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10/02/2021 | FRANCE | N°19VE01992-19VE01993

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 10 février 2021, 19VE01992-19VE01993


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public Voies Navigables de France a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner M. D..., propriétaire du bateau " Anarka 2 " à payer une amende de 150 euros en application de l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques pour stationnement non autorisé de ce bateau sur le domaine public fluvial, d'ordonner à M. D... de procéder à l'enlèvement de ce bateau dans le délai de quinze jours sous astreinte de 50 euros par jour de retard et d'auto

riser Voies Navigables de France à requérir la force publique pour procéder ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public Voies Navigables de France a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner M. D..., propriétaire du bateau " Anarka 2 " à payer une amende de 150 euros en application de l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques pour stationnement non autorisé de ce bateau sur le domaine public fluvial, d'ordonner à M. D... de procéder à l'enlèvement de ce bateau dans le délai de quinze jours sous astreinte de 50 euros par jour de retard et d'autoriser Voies Navigables de France à requérir la force publique pour procéder au déplacement de ce bateau en mettant à la charge de M. D... les frais de ce déplacement et enfin de mettre à la charge de M. D... la somme de 250 euros correspondant aux frais d'établissement du procès-verbal constatant le stationnement non autorisé du bateau.

Par un jugement n° 1705739 du 13 février 2019, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Versailles a condamné M. D... à payer une amende de 150 euros, enjoint à M. D... de procéder à l'enlèvement de son bateau du domaine public fluvial dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et, en cas d'inexécution de cette injonction, autorisé Voies Navigables de France à procéder d'office, au besoin avec le concours de la force publique, au retrait du bateau du contrevenant aux frais et risques de ce dernier, condamné M. D... au paiement des frais du procès-verbal et mis à la charge de M. D... la somme de 111,70 euros correspondant aux frais de notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 19VE01992 le 31 mai 2019 et un mémoire complémentaire enregistré le 29 mai 2020, M. D..., représenté par Me E..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de mettre à la charge de Voies Navigables de France le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. D... soutient que :

- le jugement est irrégulier dans la mesure où il n'a pas été régulièrement convoqué à l'audience du tribunal administratif et n'a pas pu y faire valoir ses droits ;

- la notification du procès-verbal est entachée d'une erreur relative à l'adresse du bateau " Anarka 2 " ;

- la notification du jugement est entachée d'une erreur quant à son adresse ;

- Voies Navigables de France n'a pas respecté le délai prévu à l'article L. 774-2 du code de justice administrative pour notifier le procès-verbal de contravention dressé le 14 février 2017 ;

- l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce dès lors que le bateau " Anarka 2 " stationne à l'emplacement litigieux depuis plusieurs années avec la tolérance de Voies Navigables de France et que ce bateau ne constitue pas un empêchement au sens des dispositions de l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques ;

- la situation du bateau " Anarka 2 " résulte de l'incapacité de Voies Navigables de France à proposer à M. D... une convention d'occupation temporaire ;

- la décision litigieuse méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et s'apparente à une expulsion de M. D... du territoire français alors qu'il connaît une situation délicate sur le plan financier et personnel.

.....................................................................................................................

II. Par une requête enregistrée sous le n° 19VE01993 le 31 mai 2019 et un mémoire complémentaire enregistré le 29 mai 2020, M. D... représenté par Me E..., avocat, demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement n° 1705739 du Tribunal administratif de Versailles en date du 13 février 2019.

M. D... soutient que :

- le jugement est manifestement irrégulier et entaché d'une erreur de droit ;

- son exécution aurait des conséquences difficilement réparables.

.....................................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., substituant Me E... pour M. D....

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes susvisées ont fait l'objet d'une instruction commune et présentent à juger des affaires semblables. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite conformément aux articles R. 611-3 ou R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. Dans les deux cas, l'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que l'avis d'audience a été adressé par le greffe du Tribunal administratif de Versailles à M. D... par lettre recommandée avec accusé de réception à l'adresse donnée par le requérant lui-même et à laquelle il ne conteste pas avoir reçu les diverses communications liées à la procédure devant cette juridiction. L'avis d'audience a été retourné au Tribunal administratif de Versailles assorti de la mention " destinataire inconnu à l'adresse ". Si le requérant soutient que le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'a pas reçu l'avis d'audience, cette circonstance est sans influence sur la régularité de la procédure dès lors que, faute d'éléments pertinents, il n'établit pas que l'absence de remise en temps utile de l'avis d'audience ne lui serait pas exclusivement imputable. Par suite, le moyen doit être écarté.

4. Les conditions de notification d'un jugement sont sans incidence sur la régularité de celui-ci. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier du fait d'une erreur d'adresse commise à l'occasion de la notification du jugement attaqué par voie d'huissier.

