Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 22 août 2016 par laquelle le directeur de la maison d'arrêt de Fleury-Merogis l'a placé à l'isolement.
Par un jugement n° 1606122 du 25 janvier 2019, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 22 août 2016.
Procédure devant lacCour :
Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés les 26 mars et 12 juin 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° et de rejeter la demande de M. A....
Il soutient que l'absence de mention précise de la durée d'isolement n'a pas privé M. A... d'une garantie de nature à entacher la décision litigieuse d'une illégalité dès lors, d'une part, qu'il a été préalablement informé et a pu présenter ses observations et qu'il continue de bénéficier d'un régime de détention ordinaire et, d'autre part, qu'en l'absence de mention précise, la durée maximale d'isolement de trois mois s'applique.
Vu les pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Beaujard, président-rapporteur ;
- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le garde des sceaux, ministre de la justice, relève appel du jugement du 25 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 22 août 2016 du directeur de la maison d'arrêt de Fleury-Merogis plaçant M. A... à l'isolement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 726-1 du code de procédure pénale : " Toute personne détenue, sauf si elle est mineure, peut être placée par l'autorité administrative, pour une durée maximale de trois mois, à l'isolement par mesure de protection ou de sécurité soit à sa demande, soit d'office. Cette mesure ne peut être renouvelée pour la même durée qu'après un débat contradictoire, au cours duquel la personne concernée, qui peut être assistée de son avocat, présente ses observations orales ou écrites. L'isolement ne peut être prolongé au-delà d'un an qu'après avis de l'autorité judiciaire ". Aux termes de l'article R. 57-7-66 du code de procédure pénale : " Le chef d'établissement décide de la mise à l'isolement pour une durée maximale de trois mois. Il peut renouveler la mesure une fois pour la même durée. (...) ". L'article R. 57-7-62 dispose que : " La mise à l'isolement d'une personne détenue, par mesure de protection ou de sécurité, qu'elle soit prise d'office ou sur la demande de la personne détenue, ne constitue pas une mesure disciplinaire ". Enfin, aux termes de l'article R. 57-7-76 de ce code : " Il peut être mis fin à la mesure d'isolement à tout moment par l'autorité qui a pris la mesure ou qui l'a prolongée, d'office ou à la demande de la personne détenue ".
3. Aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit n'impose au chef d'établissement qui décide de placer, en vue de maintenir l'ordre public carcéral, ou de prévenir toute atteinte à celui-ci, une personne détenue à l'isolement, de préciser la durée exacte de la mesure, laquelle ne peut en tout état de cause, hors prolongation décidée dans les formes légales et réglementaires, excéder une durée de trois mois. Au demeurant, en vertu de l'article R. 57-7-76 du code de procédure pénale, il peut être mis fin à la mesure soit d'office par l'autorité qui a pris la décision, soit à la demande de la personne détenue. Il appartient ainsi au chef d'établissement de moduler la mesure, qui constitue une mesure de police, et non une sanction disciplinaire, en fonction des impératifs du retour à l'ordre public ou de la prévention du renouvellement des risques de troubles, lesquels impératifs ne sont pas nécessairement déterminables dès l'intervention de la mesure de placement à l'isolement, et sont susceptibles d'évoluer en cours d'exécution de la mesure. Il en résulte que le garde des sceaux, ministre de la justice, est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision 22 août 2016 du directeur de la maison d'arrêt de Fleury-Merogis plaçant M. A... à l'isolement au motif que cette décision ne prévoyait pas sa durée d'exécution.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Versailles.
Sur la légalité de la décision du 22 août 2016 :
5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 57-7-64 du code de procédure pénale : " Lorsqu'une décision d'isolement d'office initial ou de prolongation est envisagée, la personne détenue est informée, par écrit, des motifs invoqués par l'administration, du déroulement de la procédure et du délai dont elle dispose pour préparer ses observations. Le délai dont elle dispose ne peut être inférieur à trois heures à partir du moment où elle est mise en mesure de consulter les éléments de la procédure, en présence de son avocat, si elle en fait la demande. Le chef d'établissement peut décider de ne pas communiquer à la personne détenue et à son avocat les informations ou documents en sa possession qui contiennent des éléments pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes ou des établissements pénitentiaires. (...) Les observations de la personne détenue et, le cas échéant, celles de son avocat sont jointes au dossier de la procédure. Si la personne détenue présente des observations orales, elles font l'objet d'un compte rendu écrit signé par elle. (...) La décision est motivée. ".
