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10/02/2021 | FRANCE | N°18VE00360

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 10 février 2021, 18VE00360


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler la délibération n° 8 par laquelle le conseil municipal de la commune de Noisy-le-Sec, réuni en sa séance du 29 septembre 2016, a accordé sa garantie à l'emprunt souscrit par la société anonyme d'économie mixte (SAEM) Noisy-le-Sec Habitat auprès de la banque Arkéa Entreprise, ainsi que la décision en date du 3 octobre 2016 par laquelle le maire a signé l'acte de cautionnement du contrat de prêt, et, d'autre part, d'e

njoindre à cette commune de saisir le juge de l'exécution du contrat aux fins ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler la délibération n° 8 par laquelle le conseil municipal de la commune de Noisy-le-Sec, réuni en sa séance du 29 septembre 2016, a accordé sa garantie à l'emprunt souscrit par la société anonyme d'économie mixte (SAEM) Noisy-le-Sec Habitat auprès de la banque Arkéa Entreprise, ainsi que la décision en date du 3 octobre 2016 par laquelle le maire a signé l'acte de cautionnement du contrat de prêt, et, d'autre part, d'enjoindre à cette commune de saisir le juge de l'exécution du contrat aux fins de prononcer sa résolution judiciaire dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 300 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1608348 du 23 novembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision en date du 3 octobre 2016 par laquelle le maire de la commune de Noisy-le-Sec a signé l'acte de cautionnement du contrat de prêt conclu entre la société anonyme d'économie mixte Noisy-le-Sec Habitat et la banque Arkéa Entreprise et a rejeté le surplus de la requête de M. D....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 24 janvier 2018 et le 20 novembre 2019, M. D..., représenté par Me Ménard, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2° d'annuler la délibération n° 8 du 29 septembre 2016 ;

3° d'enjoindre à la commune de Noisy-le-Sec de saisir le juge de l'exécution du contrat aux fins de voir prononcer sa résolution judiciaire dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge du maire de la commune de Noisy-le-Sec les entiers dépens et le versement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement attaqué :

- il ne comporte pas les signatures prévues à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- il présente une motivation contradictoire associée à plusieurs erreurs de droit ;

- il repose sur une dénaturation des pièces du dossier et une autre erreur de droit ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- la délibération litigieuse a été adoptée en violation de l'obligation d'information des membres du conseil municipal, en l'absence de communication des comptes certifiés de la SAEM Noisy-le-Sec Habitat ;

- elle a été prise, du fait de son objet, en méconnaissance des articles L. 2252-1, L. 2252-2 et D. 1511-35 du code général des collectivités territoriales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des règles de prudence et de bonne gestion des finances locales, compte tenu de la situation financière de cette SAEM ;

- elle a été prise en méconnaissance des conditions d'attribution d'une aide publique par une collectivité territoriale au regard du droit européen, en l'absence de notification préalable d'une aide d'Etat à la commission européenne.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,

- et les observations de M. D..., de Me B..., substituant Me G... pour la commune de Noisy-le-Sec et de Me A..., substituant Me F... pour la banque Arkéa Entreprise.

Une note en délibéré présentée pour M. D... a été enregistrée le 25 janvier 2021.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... relève régulièrement appel du jugement n° 1608348 du 23 novembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 3 octobre 2016 par laquelle le maire de la commune de Noisy-le-Sec a signé l'acte de cautionnement du contrat de prêt conclu entre la société anonyme d'économie mixte (SAEM) Noisy-le-Sec Habitat et la banque Arkéa Entreprise et a rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation de la délibération n° 8 du 29 septembre 2016 par laquelle le conseil municipal de cette commune de Noisy-le-Sec a accordé sa garantie à hauteur de 100% à l'emprunt souscrit par la SAEM ci-dessus pour un montant de 893 000 euros.

Sur la régularité du jugement contesté :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

3. En l'espèce, il ressort du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué du 23 novembre 2017 comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience. La circonstance que l'expédition du jugement notifiée au requérant ne comporte pas la signature des magistrats qui l'ont prononcé est sans incidence sur sa régularité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative manque en fait.

