Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Marken Trading a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge de la taxe foncière et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010.
Par une ordonnance n° 1810050 du 10 octobre 2018, le tribunal administratif de
Cergy-Pontoise a rejeté la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2018, un mémoire complémentaire, enregistré le 22 juillet 2019 et des pièces enregistrées le 24 juillet 2019, la SAS Marken Trading, représentée par Me Poupet, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler l'ordonnance attaquée ;
2° de prononcer la réduction à hauteur de la somme de 36 932 euros de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SAS Marken Trading soutient que :
- la requête n'était pas tardive car en l'absence de réponse expresse de rejet opposée à sa réclamation du 29 septembre 2011, les voies et délais de recours des articles R. 198-10 et R. 199-1 du livre des procédures fiscales ne lui étaient pas opposables, la jurisprudence
Czabaj du 13 juillet 2016 du Conseil d'Etat statuant au contentieux ne s'appliquant pas au contentieux fiscal ;
- elle a été taxée deux fois sur la valeur ajoutée qu'elle a générée en 2009, une première fois au titre de la cotisation minimale de taxe professionnelle relative à l'année 2009 et une seconde fois au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises 2010 assise sur l'exercice de 18 mois qui a couvert la période allant du 1er janvier 2009 au 30 juin 2010. C'est dès lors à juste titre qu'elle a demandé la restitution du trop-versé de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 pour corriger la double taxation.
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Vu les autres pièces du dossier, y compris celles visées par l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles le 19 mai 2020 ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hameau, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Marken Trading exerce une activité d'import-export pour laquelle elle a été imposé à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) au titre de l'année 2010, pour un montant de 59 010 euros. Le 29 septembre 2011, elle a demandé la restitution partielle des droits de CVAE dont elle s'était acquittée au titre de l'année 2010 à hauteur de la somme de 36 932 euros, au motif que la valeur ajoutée qui la composait avait déjà été partiellement retenue dans la détermination de la cotisation minimale de taxe professionnelle (CMTP) dont elle s'était acquittée au titre de l'année 2009. En l'absence de réponse, la SAS Marken Trading a saisi le tribunal administratif de Versailles par une requête introductive d'instance enregistrée le 6 septembre 2018, transmise au tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui l'a rejetée comme manifestement irrecevable par une ordonnance n° 1810050 du 10 octobre 2018. La société fait appel de cette ordonnance et demande la restitution de la somme de 36 932 euros dont elle estime s'être indûment acquittée au titre de l'année 2010.
Sur la régularité de l'ordonnance :
2. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande présentée par la société Marken Trading au motif qu'elle était tardive, comme ayant été présentée près de huit années après l'introduction, le 29 septembre 2011, de sa réclamation devant l'administration fiscale, laquelle a été implicitement rejetée à l'expiration du délai de six mois prévu par l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales. Toutefois si, en cas de silence gardé par l'administration sur la réclamation, le contribuable peut soumettre le litige au tribunal administratif à l'issue d'un délai de six mois, aucun délai de recours contentieux ne peut courir à son encontre, tant qu'une décision expresse de rejet de sa réclamation ne lui a pas été régulièrement notifiée. Tel n'a pas été le cas en l'espèce.
3. Par suite, c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi. Son ordonnance n° 1810050 du 10 octobre 2018 doit, dès lors, être annulée.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SAS Marken Trading devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Sur la demande de restitution partielle de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises acquittée au titre de l'année 2010 :
5. Aux termes de l'article 1647 E du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " I.- La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7 600 000 euros est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie au II de l'article 1647 B sexies. Le chiffre d'affaires et la valeur ajoutée à prendre en compte sont ceux de l'exercice de douze mois clos pendant l'année d'imposition ou, à défaut d'un tel exercice, ceux de l'année d'imposition. / II.- Les entreprises mentionnées au I sont soumises à une cotisation minimale de taxe professionnelle. Cette cotisation est égale à la différence entre l'imposition minimale résultant du I et la cotisation de taxe professionnelle déterminée selon les règles définies au III. / La cotisation minimale de taxe professionnelle est une recette du budget général de l'Etat. / III. Pour l'application du II, la cotisation de taxe professionnelle est déterminée conformément aux dispositions du I bis de l'article 1647 B sexies. Elle est majorée du montant de cotisation prévu à l'article 1647 D. Elle est également augmentée du montant de cotisation correspondant aux exonérations temporaires appliquées à l'entreprise ainsi que de celui correspondant aux abattements et exonérations permanents accordés à l'entreprise sur délibération des collectivités locales (...) ". Aux termes de l'article 1586 ter du code général des impôts entré en vigueur au 1er