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29/03/2021 | FRANCE | N°19VE02652

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 29 mars 2021, 19VE02652


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société l'Anneau a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler les décisions du 28 décembre 2017 et du 9 octobre 2018 par lesquelles l'inspecteur du travail et le ministre du travail respectivement ont refusé d'autoriser le licenciement de Mme A... B....

Par jugements n° 1808169 et 1812544 en date du 21 mai 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 juillet 2019, la société l'Annea

u, représentée par Me Gourdon, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement du tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société l'Anneau a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler les décisions du 28 décembre 2017 et du 9 octobre 2018 par lesquelles l'inspecteur du travail et le ministre du travail respectivement ont refusé d'autoriser le licenciement de Mme A... B....

Par jugements n° 1808169 et 1812544 en date du 21 mai 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 juillet 2019, la société l'Anneau, représentée par Me Gourdon, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 21 mai 2019, les décisions du 28 décembre 2017 et du 9 octobre 2018 par lesquelles l'inspectrice du travail et la ministre du travail ont refusé d'autoriser le licenciement de Mme B... ;

2° d'enjoindre à l'administration d'organiser, dans les quinze jours de la décision à intervenir, une nouvelle enquête contradictoire et de se prononcer à nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement de l'intéressée dans le même délai et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3° de mettre à la charge de l'inspection du travail la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le principe du contradictoire a été méconnu car elle a demandé, à plusieurs reprises et en vain, la communication des éléments transmis par Mme B... lors de l'enquête ;

- le changement d'affectation de l'intéressée en mai 2016 résulte de la perte du contrat " Vigipirate " sur la tour Horizons et est dépourvu de tout lien avec les activités syndicales de l'intéressée ;

- la décision du 9 octobre 2018 est entachée d'erreur de fait en ce qui concerne les temps de trajet, car les temps de trajet pour se rendre depuis son domicile sur les différents sites d'affectation sont équivalents, celui pour se rendre sur le site de la tour Horizons étant de 1h20 contre 1h34 pour se rendre sur celui de Villepinte et 1h36 pour se rendre sur le site " SFS " ;

- les modifications en cause n'impliquent aucun bouleversement substantiel de la vie de la salariée dès lors qu'elles portent sur un changement d'affectation géographique au sein d'une même zone géographique impliquant des temps de trajet équivalents et un décalage de l'horaire de travail d'une heure, passant de 7 h à 19 h à 8 h à 20 h ;

- elle a proposé à la salariée le seul poste disponible sur lequel celle-ci pouvait être affectée.

...............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... était employée, depuis le 11 août 2014, comme agent de sécurité par la société l'Anneau. Elle était également membre titulaire du comité d'entreprise, déléguée du personnel suppléant et déléguée syndicale pour l'organisation syndicale " CGT ". La société l'Anneau ayant perdu le marché portant sur les prestations de services de sécurité du site Viparis situé à Villepinte (Seine-Saint-Denis) sur lequel l'intéressée était affectée, elle a proposé à cette dernière une nouvelle affectation sur le site " SFS " situé rue du pavé à Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis). Mme B... l'ayant refusée, la société a sollicité l'autorisation de procéder à son licenciement pour faute. Celle-ci lui a été refusée par décision de l'inspecteur du travail du 28 décembre 2017. Sur recours hiérarchique de la société, le ministre du travail a, par décision du 9 octobre 2018, annulé la décision de l'inspecteur du travail et refusé l'autorisation de licencier Mme B.... Par jugement n°1808169 et n°1812544 en date du 21 mai 2019, dont la société relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société dirigée contre ces deux décisions.