4. M. D... soutient que le jugement entrepris présente une motivation contradictoire, en contestant en réalité les motifs retenus par les premiers juges pour écarter le moyen tiré de l'insuffisance de l'information donnée aux conseillers municipaux à l'occasion de l'adoption de la délibération litigieuse. Ainsi formulé, ce moyen relève du bien-fondé du jugement sans en affecter la régularité.

5. Les moyens invoqués par M. D..., tirés de ce que le Tribunal administratif de Montreuil a dénaturé les pièces du dossier et a commis une erreur de fait, relèvent de la discussion des faits qui ressortit au bien-fondé du jugement et n'en affectent pas la régularité.

6. En attribuant plusieurs erreurs de droit aux premiers juges dans l'application des dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à l'information des conseillers municipaux et à la garantie d'emprunt, M. D... se livre à une critique du bien-fondé du jugement entrepris et non pas de sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué et la légalité de la délibération du 29 septembre 2016 :

En ce qui concerne le moyen tiré du défaut d'information des membres du conseil municipal :

7. Aux termes de l'article L. 2252-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable : " Une commune ne peut accorder à une personne de droit privé une garantie d'emprunt ou son cautionnement que dans les conditions fixées au présent chapitre/(...). ". Aux termes de l'article L. 2121-12 du même code : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. Si la délibération concerne un contrat de service public, le projet de contrat ou de marché accompagné de l'ensemble des pièces peut, à sa demande, être consulté à la mairie par tout conseiller municipal dans les conditions fixées par le règlement intérieur. /(...). ". Selon l'article L. 2121-13 de ce code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. ". En outre, en vertu des dispositions combinées des articles L. 2313-1 (4°) et L. 2313-1-1 de ce code, les comptes certifiés des organismes pour lesquels la commune garantit un emprunt sont communiqués par la commune aux élus municipaux qui en font la demande, dans les conditions prévues à l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales.

8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. D..., conseiller municipal d'opposition, a demandé, par courriel du 28 septembre 2016 envoyé aux environs de 13:00, au maire de la commune de Noisy-le-Sec de lui communiquer les comptes certifiés de la société anonyme d'économie mixte (SAEM) Noisy-le-Sec Habitat avant la tenue de la séance du conseil municipal qui a adopté la délibération n° 8 du 29 septembre 2016 accordant à hauteur de 100% la garantie d'emprunt de cette collectivité à la SAEM ci-dessus à raison d'un prêt de 893 000 euros contracté auprès de la banque Arkéa Entreprise pour une durée de 15 ans. Il est constant que ces comptes, pourtant clos au 31 décembre 2015, n'ont pas été transmis à l'intéressé avant l'adoption de la délibération litigieuse. Malgré la brièveté du délai ainsi imparti, la commune de Noisy-le-Sec n'établit pas qu'elle se serait trouvée dans l'impossibilité de les produire en temps utile, en tout cas au plus tard au cours de la réunion du conseil municipal.

9. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à l'instar des autres conseillers municipaux, M. D... a été rendu destinataire d'une note de synthèse sur le point n° 8 inscrit à l'ordre du jour du conseil municipal du 29 septembre 2016, ainsi que du rapport d'activité pour l'année 2015 de la SAEM Noisy-le-Sec Habitat. Dans la mesure où cette note de synthèse apportait des éléments suffisamment précis sur la nature et la localisation des travaux financés par l'emprunt faisant l'objet de la garantie et où le rapport d'activité était détaillée, les informations dispensées aux élus, lesquels votent chaque année l'approbation du rapport d'activité de la SAEM, étaient suffisantes pour connaître la situation financière de cette société et permettre aux conseillers municipaux d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit de la mesure de garantie d'emprunt envisagée et de mesurer les implications de leurs décisions. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, et malgré l'absence de communication des comptes certifiés de la SAEM Noisy-le-Sec Habitat, la délibération contestée n'a pas été adoptée en méconnaissance du droit de M. D... à être suffisamment informé avant l'adoption de la délibération engageant les finances locales sur la portée de la garantie d'emprunt accordée par la commune de Noisy-le-Sec à la SAEM Noisy-le-Sec Habitat. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 2252-1, L. 2252-2 et D. 1511-35 du code général des collectivités territoriales :

