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18/02/2021 | FRANCE | N°17VE01337

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 18 février 2021, 17VE01337


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Résidence Madeleine Verdier a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner solidairement les sociétés GTM Bâtiment, Alluin et Mauduit, Arcora, Qualiconsult, Mutuelle des architectes français (MAF), assureur de la société Alluin et Mauduit, Generali France, assureur de la société Arcora, Axa France assurance, assureur de la société Qualiconsult, et SMABTP, en sa double qualité d'assureur de la société GTM b

âtiment et d'assureur dommages-ouvrage, à lui verser la somme totale de 523 963,60...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Résidence Madeleine Verdier a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner solidairement les sociétés GTM Bâtiment, Alluin et Mauduit, Arcora, Qualiconsult, Mutuelle des architectes français (MAF), assureur de la société Alluin et Mauduit, Generali France, assureur de la société Arcora, Axa France assurance, assureur de la société Qualiconsult, et SMABTP, en sa double qualité d'assureur de la société GTM bâtiment et d'assureur dommages-ouvrage, à lui verser la somme totale de 523 963,60 euros TTC en réparation des préjudices subis du fait des désordres affectant certains balcons de la résidence, ou, à titre subsidiaire, la somme de 227 419,44 euros toutes taxes comprises et de condamner ces mêmes sociétés et leurs assureurs à lui rembourser les dépens, notamment les frais d'expertise judiciaire.

Par un jugement n° 1503217 du 2 mars 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a solidairement condamné la société Alluin et Mauduit, la société GTM bâtiment et la société Qualiconsult à verser à l'EHPAD Résidence Madeleine Verdier la somme de 226 483,44 euros TTC, a condamné la société GTM bâtiment à garantir la société Qualiconsult et la société Alluin et Mauduit à hauteur de 20 % de la condamnation, a condamné la société Alluin et Mauduit à garantir la société Qualiconsult et la société GTM bâtiment à hauteur de 10 % de la condamnation, a condamné la société Qualiconsult à garantir la société GTM bâtiment et la société Alluin et Mauduit à hauteur de 10 % de la condamnation.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 avril 2017 et un mémoire enregistré le 11 janvier 2018, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EPHAD) Résidence Madeleine Verdier, représenté par Me Gomez, avocat, demande à la Cour :

A titre principal :

1° de réformer le jugement n° 1503217 du 2 mars 2017 en tant qu'il a limité son indemnisation à la somme de 226 483,44 euros toutes taxes comprises et qu'il a rejeté sa demande au titre des frais d'expertise ;

2° de condamner solidairement les sociétés GTM bâtiment, Alluin et Maduit, et Qualiconsult et leurs compagnies d'assurance, à lui verser la somme totale de 523 963,60 euros toutes taxes comprises en réparation des préjudices subis du fait des désordres affectant certains balcons de la résidence ;

3° de condamner ces mêmes sociétés et leurs compagnies d'assurance à lui rembourser les dépens, notamment les frais d'expertise judiciaire d'un montant de 33 888 euros toutes taxes comprises et la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4° de condamner ces mêmes sociétés et leurs compagnies d'assurance à lui verser la somme de 33 888 euros toutes taxes comprises au titre du préjudice correspondant au montant des frais d'expertise ;

A titre subsidiaire :

1° de confirmer le jugement sur le principe de la responsabilité décennale mais de lui verser la somme retenue par l'expert et de rendre l'arrêt opposable aux compagnies d'assurance ;

2° de condamner solidairement les sociétés GTM bâtiment, Alluin et Mauduit, et Qualiconsult et leurs compagnies d'assurance à lui rembourser les dépens, notamment les frais d'expertise, et la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est fondé à rechercher la responsabilité décennale des constructeurs ;

- le tribunal a commis la même erreur d'appréciation que l'expert Lemaire et s'est borné à retenir le chiffrage le moins disant des travaux de reprise, sans analyser dans le détail la nature et la consistance des travaux à réaliser ;

- il convient d'ajouter le montant de la mission de maîtrise d'oeuvre à hauteur de 37 381,22 euros toutes taxes comprises et 18 000 euros toutes taxes comprises pour les frais de bureau de contrôle et de coordonnateur en matière de sécurité et de protection de la santé ;

- il est fondé à solliciter une somme de 61 253,38 euros toutes taxes comprises en réparation de la détermination et du chiffrage des différents travaux de reprise pour lesquels il a été contraint de recourir aux services d'un maître d'oeuvre ;

- il est fondé à solliciter 50 000 euros au titre du préjudice de jouissance.

