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04/03/2021 | FRANCE | N°18VE01917

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 04 mars 2021, 18VE01917


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Garage Club a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, de prononcer, à concurrence de 139 749 euros, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 et des pénalités correspondantes et, d'autre part, d'annuler le rehaussement de ses bases imposables des exercices 2011 et 2012 résultant du profit sur le Trésor.

Par un jugement n° 1703819 du 9 avril 2018, le tribun

al administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Garage Club a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, de prononcer, à concurrence de 139 749 euros, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 et des pénalités correspondantes et, d'autre part, d'annuler le rehaussement de ses bases imposables des exercices 2011 et 2012 résultant du profit sur le Trésor.

Par un jugement n° 1703819 du 9 avril 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 juin 2018 et 31 janvier 2019, la société Garage Club, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer, à concurrence de 11 824 euros et de 127 925,07 euros, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des périodes allant respectivement du 1er janvier au 31 décembre 2011 et du 1er janvier au 31 décembre 2012, ainsi que les pénalités correspondantes ;

3°) de réduire les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés, à concurrence de 130 236 euros au titre de l'année 2011 et de 189 174 euros au titre de l'année 2012 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- au titre de l'année 2011, elle ne conteste pas le rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée de 130 236 euros, mais demande, par voie de compensation, que soit déduite de ce montant la somme de 11 824 euros correspondant au solde débiteur de son compte 445772 intitulé " taxe sur la valeur ajoutée collectée " régulièrement comptabilisée du fait d'un trop-versé de taxe sur la valeur ajoutée ;

- au titre de l'année 2012, elle ne conteste pas le rappel de taxe sur la valeur ajoutée récupérée d'avance de 75 715 euros, mais elle demande, par voie de compensation, que soient déduits de ce rappel les montants figurant dans ses comptes de " taxe sur la valeur ajoutée à récupérer " des exercices 2010 et 2011, s'élevant respectivement à 26 381,41 euros et 20 753,66 euros ;

- au titre de l'année 2012, elle affirme avoir facturé à tort de la taxe sur la valeur ajoutée à la société Sbinfosystem, à hauteur de 80 790 euros, mais elle justifie avoir complètement éliminé le risque de perte de recettes fiscales, d'une part, en émettant un avoir et en produisant un extrait de la comptabilité de la société Sbinfosystem montrant qu'elle a porté au crédit de son compte 445664, par une écriture passée le 31 décembre 2012, la somme de 80 789,93 euros, et d'autre part en ayant comptabilisé les recettes que la société Sbinfosystem a encaissées pour son compte puis reversées.

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Illouz, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., pour la société Garage Club.

Considérant ce qui suit :

1. La société Garage Club fait appel du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 9 avril 2018 rejetant ses demandes en décharge partielle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 et en réduction des bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012.

Sur les conclusions en réduction des bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés :

2. Le tribunal administratif a rejeté pour irrecevabilité la demande de la société Garage Club tendant à la réduction des bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 au motif que la société n'avait pas présenté une réclamation préalable devant l'administration. La société Garage Club ne conteste pas cette irrecevabilité qui lui a été opposée. Sa requête, en tant qu'elle concerne la réduction des bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés doit, dès lors, pour ce motif, être rejetée.

Sur les conclusions en décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne les demandes de compensation :

3. Aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ". Aux termes de l'article L. 205 de ce livre : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition ".

4. En premier lieu, la société Garage Club ne conteste pas le rappel de taxe sur la valeur ajoutée collectée de 130 236 euros qui lui est réclamé au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2011, mais elle demande à bénéficier d'une compensation, avec un excédent de taxe sur la valeur ajoutée collectée de 11 824 euros correspondant au solde débiteur de son compte n° 4457712 " taxe sur la valeur ajoutée collectée 2012 ". Cependant, la société Garage Club, à qui il appartient d'établir la régularité de ses écritures comptables, ne justifie pas l'existence du crédit allégué en se bornant à se référer à ses écritures sans les appuyer des pièces justificatives.

5. En second lieu, la société requérante ne conteste pas le rappel de taxe sur la valeur ajoutée récupérée d'avance de 75 175 euros, qui lui est réclamé au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2012, mais elle demande à bénéficier d'une compensation avec de la taxe sur la valeur ajoutée à récupérer qu'elle a omis de déduire, pour des montants figurant dans ses écritures comptables de 26 381,41 euros et 20 753,66 euros au titre des périodes correspondant respectivement aux années 2010 et 2011.

