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18/03/2021 | FRANCE | N°18VE04039

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 18 mars 2021, 18VE04039


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 22 avril 2016 par laquelle le vice-président de la communauté d'agglomération Grand Paris Seine Ouest l'a licencié pour motif disciplinaire.

Par un jugement n° 1606080 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2018, M. A..., représenté par Me Bousquet, avocat, demande à la cour

:

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 22 avril 2016 par laquelle le vice-président de la communauté d'agglomération Grand Paris Seine Ouest l'a licencié pour motif disciplinaire.

Par un jugement n° 1606080 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2018, M. A..., représenté par Me Bousquet, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Grand Paris Seine Ouest le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- la décision est entachée d'erreur de droit, dès lors que la circulaire du 16 juillet 2008 prévoit une enquête et que le tribunal n'a pas vérifié si la circulaire était opposable ;

- l'enquête a été partiale, les témoignages favorables étant systématiquement écartés ;

- la décision méconnaît les dispositions du décret du 29 décembre 2015 et le principe général du droit disciplinaire qui implique un délai raisonnable entre l'entretien préalable et le licenciement ;

- la prescription était applicable ;

- les premiers juges auraient dû tenir compte du classement sans suite de la procédure ;

- il conteste le caractère avéré du comportement inapproprié ; ni son propos ni son positionnement n'étaient répréhensibles ; les faits ne sont pas fautifs ;

- à supposer qu'il ait adopté l'attitude qui lui est reprochée, si le conservatoire attendait un positionnement différent, il lui appartenait de le faire savoir, par exemple en lui adressant un avertissement ;

- les témoignages concernant des faits remontant à 2008 ne peuvent sérieusement servir de fondement à la sanction, le témoignage de Mme C... est insuffisamment circonstancié et celui de Mme D..., qui n'avait pas assez travaillé, est empreint de rancoeur ;

- la sanction de licenciement qui est la plus sévère est disproportionnée, d'autant que la procédure pénale a été classée sans suite.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le décret n° 2015-1912 du 29 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., pour la communauté d'agglomération Grand Paris Seine Ouest.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été engagé par la ville de Meudon à compter du 1er octobre 2003 en qualité d'assistant d'enseignement artistique non titulaire. Son contrat a été renouvelé puis transféré à la communauté d'agglomération Grand Paris Seine Ouest à compter du 1er janvier 2010. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 22 avril 2016 prononçant son licenciement pour motif disciplinaire.

2. En premier lieu, aucun texte ni aucun principe n'impose à l'administration de réaliser une enquête disciplinaire avant de prononcer une sanction envers un agent public. Si le requérant se prévaut de la méconnaissance de la circulaire NOR/INT/B/08/00134/C du 16 juillet 2008 dont l'article 10-2 énonce qu'une enquête est indispensable pour établir la réalité des faits avant de procéder à une sanction, cet article qui ne fait que rappeler la nécessité d'établir les faits n'impose en tout état de cause aucune procédure particulière et il ressort des pièces du dossier que l'autorité administrative a recueilli des témoignages et procédé à une enquête avant de prendre la sanction contestée. Si M. A... soutient que cette enquête serait partiale au motif que les témoignages en sa faveur auraient été écartés, il ne l'établit pas. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'enquête disciplinaire ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction issue de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires dispose que : " Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. En cas de poursuites pénales exercées à l'encontre du fonctionnaire, ce délai est interrompu jusqu'à la décision définitive de classement sans suite, de non-lieu, d'acquittement, de relaxe ou de condamnation. Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de l'agent avant l'expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire ". Lorsqu'une loi nouvelle institue ainsi, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d'une action disciplinaire dont l'exercice n'était précédemment enfermé dans aucun délai, le nouveau délai de prescription est immédiatement applicable aux procédures en cours mais ne peut, sauf à revêtir un caractère rétroactif, courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle.

4. Par ailleurs, l'article 60 du décret du 29 décembre 2015 portant diverses dispositions relatives aux agents contractuels de la fonction publique territoriale dispose que : " Les procédures de fin de contrat et de licenciement engagées antérieurement à la date d'entrée en vigueur du présent décret restent régies par les règles du décret du 15 février 1988 susvisé dans leur rédaction antérieure à celle issue du présent décret ".

5. Il s'ensuit, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, que les faits reprochés à M. A..., dans le cadre d'une procédure disciplinaire initiée le 4 novembre 2014, pouvaient encore être régulièrement invoqués dans un délai de trois ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2016. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'action disciplinaire était prescrite le 22 avril 2016, ni à soutenir que l'autorité disciplinaire aurait méconnu un délai raisonnable dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire qui aurait justifié une application du décret du 29 décembre 2015.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 36-1 du décret du 15 février 1988, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents non titulaires sont les suivantes : 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et d'un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ; / 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. / La décision prononçant une sanction disciplinaire doit être motivée. ".

7. Il appartient au juge, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont matériellement établis, constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. Il ressort des pièces du dossier et en particulier des témoignages très circonstanciés de Mme C. , de Mme J., de Mme P., de Mme G. et surtout de Mme D., qui détaillent le comportement de M. A..., qu'il a, par ses agissements, exercé des violences psychologiques à l'égard de certaines de ses jeunes élèves, notamment en leur adressant de manière insistante et répétée des remarques dévalorisantes et vexatoires. Il est en outre établi, par ces éléments concordants, qu'il a eu un comportement inapproprié pendant ses cours, notamment en tenant à de multiples reprises des propos à connotation sexuelle de nature à troubler et à déstabiliser ses élèves, dont certaines ont dû faire l'objet d'un suivi médical et qu'il a aussi régulièrement cherché à s'immiscer dans la vie privée de certaines élèves, en multipliant les envois répétés de messages sans rapport direct avec son enseignement. Eu égard à leur nature, les faits reprochés sont contraires au comportement attendu d'un agent public exerçant des fonctions d'enseignement et notamment à l'obligation de dignité alors même que certaines élèves ont émis des appréciations positives sur les cours dispensés par M. A.... Ainsi, en estimant que les faits reprochés au requérant constituaient des fautes de nature à justifier une sanction, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire ne les a pas inexactement qualifiés.

8. Eu égard à la gravité des faits reprochés à M. A..., quand bien même la procédure pénale dirigée à son encontre aurait été classée sans suite par le procureur de la République, et à la conséquence pour la situation des usagers du service public de ces faits qui sont incompatibles avec les missions dévolues aux agents territoriaux chargés de missions d'enseignement au sein d'un conservatoire de musique, en contact notamment avec des adolescents et de jeunes adultes, l'autorité disciplinaire n'a pas, en l'espèce, pris une sanction disproportionnée à la faute reprochée en décidant de licencier l'intéressé sans l'avoir au préalable averti de modifier son comportement dont elle n'avait pas connaissance.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros à verser à la communauté d'agglomération Grand Paris Seine Ouest au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à la communauté d'agglomération Grand Paris Seine Ouest une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 18VE04039


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE04039
Date de la décision : 18/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Eugénie ORIO
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : SELARL ROCHE BOUSQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-03-18;18ve04039 ?
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