..................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour l'EPHAD Résidence Madeleine Verdier, et de Me C..., pour la société GTM bâtiment.

Considérant ce qui suit :

1. L'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Résidence Madeleine Verdier a entrepris la construction d'une maison de retraite médicalisée. Dans le cadre de cette opération de travaux, le marché de maîtrise d'oeuvre a été attribué à un groupement conjoint constitué notamment par les sociétés Alluin et Mauduit, architecte, et Arcora, bureau d'études structures. Les travaux ont été confiés à la société GTM bâtiment, entreprise générale, laquelle a sous-traité une partie des prestations aux sociétés Bernard Beroy et CIA Pose. Enfin, la société Qualiconsult a été retenue pour assurer une mission de contrôle technique. Ces travaux ont été réceptionnés avec réserves sans lien avec le présent litige le 23 janvier 2001. Au cours de l'année 2004, des désordres, consistant en un affaissement des balcons en porte-à-faux, sont apparus en façade sud-est au 4ème niveau. Ces désordres se sont ensuite étendus, en 2007 et 2008, sur les balcons en façade sud-est au 2ème niveau, puis sur les balcons en façade sud-ouest aux 2ème et 4ème niveaux. L'EHPAD requérant a sollicité en référé la désignation d'un expert devant le tribunal de grande instance de Pontoise, qui a déposé son rapport le 15 avril 2014.

2. L'EHPAD Résidence Madeleine Verdier demande à la Cour, à titre principal, de réformer le jugement n° 1503217 en tant que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a limité son indemnisation à la somme de 226 483,44 euros toutes taxes comprises et qu'il a rejeté sa demande au titre des frais d'expertise, de condamner solidairement les sociétés GTM bâtiment, Alluin et Mauduit, et Qualiconsult et leurs compagnies d'assurance, à lui verser la somme totale de 523 963,60 euros toutes taxes comprises en réparation des préjudices subis du fait des désordres affectant certains balcons de la résidence, de condamner ces mêmes sociétés et leurs compagnies d'assurance à lui rembourser les dépens, notamment les frais d'expertise judiciaire d'un montant de 33 888 euros toutes taxes comprises, à titre subsidiaire, de confirmer le jugement sur le principe de la responsabilité décennale mais de lui verser la somme retenue par l'expert et de rendre l'arrêt opposable aux compagnies d'assurance. Par la voie de l'appel incident, la Mutuelle des architectes français (MAF) et la société Alluin et Mauduit demandent la réformation du jugement en ce qu'il a accueilli les demandes en garantie à l'encontre de la société Alluin et Mauduit, en ce qu'il a limité à 20 % la garantie due par la société GTM bâtiment, en conséquence la condamnation des sociétés GTM bâtiment, Qualiconsult et Arcora à garantir la société Alluin et Mauduit des condamnations prononcées à son encontre.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

3. Il n'appartient qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire de connaître des actions tendant au paiement des sommes dues par un assureur au titre de ses obligations de droit privé, alors même que l'appréciation de la responsabilité de son assuré dans la réalisation du fait dommageable relèverait de la juridiction administrative. Dès lors, les conclusions de la requête dirigées contre les sociétés MAF, Axa France, SMABTP et Generali Iard en leur qualité d'assureur respectivement des sociétés Alluin et Mauduit, Qualiconsult, GTM bâtiment et Arcora ne peuvent qu'être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

4. Il en va de même des conclusions à fin d'appel en garantie présentées par la société Qualiconsult, la société Arcora et la société Alluin et Mauduit contre les assureurs des sociétés qu'elles appellent en garantie.

Sur la régularité du jugement :

5. L'EHPAD Résidence Madeleine Verdier soutient que les premiers juges se sont mépris sur le sens de sa demande présentée à fin de remboursement des frais d'expertise judiciaire. Il résulte toutefois de l'instruction et de la demande présentée devant le tribunal administratif que l'EHPAD n'a pas sollicité le remboursement du préjudice subi du fait des frais d'expertise judiciaire mais s'est borné à demander le remboursement de ces frais. Dès lors, le moyen tiré de ce que les premiers juges se seraient mépris sur l'étendue du litige dont ils étaient saisis ne peut qu'être écarté.

