Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... F... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la Sanef à lui verser la somme de 14 809,75 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de sa demande, de condamner les sociétés Sighor et Sanef, in solidum ou l'une à défaut de l'autre, à lui payer la somme de 1 euro en application de l'article 1240 du code civil, de mettre à la charge de la Sanef la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1708192 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement le 16 décembre 2019, le 15 mai 2020 et le 19 mai 2020, Mme F..., représentée par Me A..., avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner in solidum la Sanef et la société Sighor ou de l'une à défaut de l'une à lui verser la somme de 14 809,75 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la demande de première instance ;
3°) de condamner in solidum la Sanef et la société Sighor ou de l'une à défaut de l'une à lui payer la somme de 1 euro en application de l'article 1240 du code civil ;
4°) de mettre à leur charge la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit et d'erreur de qualification juridique des faits ;
- il a inversé la charge de preuve ;
- le raisonnement du tribunal est entaché de subjectivité et d'un parti pris favorable aux sociétés concessionnaires d'autoroutes, en violation du droit au procès équitable garanti par la convention européenne des droits de l'homme ;
- le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation et d'une omission à statuer, s'agissant du moyen tiré de l'absence totale de signalisation ;
- c'est la présence d'un obstacle important sur la chaussée, à savoir une bouche d'égout mal refermée, qui est à l'origine des dommages subis par son véhicule, conduit par son époux, alors qu'il quittait l'aire de repos de Vemars-Est sur l'autoroute A1 le 7 mars 2016 à 2 heures du matin ;
- cette bouche d'égout ne pouvait être vue, dès lors qu'aucun lampadaire n'avait été installé dans la zone où elle se trouvait, non plus qu'une signalisation de cet obstacle ;
- ces carences révèlent un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public engageant la responsabilité de la société Sanef ; les travaux d'éclairage et de signalisation réalisés par la suite sur les lieux de l'accident démontrent que l'ouvrage n'était pas normalement entretenu au moment des faits ;
- cet accident lui a causé des préjudices qui doivent être réparés à hauteur de la somme de 14 809,75 euros ;
- la société Sanef et la société Sighor ont tenu des propos calomnieux en première instance en affirmant que les travaux de réparation du véhicule auraient été pris en charge par son assureur et sa demande était irrecevable, la somme ayant été payée par son époux.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 avril 2020 et 4 février 2021, la société Sighor, représentée par Me Delrue, avocat, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, de rejeter les conclusions d'appel en garantie de la société Sanef ;
3°) de mettre à la charge de Mme F... et de la Sanef la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement aux affirmations de la requérante, le véhicule conduit par son époux n'a pas roulé sur une " importante cavité ", mais sur une simple plaque d'égout, ainsi que l'a relevé l'expert dans son rapport du 4 septembre 2016 ; il est exclu que cette plaque d'égout, positionnée de façon normale au même niveau que la chaussée, avec moins d'un centimètre de dénivelé, ait pu endommager le véhicule de la requérante ; moins de dix heures avant l'accident, des patrouilleurs se sont rendus à cinq reprises sur les lieux et n'ont rien constaté d'anormal ; rien dans la configuration des lieux, dotés d'un lampadaire, n'imposait l'installation d'un dispositif de signalisation ; le lien de causalité entre le passage sur la plaque d'égout et les dommages allégués n'est, dès lors, pas établie ; le dommage subi par le véhicule de la requérante a manifestement pour origine une vitesse excessive ;
- Mme F... n'établit pas la réalité de l'ensemble de ses préjudices ;
- l'appel en garantie formé à son encontre par la société Sanef est irrecevable car fondé sur une cause juridique distincte de l'action principale ;
- elle n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteur public,
- les observations de Me G..., substituant Me A..., pour Mme F..., et celles de Me E..., substituant Me D..., pour la société Sanef.
