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18/03/2021 | FRANCE | N°18VE00468

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 18 mars 2021, 18VE00468


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société européenne de contrôle technique automobile (SECTA) a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 4 mai 2015 par laquelle l'inspectrice du travail responsable de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France a implicitement refusé de lui accorder l'autorisation de licencier M. E... B..., d'annuler la décision du 10 août 2015 par laque

lle cette même inspectrice a refusé de lui accorder l'autorisation de lic...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société européenne de contrôle technique automobile (SECTA) a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 4 mai 2015 par laquelle l'inspectrice du travail responsable de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France a implicitement refusé de lui accorder l'autorisation de licencier M. E... B..., d'annuler la décision du 10 août 2015 par laquelle cette même inspectrice a refusé de lui accorder l'autorisation de licencier M. E... B... et d'enjoindre à l'autorité administrative compétente de procéder au réexamen de sa demande d'autorisation de licenciement dans un délai de vingt jours à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1505817,1508794 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté les demandes de la société SECTA.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 février 2018, la société SECTA, représentée par Me Le Mière, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1505817,1508794 ;

2°) d'annuler les décisions du 4 mai et du 10 août 2015 de l'inspectrice du travail ;

3°) d'enjoindre à l'autorité administrative, à titre principal, d'autoriser le licenciement de M. B... dans un délai de 15 jours, à titre subsidiaire de procéder à une nouvelle instruction de la demande d'autorisation de licenciement dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'enquête contradictoire avait été régulière ;

- les faits imputés à M. B... sont fautifs et d'une gravité de nature à justifier un licenciement. C'est par une erreur de droit que l'inspectrice a examiné la gravité de la faute au regard de ses conséquences alors qu'elle devait l'examiner au regard de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public,

- et les observations de Me C... pour la société SECTA.

Considérant ce qui suit :

1. Par courrier du 2 mars 2015, la société SECTA, spécialisée dans le contrôle technique automobile réglementaire, ayant son siège à Courbevoie, a sollicité auprès de l'inspection du travail l'autorisation de licencier M. B..., responsable affiliations et relations clientèle au sein de la société et titulaire des mandats de délégué du personnel, de délégué syndical, de membre du comité d'entreprise, du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et de représentant syndical au comité d'entreprise. Cette demande a été implicitement rejetée par les services de l'inspection du travail responsable de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France, le 4 mai 2015. A la suite du recours gracieux introduit par la société SECTA le 19 juin 2015, l'inspectrice du travail responsable de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine de la DIRECCTE d'Ile-de-France a, par une décision du 10 août 2015, expressément refusé d'accorder l'autorisation de licencier M. B.... La société SECTA relève appel du jugement n° 1505817,1508794 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 4 mai et du 10 août 2015 de l'inspectrice du travail.

2. En vertu des dispositions des articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat (...) ". Si, comme en l'espèce, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement, l'inspecteur du travail rejette celle-ci de manière implicite sans avoir procédé à l'enquête contradictoire exigée par les dispositions précitées, dans l'hypothèse où il serait saisi d'un recours gracieux formé contre sa première décision, il lui revient, avant de prendre sa décision, de respecter les obligations de l'enquête contradictoire. Le caractère contradictoire de cette enquête lui impose, en particulier, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation.

3. Il ressort des pièces du dossier que la société requérante, qui a été entendue au cours d'une enquête contradictoire menée le 7 juillet 2015 et invitée à présenter ses observations, ce qu'elle a fait le 4 août suivant, reprend en appel son moyen tiré de ce que la décision attaquée est intervenue au terme d'une procédure irrégulière en ce que les pièces n° 1 à 4 et n° 6 à 10 produites par M. B... à l'appui de ses observations, ne lui ont pas été communiquées par l'inspectrice du travail dans le cadre de l'enquête contradictoire. Toutefois, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, ces pièces qui fournissent des éléments d'information sur le poste et les attributions de M. B..., sur le déroulement de l'expertise contradictoire et sur les éléments de défense du plaignant dans le cadre de la procédure d'assignation en référé opposant le gérant du centre de contrôle technique affilié à la société SECTA à l'acquéreur du véhicule affecté de désordres, ne révèlent aucun élément de contexte et d'appréciation déterminant, dont la teneur aurait été prise en compte dans la décision attaquée du 10 août 2015 et ne constituent, en conséquence, pas des éléments déterminants recueillis au cours de l'enquête contradictoire par l'inspectrice du travail de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement contestée. Dès lors, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 8 de leur jugement, d'écarter le moyen tiré du non-respect de l'enquête contradictoire.

4. Il résulte des dispositions des articles L. 2411-1 et suivants du code du travail que les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle et ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur des faits accomplis dans le cadre du contrat de travail, ayant un caractère fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

5. Pour refuser l'autorisation de licencier M. B..., l'inspectrice du travail, après avoir relevé que l'intéressé avait manqué à ses obligations professionnelles en n'assistant pas un client au cours d'une expertise et en ne l'informant pas de ce que personne de la société ne serait présent pour le représenter et avoir qualifié ces faits de fautifs et imputables au salarié, a estimé que ces faits n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement. Contrairement à ce que soutient la requérante, l'inspectrice du travail a pu légalement, tant examiner les effets produits par la faute de M. B..., dont la société faisait au demeurant état dans sa demande de licenciement, que prendre en compte le comportement du client, M. D..., qui n'a pas attesté sur l'honneur du fait qu'il avait été dissuadé par M. B... de se faire représenter par son assureur et a refusé de répondre aux questions posées par l'inspectrice au téléphone pour apprécier le degré de gravité de la faute. En l'espèce, le préjudice économique allégué, qu'il soit tiré de la perte d'un client ou du préjudice d'image, n'est pas établi. Il n'est pas non plus établi que M. B... ait cherché à cacher son absence, le directeur régional qui a refusé de se rendre sur place étant parfaitement informé des difficultés. Enfin, le détournement des heures de délégation allégué n'est pas non plus établi par la seule concordance des dates d'expertise et des demandes d'heures de délégation. Dès lors, au regard des faits établis, la faute ponctuelle n'était pas d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement et les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société SECTA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en litige, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes d'annulation des décisions des 4 mai 2015 et 10 août 2015. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société SECTA est rejetée.

N° 18VE00468 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00468
Date de la décision : 18/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Absence de faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Eugénie ORIO
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : SELARL REDLINK

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-03-18;18ve00468 ?
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