Sur la responsabilité décennale :

6. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité. La responsabilité décennale peut être recherchée pour des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

7. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les balcons d'angle en façade sud des 4ème et 2ème niveaux présentent des fléchissements et déformations de leurs extrémités en porte-à-faux. Il n'est pas contesté en appel que ces désordres sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage. Selon l'expert, ces désordres résultent de l'insuffisance des armatures installées sur les plans de béton armé pour rendre l'ouvrage stable sous les charges contractuelles et d'anomalies de diamètre et d'implantation des armatures mises en oeuvre. Ainsi, ils sont susceptibles d'engager la responsabilité décennale des constructeurs qui ont participé à la réalisation des travaux.

8. Les désordres évoqués au point précédent sont imputables à la société Alluin et Mauduit, membre du groupement de maîtrise d'oeuvre, qui n'a pas relevé les défauts de mise en oeuvre des armatures. Ils sont également imputables à la société GTM bâtiment, qui était chargée de la réalisation de l'ensemble des travaux. La société GTM bâtiment ne saurait non plus s'exonérer de sa responsabilité envers l'EHPAD Résidence Madeleine Verdier en invoquant la faute de ses sous-traitants. Les désordres sont enfin imputables à la société Qualiconsult, contrôleur technique, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait émis des réserves sur les plans de ferraillage des balcons, alors qu'il manquait des armatures pour en assurer la solidité. La société Qualiconsult ne saurait utilement échapper à sa responsabilité en faisant valoir que la norme technique sur laquelle devait porter le contrôle n'est pas citée par le requérant et qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait émis un quelconque avis favorable, ni même que les documents nécessaires à l'exécution de sa mission lui auraient été transmis, dès lors qu'elle était chargée d'une mission " solidité de l'ouvrage " et, à ce titre, de l'examen des notes de calculs et des documents relatifs aux ouvrages et qu'il lui appartenait, si elle s'estimait insuffisamment éclairée, de solliciter les éléments utiles pour mener à bien sa mission, demande dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait été formulée. Ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, ces constructeurs étant liés à l'EHPAD requérant par un contrat de louage d'ouvrage, ils sont responsables de plein droit envers le maître d'ouvrage des désordres résultant de la réalisation des travaux auxquels ils ont participé, dès lors qu'ils n'apportent pas la preuve que ces désordres seraient étrangers à leur intervention.

Sur la réparation :

En ce qui concerne les travaux de remise en état :

9. L'EHPAD Résidence Madeleine Verdier demande en appel une somme de 357 329 euros toutes taxes comprises pour la remise en état des balcons, en se fondant sur une estimation financière réalisée par la société Concrete qu'elle avait missionnée à cet effet. Si l'EHPAD soutient que ce chiffrage permet la réparation de l'ensemble des désordres contrairement au chiffrage de l'expert, qui s'est basé sur l'estimation d'Euroconcept dont elle a dénoncé les lacunes, elle ne l'établit pas et ne fournit pas plus en appel qu'en première instance de devis d'entreprise de nature à corroborer cette estimation financière. Il résulte au contraire de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les travaux réparatoires préconisés par cette étude excèdent les travaux strictement nécessaires pour remédier aux désordres constatés. Il y a donc lieu de maintenir le montant fixé par l'expert à 123 050 euros hors taxes et retenu à bon droit par les premiers juges, qui correspond aux travaux strictement nécessaires à la réparation des désordres. Il convient, pour les mêmes motifs, de se borner à confirmer le montant retenu par les premiers juges pour les prestations de maîtrise d'oeuvre et du bureau de contrôle de 2 800 euros hors taxes et 13 383 euros hors taxes respectivement. Le coût de la dépose des jardinières de 13 000 euros hors taxes n'est pas contesté. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de revenir sur la somme totale de 152 233 euros hors taxes accordée par les premiers juges pour ce poste de préjudice.

En ce qui concerne les frais liés à la recherche des désordres :

10. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que la recherche de l'origine des désordres a entraîné des frais liés à la réalisation d'études diligentées par le maître de l'ouvrage pour un montant total de 36 503,20 euros hors taxes correspondant à l'intervention de la société Concrete. Si l'EHPAD demande que toutes les factures de la société Concrete soient prises en compte, dès lors qu'elle n'est pas un professionnel, cette demande ne peut qu'être rejetée, ainsi que les premiers juges l'ont décidé, s'agissant des factures de 10 272 euros hors taxes et de 5 310,24 euros hors taxes, qui correspondent à des interventions de la société qui n'ont pas été utiles à la recherche des désordres.

En ce qui concerne les troubles de jouissance :

11. Ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, la seule circonstance que l'EHPAD Résidence Madeleine Verdier a dû mobiliser son personnel et qu'il a été contraint d'interdire l'accès aux balcons à ses résidents ne suffit pas à établir les troubles de jouissance dont il demande réparation.

