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09/02/2021 | FRANCE | N°18VE01856

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 09 février 2021, 18VE01856


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Europ Auto Jet Inc. a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des prestations qui lui ont été facturées par des sociétés françaises de location de véhicules en 2015.

Par un jugement no 1701516 du 30 janvier 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistré les 29 mai et 28 novembre 2018, la socié

té Europ Auto Jet Inc., représentée par Me Vogel, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler le jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Europ Auto Jet Inc. a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des prestations qui lui ont été facturées par des sociétés françaises de location de véhicules en 2015.

Par un jugement no 1701516 du 30 janvier 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistré les 29 mai et 28 novembre 2018, la société Europ Auto Jet Inc., représentée par Me Vogel, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de prononcer le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée litigieuse ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La requérante soutient que :

- la taxe sur la valeur ajoutée étant déductible pour les véhicules donnés en location en application du 6° du 2 du IV de l'article 206 du code général des impôts, elle l'est également pour les services de toute nature afférents aux véhicules donnés en location, en application du 10° du 2 du IV même article ; les prestations qu'elle a fournies, des opérations de vente en gros de bons de réservation de véhicules, sont accessoires à la location de véhicules de tourisme donnés en location, les contrats de location de véhicules étant au demeurant conclus par des sociétés françaises tierces et non par elle-même ; elles étaient ainsi intégralement admissibles à la déduction, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance qu'en tant que société de droit canadien, elle n'ait pas la qualité d'assujetti en France ;

- son activité n'est pas celle d'un courtier ou d'une agence de voyages relevant du régime de la marge ; en tant que société de droit canadien, elle ne peut être regardée comme un intermédiaire opaque au sens du V de l'article 256 du code général des impôts ;

- contrairement à ce que fait valoir l'administration, elle ne se prévaut pas de la procédure de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'article 242-0 Z quater de l'annexe II au code général des impôts, relative à la taxe sur la valeur ajoutée collectée qui n'est pas en litige ici, et dont elle ne soutient pas qu'elle lui aurait été facturée sur le fondement de l'article 259 du code général des impôts ; en tout état de cause les dispositions combinées des articles 242-0 O 2° et 242-0 Z de l'annexe II au code général des impôts n'excluent pas de la procédure de remboursement qu'elles prévoient les prestations qui relèvent de l'article 259 de ce code.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... ;

- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Europ Auto Jet Inc., établie au Canada, dont la clientèle est composée d'agences de voyages canadiennes, émet des bons en échange desquels les clients de ces agences bénéficient de prestations de location de véhicules de tourisme en France, préalablement réservées auprès de sociétés françaises de location de véhicules. Elle a demandé à l'administration, sur le fondement du V de l'article 271 du code général des impôts, le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle s'est acquittée au titre des prestations qui lui ont été facturées par des sociétés françaises de location de véhicules au cours de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015. Elle relève appel du jugement du 30 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de remboursement.

2. D'une part, aux termes de l'article 259 du code général des impôts : " Le lieu de prestations de services est situé en France : / 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : / a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; / b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis ; / c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle (...) ". Aux termes de l'article 259 A du même code : " Par dérogation à l'article 259, est situé en France le lieu des prestations de services suivantes : / 1° Les locations de moyens de transport : / a) Lorsqu'elles sont de courte durée et que le moyen de transport est effectivement mis à la disposition du preneur en France (...) ". Et aux termes de l'article 256 du même code dans sa version alors applicable : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. II. 1° Est considéré comme livraison d'un bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire. / (...) IV. 1° Les opérations autres que celles qui sont définies au II notamment la cession ou la concession de biens meubles incorporels (...) sont considérées comme des prestations de services (...) / V. L'assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une livraison de bien ou une prestation de services, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien, ou reçu et fourni les services considérés ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / (...) V. Ouvrent droit à déduction dans les mêmes conditions que s'ils étaient soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) d) Les opérations non imposables en France réalisées par des assujettis dans la mesure où elles ouvriraient droit à déduction si leur lieu d'imposition se situait en France. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités et les limites du remboursement de la taxe déductible au titre de ces opérations ; ce décret peut instituer des règles différentes suivant que les assujettis sont domiciliés ou établis dans les Etats membres de la Communauté européenne ou dans d'autres pays. ". Aux termes de l'article 242-0 Z quinquies de l'annexe II à ce code : " Est remboursée aux assujettis établis hors de l'Union européenne la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les services qui leur ont été rendus et les biens meubles qu'ils ont acquis ou importés en France au cours de l'année ou du trimestre prévu à l'article 242-0 Z quater dans la mesure où ces biens et services sont utilisés pour la réalisation ou pour les besoins d'opérations visées à l'article 242-0 N ". Enfin, aux termes de l'article 242-0 N de la même annexe : " Un assujetti non établi en France peut obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens qui lui ont été livrés ou les services qui lui ont été fournis en France par d'autres assujettis ou ayant grevé l'importation de biens en France, dans la mesure où ces biens et services sont utilisés pour les besoins des opérations suivantes : / 1° Les opérations dont le lieu d'imposition se situe hors de France mais qui ouvriraient droit à déduction si ce lieu d'imposition était situé en France. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'un assujetti établi hors de l'Union européenne peut obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'opérations qui auraient été imposables si elles avaient eu lieu en France pour des biens qu'il a acquis ou des services qui lui ont été rendus, dans la mesure où les biens et les services en cause sont utilisés pour les besoins de ces opérations et que les prestations de services et les livraisons de biens correspondantes sont imposables à la taxe sur la valeur ajoutée.

