in idem a été méconnu par la décision de l'OFII.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,
- et les observations de Me F... pour la SAS Eliez.
Considérant ce qui suit :
1. Le 7 octobre 2014, les services de police ont procédé au contrôle du chantier de réfection de la sous-préfecture d'Argenteuil et ont constaté la présence en action de travail de deux ouvriers peintres, M. G... B..., ressortissant indien, et M. A... C..., ressortissant pakistanais, non autorisés à travailler en France ou à y séjourner et non déclarés. Par un courrier du 10 juin 2016, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a indiqué à la société Eliez qu'en sa qualité d'employeur des deux ouvriers concernés elle était susceptible de se voir appliquer la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'a invité à présenter ses observations. Par une décision du 5 septembre 2016, nonobstant les observations formulées le 16 juin 2016 par la SAS Eliez, le directeur général de l'OFII a notifié à cette dernière sa décision de lui appliquer la contribution spéciale pour un montant de 35 100 euros et la contribution forfaitaire pour un montant de 4 618 euros. La société Eliez relève régulièrement appel du jugement du 6 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 septembre 2016, ensemble la décision du 28 octobre 2016 rejetant son recours gracieux, ainsi que des titres de perception émis le 12 octobre 2016 en vue du recouvrement de ces contributions.
Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions des 5 septembre et 28 octobre 2016 et des titres de perception émis le 12 octobre 2016 :
2. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. (...) ". Aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. ". Aux termes de l'article R. 626-1 du même code : " I.- La contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 est due pour chaque employé en situation irrégulière au regard du droit au séjour. / Cette contribution est à la charge de l'employeur qui, en violation de l'article L. 8251-1 du code du travail, a embauché ou employé un travailleur étranger dépourvu de titre de séjour. / (...) ".
3. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire prévue par les dispositions également précitées de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient, également, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur. Par ailleurs, la qualification de contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont entendu donner à la convention qui les lie mais des seules conditions de fait dans lesquelles le travailleur exerce son activité. A cet égard, la qualité de salarié suppose nécessairement l'existence d'un lien juridique, fût-il indirect, de subordination du travailleur à la personne qui l'emploie, le contrat de travail ayant pour objet et pour effet de placer le travailleur sous la direction, la surveillance et l'autorité de son cocontractant. Dès lors, pour l'application des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie.
4. Aux termes de l'article L. 8254-1 du code du travail : " Toute personne vérifie, lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce et périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution de ce contrat, que son cocontractant s'acquitte de ses obligations au regard des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1. ". Aux termes de l'article L. 8254-2 du même code : " La personne qui méconnaît l'article L. 8254-1 est tenue solidairement avec son cocontractant, sans préjudice de l'application des articles L. 8222-1 à L. 8222-6, au paiement : / (...) 4° De la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du présent code et de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. ".
5. Il résulte de l'instruction, et notamment des termes des décisions en litige du directeur général de l'OFII, que la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire prévue l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été mises à la charge de la SAS Eliez en qualité d'employeur de M. B... et de M. C.... Ces derniers ont été découverts, à l'occasion du contrôle effectué par les services de police sur le chantier de réfection de la sous-préfecture d'Argenteuil, en action de travail sur la partie du chantier dévolue à la SAS Eliez dans le cadre d'un marché public. La société requérante soutient toutefois que ces deux travailleurs étaient des salariés de la société BCI avec laquelle elle avait conclu un contrat de sous-traitance, et qu'elle ignorait que cette entreprise employait des étrangers non autorisés à travailler en France. Si l'OFII fait valoir en défense que le contrat de sous-traitance que la société produit n'est pas signé par la société BCI, que le maître d'ouvrage n'a pas eu connaissance de cette sous-traitance et que, lors de son audition par les services de police, M. E..., directeur des marchés de la société Eliez, n'a pas été en mesure de préciser l'identité du gérant de la société BCI, il n'en demeure pas moins qu'il ne résulte pas de l'instruction, notamment des procès-verbaux, que M. B... et de M. C... aient été employés par la société Eliez alors qu'au contraire les suites pénales données aux infractions relevées lors du contrôle du 7 octobre 2014 ont eu pour fondement sa qualité de donneur d'ordre de la société BCI, elle-même poursuivie en qualité d'employeur de MM. B... et C.... Dans ces conditions, la société Eliez est fondée à soutenir que le directeur général de l'OFII ne pouvait légalement mettre à sa charge, en tant qu'employeur des deux travailleurs concernés, sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 8253-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les contributions en litige.
6. Les manquements relevés par l'OFII aux obligations qui incombaient à la SAS Eliez en sa qualité de donneur d'ordre, s'ils étaient susceptibles de permettre à l'office de rechercher cette société en paiement des contributions au titre de la solidarité prévue par les dispositions de l'article L. 8254-2 du code du travail, ne peuvent en revanche légalement justifier que ces contributions soient mises à la charge de la société requérante en qualité d'employeur des travailleurs étrangers concernés.
7. Enfin, les éléments produits par l'OFII relatifs à une autre procédure d'infraction, sont sans incidence sur la légalité des décisions en litige dans la présente instance.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SAS Eliez est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation des décisions du directeur général de l'OFFI en date des 5 septembre et 28 octobre 2016 et des titres de perception émis le 12 octobre 2016.
Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OFII une somme de 1 500 euros à verser à la SAS Eliez au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées par l'OFII sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent en revanche être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 5 septembre 2016 du directeur général de l'OFII, ensemble la décision du 28 octobre 2016, et les titres de perception émis le 12 octobre 2016 sont annulés.
Article 2 : Le jugement n° 1611744 du 6 juin 2019 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'OFII versera la somme de 1 500 euros à la SAS Eliez au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS Eliez est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
N° 19VE02878 2