En ce qui concerne les frais de l'expertise judiciaire :

12. En appel, l'EHPAD Résidence Madeleine Verdier demande le remboursement des frais de l'expertise judiciaire d'un montant de 33 888 euros toutes taxes comprises, dès lors que ceux-ci constituent un préjudice en lien avec la responsabilité des constructeurs. Il y a lieu de faire droit à cette demande et de lui accorder cette somme.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

13. Le montant du préjudice dont le maître de l'ouvrage est fondé à demander réparation aux constructeurs en raison de désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection. Ces frais comprennent en règle générale la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable de ce coût, lorsque ladite taxe grève les travaux. Toutefois, le montant de l'indemnisation doit, lorsque le maître de l'ouvrage relève d'un régime fiscal qui lui permet normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations, être diminué du montant de la taxe ainsi déductible ou remboursable. Pour l'application de ces principes, il appartient normalement au maître de l'ouvrage, à qui incombe, de façon générale, la charge d'apporter tous éléments de nature à déterminer avec exactitude le montant de son préjudice, d'établir, s'il demande que l'indemnité correspondant au coût des travaux nécessaires englobe le montant de la taxe sur la valeur ajoutée, qu'il n'est pas susceptible, à la date normale d'évaluation du préjudice, de déduire ou de se faire rembourser ladite taxe.

14. L'EHPAD Résidence Madeleine Verdier établit, par la production d'une attestation émanant de la direction générale des finances publiques, qu'il n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et qu'il n'est donc pas en mesure de se faire rembourser ladite taxe à laquelle les travaux nécessaires pour mettre fin aux désordres sont pourtant soumis. Dès lors, les condamnations prononcées par le présent arrêt doivent inclure le montant de la taxe sur la valeur ajoutée. Il ne résulte pas de l'instruction que l'EHPAD remplirait les conditions posées par les articles R. 331-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation pour bénéficier d'une taxe sur la valeur ajoutée au taux de 5,5 %. Il y a donc lieu d'en rester au taux de 20 %, retenu par les premiers juges.

15. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'EPHAD Résidence Madeleine Verdier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en litige, le tribunal administratif lui a refusé le remboursement des frais d'expertise d'un montant de 33 888 euros toutes taxes comprises. Il y a lieu de porter à 260 321,44 euros toutes taxes comprises la somme à laquelle sont solidairement condamnées la société Alluin et Mauduit, la société GTM bâtiment et la société Qualiconsult.

Sur les appels en garantie :

16. Le recours entre constructeurs, non contractuellement liés, ne peut avoir qu'un fondement quasi-délictuel et, coauteurs d'un même dommage, ces constructeurs ne sont tenus entre eux que pour la part déterminée à proportion du degré de gravité des fautes respectives qu'ils ont personnellement commises. Il y a lieu, en conséquence, de prononcer des condamnations divises à l'égard de chacun des constructeurs.

17. La société Qualiconsult appelle en garantie les sociétés GTM bâtiment et Alluin et Mauduit. La société GTM bâtiment appelle en garantie les sociétés Qualiconsult, Arcora et Alluin et Mauduit. La société Alluin et Mauduit appelle en garantie les sociétés GTM bâtiment, Qualiconsult et Arcora. La société Arcora appelle en garantie les sociétés GTM bâtiment, SMABTP, MAF, Alluin et Mauduit et Qualiconsult.

18. Il résulte de l'instruction que les désordres affectant les balcons sont essentiellement liés à l'insuffisance des armatures installées sur les plans de béton ainsi qu'à une mauvaise implantation de ces armatures. Ces carences sont essentiellement imputables à la société GTM bâtiment qui assumait la responsabilité de l'ensemble des travaux et aurait dû relever le défaut de position des armatures avant le coulage du béton des balcons qui constitue un non-respect du cahier des charges par ses sociétés sous-traitantes. Par ailleurs, la société Alluin et Mauduit, qui assurait la maîtrise d'oeuvre d'exécution, n'a pas relevé le défaut de mise en oeuvre des armatures alors qu'elle devait assurer une mission de surveillance et de suivi des travaux. Dès lors, la circonstance relevée par la société que le défaut de positionnement n'a été que ponctuel et qu'il n'est pas d'usage que le maitre d'oeuvre soit présent en permanence sur le chantier ne suffit pas à établir qu'elle n'a pas commis de faute dans l'exercice de sa mission. Enfin, la société Qualiconsult ne démontre pas avoir émis des réserves sur les plans de ferraillage qui relevaient de sa mission " solidité de l'ouvrage " et qu'il lui revenait donc d'examiner, alors qu'elle aurait dû alerter le maître d'ouvrage sur l'insuffisance des armatures pour assurer la solidité des ouvrages. Ainsi, la part de responsabilité imputable à la société GTM bâtiment doit être fixée à 80 %. La part de responsabilité imputable à la société Alluin et Mauduit doit être fixée à 10 %. Enfin, la société Qualiconsult doit assumer une part de responsabilité de 10 %.