Sur les conclusions dirigées contre la décision de l'inspecteur du travail en date du 28 décembre 2017 :

2. Si la société persiste à demander en appel l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail en date du 28 décembre 2017, elle ne conteste pas le non-lieu à statuer prononcé à bon droit par le tribunal administratif sur ce point. Ces conclusions ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les conclusions dirigées contre la décision du ministre du travail en date du 9 octobre 2018 :

En ce qui concerne l'exception de non-lieu soulevée par Mme B... :

3. Mme B..., qui soutient que dès lors que par courrier du 5 juillet 2019, la société lui a proposé une nouvelle affectation à compter du 9 juillet 2019 sur le site de la Tour Horizons situé à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), affectation qu'elle a acceptée, son licenciement ne se justifierait plus, peut être regardée comme se prévalant d'une exception de non-lieu à statuer. Toutefois, la circonstance qu'une décision, en l'espèce, le refus d'autorisation de licenciement, ait produit ses effets avant la saisine du juge n'est pas, à elle seule, de nature à priver d'objet le recours pour excès de pouvoir dirigé contre cette décision dès lors qu'elle a reçu un commencement d'exécution et n'a fait l'objet d'aucune mesure de retrait ou d'abrogation. L'exception de non-lieu à statuer ne peut donc être accueillie.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

4. Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions de l'article R. 2421-4 du code du travail impose à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation. Toutefois, lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l'employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur. D'autre part, s'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que le ministre chargé du travail, saisi d'un recours contre une décision relative au licenciement d'un salarié protégé sur le fondement de l'article R. 2422-1 du même code devrait procéder à une enquête contradictoire au sens de l'article R. 2421-4 du même code, il en va autrement lorsque l'inspecteur du travail n'a pas lui-même respecté les obligations de l'enquête contradictoire.

5. Il ressort des termes de la décision attaquée du ministre du travail en date du 9 octobre 2018 que, pour refuser l'autorisation de licenciement sollicitée, l'inspecteur du travail s'était fondé sur des éléments transmis par la salariée mais non communiqués à l'employeur malgré la demande formulée par ce dernier en ce sens. L'administration oppose en défense que la ministre du travail aurait régularisé le vice de procédure qui entachait la décision de l'inspecteur du travail en communiquant à la société, par courrier du 12 septembre 2018, et conformément à la demande formée par cette dernière le 27 juillet précédent, l'ensemble des éléments que Mme B... avait transmis à l'inspectrice du travail lors de l'enquête de sorte que la société aurait pu présenter utilement ses observations le 19 septembre 2018. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, dans ce courrier du 12 septembre 2018, la ministre s'est bornée à décrire, en des termes imprécis, les éléments communiqués par Mme B..., notamment ceux relatifs à la situation d'autres salariés, dont l'identité n'était pas précisée, ayant bénéficié de nouvelles affectations sur d'autres sites que celui de la rue du pavé à Tremblay-en-France. Il en ressort également qu'en réponse à ce courrier en date du 19 septembre 2018, la société a indiqué que ces informations étaient insuffisantes pour lui permettre de faire valoir ses observations, soulignant utilement, notamment, qu'il lui était impossible tout à la fois de vérifier l'authenticité des documents et de connaître l'identité des agents en cause ainsi que les contraintes liées à leur contrat de travail justifiant leurs affectations. La société a, par conséquent, réitéré sa demande de communication de ces pièces, déjà formulée dans son courrier du 27 juillet 2018. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette communication serait intervenue avant l'édiction de la décision litigieuse. Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas allégué que l'accès à ces témoignages et attestations serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs, la décision attaquée doit être regardée comme été prise en méconnaissance du caractère contradictoire de l'enquête privant dès lors l'employeur d'une garantie. Elle est donc entachée d'illégalité et doit être annulée.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. L'exécution du présent arrêt implique que la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société l'Anneau soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre à la ministre du travail de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par la Société l'Anneau.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit, sur leur fondement, mise à la charge de la société requérante, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance. Il y a lieu, en revanche, sur le fondement de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la société l'Anneau.

DECIDE :

Article 1er : La décision de la ministre du travail du 9 octobre 2018 refusant le licenciement de Mme B... est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la ministre du travail de réexaminer la demande de licenciement de Mme A... B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 21 mai 2019 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la société l'Anneau une somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

N° 19VE02652 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE02652
Date de la décision : 29/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Hélène LEPETIT-COLLIN
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : GOURDON

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-03-29;19ve02652 ?
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