4. Il résulte de l'instruction que la société Europ Auto Jet Inc. réserve, pour le compte d'agences de voyages canadiennes, des locations de véhicules de tourisme destinées aux clients de ces dernières, auprès de loueurs établis en France, après avoir préalablement négocié avec ceux-ci des prix de gros. Il est constant qu'elle règle d'avance les loyers afférents à ces locations, grevés de la taxe sur la valeur ajoutée, qu'elle refacture à sa clientèle d'agences de voyages, en y appliquant une marge correspondant à sa prestation d'intermédiaire, après avoir émis des bons de réservation. Ces bons de réservation permettent aux clients des agences de voyages, lors de leur séjour en France, de récupérer le véhicule loué, la circonstance qu'à cette occasion, ainsi que le mentionnent les bons, les touristes signent avec le loueur concerné un contrat de location ne faisant que formaliser l'accord sur la chose et le prix convenu dans le cadre du mandat confié à la société Europ Auto Jet Inc. Dès lors, les opérations réalisées par la société Europ Auto Jet Inc. ne constituent pas des prestations de location de véhicules automobiles de courte durée passibles de la taxe sur la valeur ajoutée en France en vertu de l'article 259 A du code général des impôts, mais des prestations de service, au sens du 1° du IV de l'article 256 du code général des impôts, dont le prix acquitté par les agences de voyages constitue la contre-valeur. Par ailleurs, la société appelante, qui n'acquiert pas en son nom propre de prestations de locations, ne saurait être regardée comme agissant à l'égard de sa clientèle comme un revendeur de telles prestations assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée en France, en application des dispositions du V de l'article 256 du code général des impôts.

5. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, la société n'acquiert pas de prestations de locations automobiles auprès des loueurs établis en France et les prestations prises auprès de ces derniers doivent être regardées comme des prestations de service, qui sont, en application de l'article 259 du code général des impôts imposables dans le pays du preneur. Par suite, au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors qu'il est constant que la société Europ Auto Jet Inc. n'a en France ni le siège de son activité économique ni un établissement stable, les prestations de services qu'elle a prises sont réputées être situées au Canada où elle a établi son siège. Dans ces conditions, les fournisseurs français de la société requérante ne pouvaient appliquer la taxe sur la valeur ajoutée au prix des prestations servies à cette dernière. La taxe relative à ces prestations ayant été, ainsi, facturée à tort, la société Europ Auto Jet Inc. ne peut en demander le remboursement, une telle demande ne pouvant être présentée que par ses fournisseurs, redevables de cette taxe en vertu des dispositions du 1 de l'article 283 du code général des impôts, à moins que le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée soit impossible ou excessivement difficile, circonstance dont la société requérante ne se prévaut pas.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la substitution de base légale demandée par le ministre, que la société Europ Auto Jet Inc. n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande. Par suite, les conclusions de sa requête, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Europ Auto Jet Inc. est rejetée.

2

N° 18VE01856


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01856
Date de la décision : 09/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Manon HAMEAU
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : VOGEL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-02-09;18ve01856 ?
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