10. S'il résulte des dispositions combinées des articles L. 2252-1 et D. 1511-35 du code général des collectivités territoriales qu'une commune ne peut accorder à une personne de droit privé une garantie d'emprunt ou son cautionnement que pour une quotité maximale de 50% sur un même emprunt, ce plafond n'est toutefois pas applicable, aux termes de l'article L. 2252-2 du même code, pour les opérations de construction, d'acquisition ou d'amélioration de logements réalisées par les organismes d'habitations à loyer modéré ou les sociétés d'économie mixte. Les travaux d'amélioration du patrimoine de la SAEM qui portent sur cinq programmes locatifs, à raison desquels le conseil municipal a accordé la garantie d'emprunt de la commune, et qui ne concernent pas la rénovation du siège social de cette société entre dans cette dernière catégorie. Par suite le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des règles de prudence et de bonne gestion des finances locales ;

11. M. D... n'établit pas que la délibération n° 8 adoptée le 29 septembre 2016 par le conseil municipal de la commune de Noisy-le-Sec est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de l'observance par cette commune de règles de prudence et de bonne gestion des finances et de la trésorerie locales au regard des dispositions des articles L. 2252-1, L. 2252-2 et D. 1511-35 du code général des collectivités territoriales, en tant principalement que le taux de 100% de la garantie d'emprunt est excessif et aurait dû être de 50 ou 80%, en se bornant à se prévaloir des difficultés financières de la SAEM ressortant de l'examen de ses comptes pour 2015 et du rapport de contrôle n° 2014-075 établi en décembre 2015 par l'agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS), et sans démontrer que la capacité financière de la commune faisait obstacle à garantir à hauteur de 100% un emprunt de 893 000 euros à une société dont au demeurant la situation financière s'est améliorée depuis 2015. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des conditions d'attribution d'une aide publique par une collectivité territoriale au regard du droit européen.

12. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la garantie d'emprunt accordée par la commune de Noisy-le-Sec à la SAEM Noisy-le-Sec Habitait constituerait une aide susceptible d'affecter les échanges entre Etats membres au sens de l'article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Dans la mesure où les conditions générales d'applicabilité de cet article ne sont pas remplies, et sans qu'il soit besoin d'examiner si la taxe contestée satisfait aux critères d'exclusion concernant les compensations de service public fixés par l'arrêt Altmark du 24 juillet 2003 de la cour de justice de l'Union européenne, ladite garantie d'emprunt ne constitue pas une aide d'Etat. En tout état de cause, le logement social entre dans le champ de la décision de la commission européenne du 20 décembre 2011 relative à l'application de l'article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides d'État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général (décision dite Almunia), décision, qui énonçant les conditions en vertu desquelles les aides d'Etat sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économiques général (SIEG) sont compatibles avec la marché intérieur et exemptées de l'obligation de notification prévue à l'article 108, paragraphe 3, du traité ci-dessus, s'applique aux aides d'Etat qui constituent une compensation ne dépassant pas un montant annuel de 15 millions d'euros pour la prestation de SIEG dans des domaines autres que le transport et les infrastructures de transport ou encore aux compensations octroyées pour des services répondant à des besoins sociaux concernant notamment le logement social. Dès lors, la garantie d'emprunt litigieuse ne constitue pas une aide d'Etat illégale à défaut d'avoir été notifiée préalablement à la commission européenne. Par suite, le moyen doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête. Par suite, ses conclusions en annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les frais liés à l'instance :

14. Par voie de conséquence du rejet de sa requête, les conclusions présentées par M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... le versement à la commune de Noisy-le-Sec, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, de la somme demandée de 2 000 euros à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : M. D... versera une somme de 2 000 euros à la commune de Noisy-le-Sec D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 18VE00360


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00360
Date de la décision : 10/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-03-04-02 Collectivités territoriales. Commune. Attributions. Interventions économiques (voir supra : Dispositions générales). Garanties d'emprunt.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: M. Benoist GUÉVEL
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : MENARD

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-02-10;18ve00360 ?
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