6. Mais, d'une part, il est constant que la période concernée par l'avis de mise en recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige s'étend du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012. Il suit de là que la société ne peut pas demander le bénéfice de la compensation prévue par les dispositions précitées du livre des procédures fiscales avec le crédit de taxe allégué en tant qu'il concerne la période correspondant à l'année 2010, non concernée par l'avis de mise en recouvrement. D'autre part, et en tout état de cause, la société Garage Club ne produit aucune pièce venant justifier la régularité des écritures comptables dont elle se prévaut, lesquelles, ainsi que cela a été exposé au point 4, ne suffisent pas, à elles seules, à établir l'existence des crédits de taxe allégués.

En ce qui concerne le rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux prestations facturées à la société Sbinfosystem :

7. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération / (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est (...) : / a) Celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs vendeurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures (...) ". Aux termes de l'article 272 du même code : " (...) 2. La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture ou le document en tenant lieu ". Aux termes de l'article 283 du même code : " (...) 4. Lorsque la facture ou le document ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée ".

8. Ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans ses arrêts C-342/87 du 13 décembre 1989, C-454/98 du 19 septembre 2000 et C-566/07 du 18 juin 2009, le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée implique qu'une taxe indûment facturée puisse être régularisée, dès lors que l'émetteur de la facture démontre sa bonne foi ou qu'il a, en temps utile, éliminé complètement le risque de perte de recettes fiscales. Dans un tel cas, la régularisation ne doit pas dépendre du pouvoir d'appréciation discrétionnaire de l'administration fiscale. Les Etats membres ont toutefois la faculté d'adopter des mesures afin d'assurer l'exacte perception de la taxe et d'éviter la fraude sans que ces mesures ne puissent aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre de tels objectifs. Les dispositions de l'article 283 du code général des impôts ne sont pas incompatibles avec ces exigences, dès lors qu'elles n'excluent pas la possibilité de régulariser une facture mentionnant une taxe y figurant à tort. Si la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, par son arrêt C-138/12 du 11 avril 2013, que le fournisseur d'une prestation exonérée doit pouvoir régulariser la taxe sur la valeur ajoutée sans condition de délai lorsque l'administration a définitivement refusé le droit de déduction au client, il n'en résulte pas que l'émetteur d'une facture fictive doit pouvoir obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur cette facture au seul motif que l'administration fiscale a remis en cause la déduction par le destinataire de cette dernière de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture. Il lui appartient en effet, conformément à ce qu'a jugé la Cour dans son arrêt n° C-459/98, de régulariser la facture litigieuse en temps utile pour éliminer tout risque de perte de recettes fiscales.

9. Il résulte de l'instruction que l'administration a mis à la charge de la société Garage Club un rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 80 789, 93 euros correspondant à la taxe collectée du fait de la facturation de prestations à la société Sbinfosystem pour un montant total de 492 983 euros TTC, au motif que si la société avait annulé dans sa comptabilité la facturation en cause, elle ne produisait aucune facture rectificative. Cependant, la société Garage Club a émis, le 31 décembre 2012, à l'attention de la société Sbinfosystem, un avoir faisant état d'une erreur de facturation à concurrence de 412 193,53 euros HT et mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée annulée de 80 789,93 euros. Pour la première fois en appel, la société produit en outre un extrait du grand-livre comptable de la société Sbinfosystem mentionnant une écriture passée le 31 décembre 2012 portant au crédit de son compte 445664 " encaissement taxe sur la valeur ajoutée à 19,6% " la somme de 80 789,90 euros. Il résulte par ailleurs de l'instruction et notamment des pièces comptables versées à l'instance, que la somme de 492 893 euros TTC qui correspond à des recettes encaissées par la société Sbinfosystem pour le compte de la société Garage Club, a été régulièrement comptabilisée par cette dernière. Le ministre conteste le caractère probant des extraits comptables produits compte tenu de leur date d'émission tardive, postérieure de plus de six ans à la période vérifiée. Mais cette seule tardiveté, alors que la conformité de ces extraits aux comptabilités des deux entreprises est certifiée par un expert-comptable, ne suffit pas à leur ôter toute valeur probante. Il résulte de ce qui précède que la société Garage Club établit, par les pièces produites, avoir éliminé, en temps utile, complètement le risque de pertes de recettes fiscales.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Garage Club est seulement fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a rejeté sa demande en décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2012 à concurrence de 80 790 euros et des pénalités correspondantes.

11.

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 1703819 du 9 avril 2018 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de la société tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 à concurrence de 80 790 euros en principal et des pénalités correspondantes.

Article 2 : La société Garage Club est déchargée du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 à concurrence de 80 790 euros en principal et des pénalités correspondantes.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Garage Club est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à la société Garage Club la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 18VE01917 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01917
Date de la décision : 04/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Nicolas TRONEL
Rapporteur public ?: M. ILLOUZ
Avocat(s) : CHICHE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-03-04;18ve01917 ?
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