janvier 2010 : " I. - Les personnes physiques ou morales ainsi que les sociétés non dotées de la personnalité morale qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 euros sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. /(...) / II. - 1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies. / Pour la détermination de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, on retient la valeur ajoutée produite et le chiffre d'affaires réalisé au cours de la période mentionnée à l'article 1586 quinquies (...). / 2. La fraction de la valeur ajoutée mentionnée au 1 est obtenue en multipliant cette valeur ajoutée par un taux égal à 1,5 %./(...) ". Enfin, l'article 1586 quinquies en vigueur à la même date prévoyait que : " I. - 1. Sous réserve des 2, 3 et 4, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est déterminée en fonction du chiffre d'affaires réalisé et de la valeur ajoutée produite au cours de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. / 2. Si l'exercice clos au cours de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie est d'une durée de plus ou de moins de douze mois, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est établie à partir du chiffre d'affaires réalisé et de la valeur ajoutée produite au cours de cet exercice. / (...) / 5. Dans les situations mentionnées aux 1 à 4, il n'est pas tenu compte de la fraction d'exercice clos qui se rapporte à une période retenue pour l'établissement de l'impôt dû au titre d'une ou de plusieurs années précédant celle de l'imposition. (...). "
6. L'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales prévoit que : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement. "
7. En premier lieu, il est constant que la société s'est, dans un premier temps, acquittée au titre de l'année 2009 de la cotisation de taxe professionnelle prévue par les dispositions de l'article 1647 E du code général des impôts en payant, d'une part, sa cotisation de référence d'un montant de 39 901 euros, puis d'autre part, sa cotisation minimale de taxe professionnelle d'un montant de 13 965 euros. Il est également constant que la société s'est, dans un second temps, acquittée au titre de l'année 2010 de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises prévue par les dispositions précitées de l'article 1586 ter du CGI, dont le montant s'est élevé à 59 010 euros. Or la clôture de l'exercice comptable de la requérante intervenant, à partir de 2010, non plus le 31 décembre mais le 30 juin, elle n'a exceptionnellement clôturé aucun exercice le 31 décembre 2009. La valeur ajoutée qu'elle a déclarée pour le calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont elle s'est acquittée au titre de l'année 2010 est ainsi celle de toute la période du 1er janvier 2009 au 30 juin 2010, au lieu de se limiter à celle du 1er janvier au 30 juin 2010 comme le prévoient les dispositions précitées du 5 de l'article 1586 ter du CGI, de telle sorte que la valeur ajoutée générée par son activité en 2009 a été taxée deux fois, la première fois au titre de la cotisation minimale de taxe professionnelle et la seconde au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. La société est par suite fondée à demander la restitution de la cotisation versée en double.
8. En second lieu, il résulte tant des écritures et des mentions de la déclaration rectificative n°1329-DEF dont elle fournit la copie que la société a fait une déclaration initiale de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises couvrant la période allant du 1er janvier 2009 au 30 juin 2010 dont il a résulté qu'elle devait s'acquitter de la somme de 72 493 euros. Elle s'est acquittée d'un acompte de 59 010 euros pour le paiement de cette somme. S'étant ensuite rendu compte de la double taxation de la valeur ajoutée qu'elle a générée en 2009, elle a effectué une déclaration rectificative n°1329-DEF dans laquelle elle n'a plus déclaré que la valeur ajoutée générée par son activité du premier semestre 2010. Il a résulté de cette nouvelle déclaration que la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont elle devait s'acquitter au titre de 2010 ne s'élevait plus qu'à 22 078 euros. Il résulte des termes mêmes de la déclaration rectificative de la société que cette dernière somme est le produit de la valeur ajoutée générée par l'activité de la société en 2010, soit 1 572 618 euros, et du coefficient de 1,39% applicable à cette somme d'après les termes mêmes du formulaire, soit 21 859 euros, auxquels sont venus s'ajouter
219 euros de frais de gestion afférents. La somme de 36 932 euros correspondant ainsi à la différence entre la somme de 59 010 euros que la société avait déjà payée sous forme d'acompte et celle de 22 078 euros dont il résultait de sa déclaration rectificative qu'elle devait s'acquitter. En l'absence de toute critique émise par l'administration sur ces éléments de calcul, la société doit être regardée comme fournissant les éléments de nature à justifier le montant de la somme dont elle est fondée à demander la restitution.
9. Il résulte de ce qui précède que la SAS Marken Trading est fondée à demander la réduction à hauteur de la somme de 36 932 euros de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SAS Marken Trading en application des dispositions de l'article L.761-1.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 10 octobre 2018 est annulée.
Article 2 : La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à laquelle la SAS Marken Trading a été assujettie au titre de l'année 2010 est réduite à hauteur de la somme de 36 932 euros.
Article 3 : L'Etat versera à la SAS Marken Trading une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N°18VE04118