6. Après avoir cité les dispositions des articles R. 57-7-62 à R. 57-7-78 et suivants du code de procédure pénale, la décision du 22 août 2016 mentionne, en les développant, les faits survenus le 31 juillet 2016 qui ont conduit à placer M. A... à l'isolement, survenus le 31 juillet 2016, notamment la circonstance que celui-ci a été identifié comme étant l'instigateur d'un mouvement collectif de désobéissance. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R.57-7-64 du code de procédure pénale : " Lorsqu'une décision d'isolement d'office initial ou de prolongation est envisagée, la personne détenue est informée, par écrit, des motifs invoqués par l'administration, du déroulement de la procédure et du délai dont elle dispose pour préparer ses observations. Le délai dont elle dispose ne peut être inférieur à trois heures à partir du moment où elle est mise en mesure de consulter les éléments de la procédure, en présence de son avocat, si elle en fait la demande. Le chef d'établissement peut décider de ne pas communiquer à la personne détenue et à son avocat les informations ou documents en sa possession qui contiennent des éléments pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes ou des établissements pénitentiaires ".
8. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A... ainsi que son conseil ont disposé d'un délai supérieur à trois heures afin de consulter les éléments du dossier et de présenter des observations préalablement à l'adoption de la décision Si le requérant soutient que certaines pièces n'ont pas été communiquées à son conseil, il ressort des termes mêmes de l'article R. 57-7-64 du code de procédure pénale que certaines pièces contenant des éléments pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes ou de l'établissement peuvent ne pas lui être communiquées.
9. D'autre part, le requérant ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance de la circulaire du 14 avril 2011 relative au placement à l'isolement des personnes détenues, qui ne contient aucune mesure impérative mais se borne à adresser des recommandations aux services.
10. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui fait l'objet d'une surveillance particulière liée à son statut de détenu particulièrement surveillé dès lors qu'il a de nombreux antécédents disciplinaires à son actif, a été identifié comme étant l'un des principaux instigateurs d'un mouvement collectif ayant entrainé un refus de réintégrer leur cellule à l'issue de la promenade de la quasi-totalité des personnes détenues du troisième étage. Il a en outre reconnu l'influence qu'il pouvait exercer sur la population carcérale en arguant qu'il aurait pu à lui seul " bloquer tout Fleury ". Le moyen tiré de l'erreur de fait doit ainsi être écarté.
11. En quatrième lieu, pour le motif développé au point 9 ci-dessus, M. A... ne peut utilement invoquer la circulaire du 14 avril 2011 pour soutenir que l'administration aurait dû s'assurer de l'absence d'autres possibilités d'assurer la sécurité de l'établissement. En outre, les décisions de placer un détenu à l'isolement, soit en urgence et de manière provisoire, soit à titre préventif, prévues par les dispositions précitées, ne constituant pas des sanctions mais des mesures de sûreté, le requérant ne saurait pas plus utilement invoquer le principe de proportionnalité des peines ;
12. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la durée du placement provisoire n'aurait pas été imputée sur la durée totale de l'isolement.
13. En dernier lieu, eu égard à l'indépendance des deux procédures, M. A... ne saurait utilement se prévaloir d'irrégularités qui auraient pu affecter la procédure disciplinaire dont il a fait l'objet.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 22 août 2016 par laquelle le directeur de la maison d'arrêt de Fleury-Merogis a décidé le placement à l'isolement de M. A....
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
15. Le garde des sceaux, ministre de la justice, n'étant pas la partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme que M. A... demande au titre des frais d'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1606122 du 25 janvier 2019 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : La demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée ainsi que ses conclusions d'appel tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 -1 du code de justice administrative.
N° 19VE01049 2