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28/01/2021 | FRANCE | N°19VE01308

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 28 janvier 2021, 19VE01308


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 23 mai 2016 par laquelle, à la demande du mandataire liquidateur de l'association philotechnique de Bois-Colombes (APBC), le ministre chargé du travail a retiré sa décision implicite née le 24 mars 2016, a annulé la décision de l'inspecteur du travail de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine du 25 septembre 2015 refusant d'autoriser son licenciement et a autorisé son licenciement pour motif économique.
>Par un jugement n° 1607077 du 7 février 2019, le Tribunal administratif de Cerg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 23 mai 2016 par laquelle, à la demande du mandataire liquidateur de l'association philotechnique de Bois-Colombes (APBC), le ministre chargé du travail a retiré sa décision implicite née le 24 mars 2016, a annulé la décision de l'inspecteur du travail de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine du 25 septembre 2015 refusant d'autoriser son licenciement et a autorisé son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1607077 du 7 février 2019, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 avril 2019 et des mémoires enregistrés les 8 et 21 décembre 2020, M. C..., représenté par Me E..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et cette décision du 23 mai 2016 ;

2° de condamner l'État à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement

- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que le ministre du travail ne s'est pas prononcé, à tort, sur le non-respect du délai prévu à l'article L. 1232-2 du code du travail ;

S'agissant de la décision du 23 mai 2016 autorisant son licenciement

- elle méconnaît le principe général d'impartialité s'imposant aux autorités administratives dès lors que le signataire, M. B..., a co-écrit un ouvrage avec M. A... qui était son professeur référent au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et qui entretenait une inimitié avec lui ; le tribunal, en refusant d'admettre cette méconnaissance et en lui demandant d'établir l'existence de liens entre MM. A... et B..., a renversé la charge de la preuve ;

- l'employeur puis le mandataire, ont méconnu leur obligation de moyen en matière de reclassement des salariés en instance de licenciement ;

- le liquidateur s'est borné à envoyer une lettre-circulaire ;

- la cessation d'activité de l'APBC n'est pas établie ; à supposer que l'APBC puisse être regardée comme ayant cessé son activité, celle-ci a été reprise par le CNAM ce qui est de nature à faire obstacle à son licenciement en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

- il existe une situation de co-emploi.

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 10 avril 2015, le tribunal de grande instance de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de l'association philotechnique de Bois-Colombes (APBC) avec autorisation de la poursuite de l'activité jusqu'au 10 juillet 2015. Par un courrier daté du 24 juillet 2015, le mandataire liquidateur a sollicité, auprès de l'inspecteur du travail de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine, l'autorisation de licencier M. C..., employé en qualité de professeur de gestion et exerçant des mandats syndicaux, pour un motif économique à raison de la cessation d'activité. Le 25 septembre 2015, l'inspecteur du travail lui a opposé un refus. Par une décision implicite née le 24 mars 2016, le ministre chargé du travail a rejeté le recours hiérarchique formé le 23 novembre 2015 par le mandataire liquidateur de l'APBC. Par une décision en date du 23 mai 2016, le ministre a retiré sa décision implicite du 24 mars 2016, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 25 septembre 2015 et a autorisé le licenciement économique de M. C.... Par un jugement n° 1607077 rendu le 7 février 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 23 mai 2016. M. C... en relève appel.

Sur la régularité du jugement :

2. M. C... soutient que les premiers juges auraient omis de répondre au moyen tiré de ce que le ministre chargé du travail ne s'est pas prononcé, à tort, sur le non-respect du délai prévu à l'article L. 1232-2 du code du travail. Il ressort toutefois de l'examen du jugement attaqué, et notamment de son point 5., que les premiers juges ont répondu à ce moyen. Par suite, il conviendra d'écarter le moyen susanalysé comme manquant en fait.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 23 mai 2016 :

3. En premier lieu, M. C... reprend en appel et sans élément nouveau, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse méconnaîtrait le principe général d'impartialité s'imposant aux autorités administratives dès lors que le signataire, M. B..., a co-écrit un ouvrage avec M. A... qui était son professeur référent au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et qui entretenait une inimitié avec lui. Dans ces conditions, l'intéressé, sur qui repose la charge de présenter des éléments objectifs relatifs à la partialité alléguée, ne produit aucun élément permettant de remettre en cause l'appréciation motivée portée par les premiers juges qui n'ont pas inversé la charge de la preuve. Ceux-ci ont notamment relevé, d'une part, que si l'auteur de l'acte litigieux et le professeur référent de l'intéressé au sein du CNAM, ont co-rédigé un ouvrage juridique paru en avril 2002, cette circonstance ponctuelle et ancienne, ne saurait constituer à elle seule un élément établissant l'existence d'un parti pris de M. B... contre M. C... au moment où il a pris la décision litigieuse. Partant, la co-rédaction ponctuelle de cet ouvrage paru en 2002 n'est donc pas de nature à jeter un doute sur le caractère objectif et impartial de la décision du 23 mai 2016. Par ailleurs, le requérant n'a pas fait valoir cet élément lors de l'instruction du recours hiérarchique introduit par le mandataire et ce, en dépit de l'envoi d'un courrier qui l'informait de l'identité de l'auteur de l'acte, à savoir M. B..., et l'invitait à présenter ses observations. Par suite, il conviendra d'écarter les moyens susanalysés par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif aux points 7. et 8. du jugement attaqué.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa version alors applicable : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. ".

5. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié. Le juge peut, pour s'assurer du respect de l'obligation de reclassement par l'employeur, tenir compte de l'ensemble des circonstances de fait, notamment du fait que des recherches postérieures révèlent l'absence de reclassement possible dans le groupe à la date de la décision de l'inspecteur du travail.

6. M. C... reprend en appel le moyen tiré de ce que leur employeur ne peut être regardé comme ayant satisfait à son obligation de reclassement.

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. Jean-Marie Gallois, président de l'APBC, a adressé un courrier daté du 2 juin 2015 à l'administrateur général du CNAM et au président de l'ARCNAM, dont l'objet était " maintien dans leur emploi des salariés dédiés aux formations CNAM / reclassement des salariés dédiés aux formations Philotechnique ", qui rappelle que l'APBC est en redressement judiciaire et comprend en annexe la " liste des salariés dédiés au CNAM pour l'année universitaire 2014/2015 " ainsi que la " liste des salariés dédiés à la Philotechnique ". D'autre part, par une lettre datée du 10 juillet 2015, date de cessation d'activité de l'APBC, le mandataire liquidateur a informé le CNAM, l'ARCNAM et quinze autres organismes publics et privés, de la liquidation de l'association et de la suppression de l'intégralité de ses 14 postes salariés, a visé l'article L. 1233-4 du code du travail, a mentionné que " le licenciement pour motif économique des salariés ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé (...) ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise " et leur a demandé " vous voudrez bien me communiquer les offres de poste disponibles, en mentionnant pour chacun d'eux toutes informations utiles ". Cette lettre comprenait en annexe un formulaire intitulé " fiche de proposition de poste " et deux petits tableaux indiquant la répartition non nominative des 14 salariés par tranche d'âge, par ancienneté et par catégorie professionnelle. Si cette lettre du 10 juillet 2015 ne précise ni l'identité ni les compétences des salariés et a été adressée tant aux sociétés du groupe, qu'en externe, il ressort des pièces du dossier que les organismes consultés et en particulier, l'ARCNAM et le CNAM, sociétés du groupe, ont répondu par courrier du 18 juin 2015 et du 3 novembre 2015 qu'aucun poste n'était vacant, et que tous les postes d'enseignants étaient pourvus. Dans ces conditions, le moyen susanalysé doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1224-1 du code du travail : " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ".

9. Lorsque la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, il appartient à l'autorité administrative de contrôler que cette cessation d'activité est totale et définitive. Il ne lui appartient pas, en revanche, de contrôler si cette cessation d'activité est justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise. Il incombe ainsi à l'autorité administrative de tenir compte, à la date à laquelle elle se prononce, de tous les éléments de droit ou de fait recueillis lors de son enquête qui sont susceptibles de remettre en cause le caractère total et définitif de la cessation d'activité. Il lui incombe également de tenir compte de toute autre circonstance qui serait de nature à faire obstacle au licenciement envisagé, notamment celle tenant à une reprise, même partielle, de l'activité de l'entreprise impliquant un transfert du contrat de travail du salarié à un nouvel employeur en application de l'article L. 1224-1 du code du travail. Lorsque l'entreprise appartient à un groupe, la seule circonstance que d'autres entreprises du groupe aient poursuivi une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité de l'entreprise soit regardée comme totale et définitive.

10. M. C... reprend en appel le moyen tiré de ce que la cessation d'activité de l'APBC, motif de son licenciement économique, n'est pas établie et que l'activité de l'APBC a été reprise par le CNAM, ce qui est de nature à faire obstacle à son licenciement en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail.

11. Toutefois si le CNAM et l'ARCNAM Ile-de-France ont décidé de créer le 15 juin 2016, soit plus de onze mois après la liquidation de l'APBC, deux nouveaux centres à Nanterre et Levallois-Perret dans le nord du département des Hauts-de-Seine, à proximité immédiate des anciens centres dont l'APBC avait la direction, cette circonstance n'est pas de nature à fonder les allégations de maintien de l'activité de l'association APBC dans la mesure où celle-ci a totalement cessé en juillet 2015 après sa liquidation. Par suite, il convient d'écarter le moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif aux points 17., 18. et 19. du jugement attaqué.

12. Enfin, le requérant fait valoir qu'il se trouvait en situation de co-emploi avec le CNAM, il ne l'établit pas par les pièces produites. Il ressort au contraire des pièces du dossier, en particulier du courrier du 25 juin 2015 de l'administrateur général du CNAM, que " les salariés de cette structure de droit privé n'ont jamais été liés, directement ou indirectement, au CNAM (...) par un contrat de droit public, ni même soumis à un quelconque lien de subordination. ", ainsi que du courrier du 18 juin 2015 du président de de l'ARCNAM Ile-de-France, que " à aucun moment l'ARCNAM n'est intervenue dans la relation de travail des salariés et encore moins pour exercer des prérogatives d'employeur ". Ce moyen doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement n° 1607077 du 7 février 2019 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

N° 19VE01308 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01308
Date de la décision : 28/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : Mme ORIO
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : SELARL ROCHE BOUSQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-01-28;19ve01308 ?
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