Sur le fond du litige :

5. Aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. / La notification est faite dans la forme administrative, mais elle peut également être effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / La notification indique à la personne poursuivie qu'elle est tenue, si elle veut fournir des défenses écrites, de les déposer dans le délai de quinzaine à partir de la notification qui lui est faite. / Il est dressé acte de la notification ; cet acte doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré comme les requêtes introductives d'instance. ".

6. Le délai de dix jours fixé par les dispositions de l'article L. 774-2 du code de justice administrative pour la notification au contrevenant par le préfet du procès-verbal de contravention de grande voirie n'est pas prescrit à peine de nullité de la procédure. Il ne résulte pas de l'instruction que le délai qui s'est écoulé entre l'établissement du procès-verbal le 14 février 2017 et sa notification au contrevenant le 6 mars 2017 aurait eu pour effet dans les circonstances de l'espèce de porter atteinte aux droits de la défense. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la procédure de contravention de grande voirie poursuivie à son encontre serait irrégulière.

7. Le procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 14 février 2017 à l'encontre de M. D... par Mme C..., technicien supérieur du développement durable, ce procès-verbal, dont les mentions font foi jusqu'à preuve contraire, précise que cet agent, était dûment commissionné et assermenté. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'agent verbalisateur doit être écarté. Enfin les dispositions de l'article L. 2132-23 du code général de la propriété des personnes publiques n'exigent pas que le procès-verbal de contravention justifie de la qualité d'agent assermenté de son rédacteur.

8. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ". Aux termes de l'article L. 2132-9 du même code : " Les riverains, les mariniers et autres personnes sont tenus de faire enlever les pierres, terres, bois, pieux, débris de bateaux et autres empêchements qui, de leur fait ou du fait de personnes ou de choses à leur charge, se trouveraient sur le domaine public fluvial. Le contrevenant est passible d'une amende de 150 à 12 000 euros, de la confiscation de l'objet constituant l'obstacle et du remboursement des frais d'enlèvement d'office par l'autorité administrative compétente. ".

9. Il résulte de l'instruction que le bateau " Anarka 2 " était stationné, sans autorisation, au moment de la constatation de l'infraction, sur la Seine, rive droite du bras des Migneaux au PK 78,500 sur le territoire de la commune de Poissy. Ainsi, la présence de ce bateau constituait un empêchement, au sens des dispositions précitées, sur le domaine public fluvial, sans qu'y fasse obstacle le fait qu'il aurait pris la place d'un autre bateau stationné auparavant et ne constituerait pas une gêne pour la navigation.

10. La circonstance que le procès-verbal du 14 février 2017 indiquerait que son bateau se trouvait au niveau du point kilométrique 78,5 et non pas sur la rive gauche au 32 avenue Emile Zola est, à la supposer établie, sans influence sur la matérialité de l'infraction qui lui est reprochée et qui est établie ainsi qu'il vient d'être dit au point précédent.

11. Lorsque le juge administratif est saisi d'un procès-verbal de contravention de grande voirie, il ne peut légalement décharger le contrevenant de l'obligation de réparer les atteintes portées au domaine public qu'au cas où ce dernier produit des éléments de nature à établir que le dommage est imputable, de façon exclusive, à un cas de force majeure ou à un fait de l'administration assimilable à un cas de force majeure. La circonstance que M. D... a sollicité la régularisation de sa situation d'occupant sans titre du domaine public fluvial auprès du gestionnaire en lui demandant la délivrance d'une autorisation d'occupation dudit domaine, dont il soutient qu'elle lui a été refusée de manière fautive, est sans incidence sur le bien-fondé des poursuites dont il a fait l'objet.

12. M. D... ne peut utilement soutenir que sa condamnation au paiement d'une amende aurait une incidence sur sa vie privée et familiale ni que l'injonction qui lui a été faite de retirer son bateau du domaine public illégalement occupé aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnues.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Voies Navigables de France et non compris dans les dépens.

14. Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête tendant à ce qu'il soit sursis à statuer sur le jugement en date du 13 février 2019 du Tribunal administratif de Versailles.

DÉCIDE :

Article 1er : Les deux requêtes susvisées sont jointes.

Article 2 : La requête enregistrée sous le n° 19VE01992 de M. D... est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête enregistrées sous le n° 19VE01993.

Article 4 : M. D... versera à Voies Navigables de France la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 19VE01992...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01992-19VE01993
Date de la décision : 10/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

24-01-03-01 Domaine. Domaine public. Protection du domaine. Contraventions de grande voirie.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : SELARL RDB ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-02-10;19ve01992.19ve01993 ?
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