Considérant ce qui suit :
1. Le véhicule de Mme F... a percuté le 7 mars 2016 à deux heures du matin un point fixe alors qu'il quittait l'aire de repos de Vemars-Est, sur l'autoroute A1. Mme F... relève appel du jugement du 17 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à ce que la société Sanef lui verse la somme de 14 809,75 euros en réparation de ses préjudices.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le tribunal aurait, comme le soutient la requérante, entaché son raisonnement de subjectivité et d'un parti pris favorable à la société Sanef et la société Sighor, en violation du droit au procès équitable garanti par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
3. En deuxième lieu, la requérante soutient que le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation et d'un défaut de réponse au moyen tiré de ce que la bouche d'égout à l'origine de l'accident ne faisait l'objet d'aucune signalisation. Toutefois, dès lors que le tribunal a jugé qu'aucun élément du dossier ne permettait d'établir que l'accident a pour origine directe et certaine la bouche d'égout en question plutôt que la seule vitesse du véhicule ou le défaut de vigilance du conducteur, il n'était pas tenu de répondre au moyen tiré de l'existence d'un défaut d'entretien normal constitué par ce défaut de signalisation. Par suite, le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité de ce chef.
4. Enfin, si la requérante soutient que le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur de qualification juridique des faits et qu'il a inversé la charge de preuve, ces moyens, qui se rattachent au bien-fondé du jugement, sont sans incidence sur sa régularité.
Sur la responsabilité :
5. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu sur une voie publique, de rapporter la preuve du lien de causalité direct et certain entre l'ouvrage public et le dommage dont il se plaint. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.
6. Après avoir allégué l'existence d'un " trou énorme " ou d'une " cavité importante ", Mme F... soutient en appel que c'est la présence d'une bouche d'égout mal refermée qui serait à l'origine des dommages subis par son véhicule, conduit par son époux, alors qu'il quittait l'aire de repos de Vemars-Est sur l'autoroute A1 le 7 mars 2016 à deux heures du matin. Toutefois, dans son rapport établi le 4 septembre 2016, l'expert désigné à la demande de l'assureur de l'intéressée s'est borné à indiquer, d'une part, que le trou mentionné initialement par cette dernière dans sa déclaration de sinistre était en réalité une simple bouche d'égout, ce que confirment les photographies versées au dossier, et, d'autre part, que le dommage résultait d'un " choc contre un corps fixe " présent sur l'aire de services de Vémars-Est, mais sans en préciser la nature. Il a notamment constaté une déformation de la roue avant gauche et de la roue arrière gauche du véhicule. Si le représentant de la société Sighor présent lors de ces opérations a marqué son accord avec les constatations effectuées, il a cependant contesté la présence d'un trou dans la chaussée de l'aire de repos. La société Sanef ne saurait être regardée comme ayant admis l'origine du sinistre. Si la requérante fait valoir que la bouche d'égout, qu'elle présente comme étant à l'origine du sinistre, n'était pas correctement refermée au moment des faits, cette allégation est formellement contestée par la société Sanef et la société Sighor, et n'est étayée par aucune des pièces versées au dossier, notamment pas par les constatations de l'expert désigné par son assureur. Dans les circonstances de l'espèce, si le véhicule de la requérante a heurté un élément fixe dans l'aire de services de Vémard-Est, aucun élément ne permet d'établir que l'accident a pour origine directe et certaine la bouche d'égout dont il s'agit. Dans ces conditions, la requérante ne peut utilement faire valoir que cette bouche d'égout n'était pas suffisamment éclairée ou qu'elle aurait dû faire l'objet d'une signalisation particulière. Ainsi, Mme F... ne rapporte pas la preuve du lien de causalité direct et certain entre l'ouvrage public et le dommage dont elle se plaint. Par suite, la responsabilité de la société Sanef et de la société Sighor ne saurait être engagée.
Sur l'indemnisation du préjudice résultant du caractère injurieux des écritures :
7. Les passages des mémoires de la Sanef et de la société Sighor critiqués par
Mme F... sont relatifs à l'appréciation de la réalité du préjudice dont elle se prévaut et ne peuvent être regardés comme présentant un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire. Par suite, ses conclusions tendant à ce que la société Sanef et la société Sighor soient condamnées à lui verser pour ce motif la somme d'un euro ne peuvent qu'être rejetées.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Sanef et de la société Sighor qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme F... une somme de 1 000 euros à verser à la société Sanef et une somme de 1 000 euros à verser à la société Sighor sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le requête de Mme F... est rejetée.
Article 2 : Mme F... versera la somme de 1 000 euros à la société Sanef et la somme de 1 000 euros à la société Sighor au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
N° 19VE04110 2