19. Il résulte de ce qui précède que la société GTM bâtiment doit garantir les sociétés Qualiconsult et Alluin et Mauduit à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à leur encontre. La société Alluin et Mauduit doit garantir les sociétés Qualiconsult et GTM bâtiment à hauteur de 10 % des condamnations prononcées à leur encontre. La société Qualiconsult doit garantir les sociétés GTM Bâtiment et Allluin et Mauduit à hauteur de 10 % des condamnations prononcées à leur encontre.

Sur l'appel provoqué des sociétés Alluin Mauduit et GTM bâtiment à l'égard de la société Arcora :

20. La société Arcora fait valoir qu'aucune demande de réformation n'a été formulée par l'appelante au sujet de sa mise hors de cause et que, dans ces conditions, la société Alluin et Mauduit, à défaut d'avoir formé un appel principal dans les délais, n'est plus en mesure de le faire et que son appel en garantie devra être rejeté comme irrecevable. Toutefois, les conclusions à fin de garantie présentées par le défendeur, intimé en appel par le demandeur en vue d'obtenir une meilleure indemnisation de son préjudice, après l'expiration du délai du recours contentieux constituent un appel provoqué, qui n'est recevable qu'au cas et dans la mesure où l'appelant principal obtient la majoration de l'indemnité allouée par les premiers juges. En tout état de cause, s'agissant des demandes en appel en garantie présentées par la société Alluin et Mauduit et la société GTM bâtiment, il résulte de l'instruction que la société Arcora a été chargée d'une mission de bureau d'études en phase de conception à l'exclusion de toute mission en phase d'exécution. Dès lors que les désordres ne sont pas dus à un défaut de conception de l'ouvrage mais à un défaut de contrôle des plans de ferraillage et de mise en oeuvre des armatures durant la seule phase d'exécution, la société Alluin et Mauduit et la société GTM bâtiment ne sont pas fondées à demander que la société Arcora les garantisse des condamnations prononcées à leur encontre.

Sur les dépens :

21. La présente instance n'a pas entraîné de frais susceptibles d'être inclus dans les dépens. En effet, les frais d'une expertise ordonnée par le juge judiciaire ne relèvent pas des dépens de l'instance devant le juge administratif. Les demandes présentées par l'EHPAD Résidence Madeleine Verdier et la société Alluin et Mauduit sur ce point ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés Alluin et Mauduit, GTM bâtiment et Qualiconsult une somme de 1 000 euros chacune à verser respectivement tant à l'EHPAD Résidence Madeleine Verdier qu'à la société Arcora au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'EHPAD Résidence Madeleine Verdier et de la société Arcora, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, les sommes que les sociétés Alluin et Mauduit, GTM bâtiment et Qualiconsult demandent sur ce même fondement.

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête et celles à fin d'appel incident présentées par la société Qualiconsult, la société Arcora et la société Alluin et Mauduit contre les sociétés MAF, Axa France, SMABTP et Generali Iard sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 2 : La somme au paiement de laquelle sont solidairement condamnées la société Alluin et Mauduit, la société GTM bâtiment et la société Qualiconsult est portée à 260 321,44 euros toutes taxes comprises.

Article 3 : La société GTM bâtiment est condamnée à garantir la société Qualiconsult et la société Alluin et Mauduit à hauteur de 80 % de la condamnation prononcée à l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : Les appels provoqués de la société Alluin et Mauduit et de la société GTM bâtiment sont rejetés.

Article 5 : Le jugement n° 1503217 du 2 mars 2017 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : La société Alluin et Mauduit, la société GTM bâtiment et la société Qualiconsult verseront chacune une somme de 1 000 euros à l'EHPAD Résidence Madeleine Verdier, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : La société Alluin et Mauduit, la société GTM bâtiment et la société Qualiconsult verseront chacune une somme de 1 000 euros à la société Arcora en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

N° 17VE01337 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01337
Date de la décision : 18/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04-03 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale. Désordres de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Eugénie ORIO
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : LOCTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-02-18;17ve01337 ?
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