La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/12/2020 | FRANCE | N°18VE04201

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 31 décembre 2020, 18VE04201


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé tribunal administratif de Cergy-Pontoise, en premier lieu, d'annuler la décision par laquelle le gouverneur de la Banque de France a implicitement rejeté sa demande du 9 septembre 2015 tendant à l'annulation de la décision relative à sa mise à la retraite au 1er janvier 2016 et à ce qu'il soit maintenu en activité jusqu'au 1er avril 2017, en application de la limite d'âge de droit commun de soixante-sept ans introduite par l'article 1er, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-

697 du 7 mai 2012, du décret n° 68-299 du

29 mars 1968 portant modificati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé tribunal administratif de Cergy-Pontoise, en premier lieu, d'annuler la décision par laquelle le gouverneur de la Banque de France a implicitement rejeté sa demande du 9 septembre 2015 tendant à l'annulation de la décision relative à sa mise à la retraite au 1er janvier 2016 et à ce qu'il soit maintenu en activité jusqu'au 1er avril 2017, en application de la limite d'âge de droit commun de soixante-sept ans introduite par l'article 1er, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-697 du 7 mai 2012, du décret n° 68-299 du

29 mars 1968 portant modification des limites d'âge du personnel de la Banque de France, applicable aux agents partants en retraite à compter du 1er janvier 2016 ou, à titre subsidiaire, de le maintenir en activité jusqu'au 1er avril 2016, date à laquelle il bénéficiera du taux plein de sa pension, en deuxième lieu, d'annuler la décision par laquelle le gouverneur de la Banque de France a implicitement rejeté sa demande du 16 décembre 2015 tendant à ce que lui soient communiqués les motifs de la décision de rejet de sa demande du 9 septembre 2015, et en dernier lieu, d'enjoindre au gouverneur de la Banque de France de le maintenir en activité jusqu'au 1er avril 2017, en application de la limite d'âge de droit commun de soixante-sept ans introduite par l'article 1er, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-697 du 7 mai 2012, du décret n° 68-299 du 29 mars 1968 portant modification des limites d'âge du personnel de la Banque de France, et applicable aux agents partants en retraite à compter du 1er janvier 2016 ou, à titre subsidiaire, de le maintenir en activité jusqu'au 1er avril 2016, date à laquelle il bénéficiera du taux plein de sa pension.

Par un jugement n° 1600155 du 4 octobre 2018, le tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2018, M. B..., représenté par Me Renard, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler la décision par laquelle le gouverneur de la Banque de France a implicitement rejeté sa demande du 9 septembre 2015 tendant à l'annulation de la décision relative à sa mise à la retraite au 1er janvier 2016 et à ce qu'il soit maintenu en activité jusqu'au 1er avril 2017, en application de la limite d'âge de droit commun de soixante-sept ans introduite par l'article 1er, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-697 du 7 mai 2012, du décret

n° 68-299 du 29 mars 1968 portant modification des limites d'âge du personnel de la Banque de France, applicable aux agents partants en retraite à compter du 1er janvier 2016 ou, à titre subsidiaire, de le maintenir en activité jusqu'au 1er avril 2016, date à laquelle il bénéficiera du taux plein de sa pension ;

3° d'annuler la décision par laquelle le gouverneur de la Banque de France a implicitement rejeté sa demande du 16 décembre 2015 tendant à ce que lui soient communiqués les motifs de la décision de rejet de sa demande du 9 septembre 2015 ;

4° d'enjoindre au gouverneur de la Banque de France de le maintenir en activité jusqu'au 1er avril 2017, en application de la limite d'âge de droit commun de soixante-sept ans introduite par l'article 1er, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-697 du 7 mai 2012, du décret n° 68-299 du 29 mars 1968 portant modification des limites d'âge du personnel de la Banque de France, et applicable aux agents partants en retraite à compter du 1er janvier 2016 ou, à titre subsidiaire, de le maintenir en activité jusqu'au 1er avril 2016, date à laquelle il bénéficiera du taux plein de sa pension ;

5° de mettre à la charge de la Banque de France la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas examiné un moyen de la demande et qu'il ne répond pas de manière suffisamment motivé à l'argumentation développée ;

- le jugement est irrégulier pour avoir rejeté comme irrecevables ses conclusions tendant à l'annulation du refus implicite de communication des motifs de la décision implicite de rejet de sa demande du 9 septembre 2015 ;

-il est également irrégulier en ce qu'il repose sur une erreur de droit et une erreur de fait ;

- la décision implicite de rejet du 9 décembre 2015 est illégale dans la mesure où il n'a pas reçu le courrier du 14 janvier 2016 de communication des motifs de la décision implicite née du silence gardé sur sa demande du 9 septembre 2015 ;

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation, laquelle est générale et imprécise ;

- cette décision, qui implique sa mise à la retraite avant le 1er avril 2017, ou à titre subsidiaire avant le 1er avril 2016, méconnait l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la directive européenne 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, en particulier ses articles 1, 2§5, 4§1 et 6§1 interdisant toute discrimination en fonction de l'âge.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,

- et les observations de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., alors directeur de la succursale de Cergy-Pontoise de la Banque de France, a saisi le 9 septembre 2015, le gouverneur de la Banque de France d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision portant sa mise à la retraite en application de l'article 242-1 du statut du personnel, à compter du 1er janvier 2016 et, d'autre part, à ce que cette date soit reportée au 1er avril 2017, par application de la limite d'âge de droit commun fixée à soixante-sept ans en application de l'article 1er du décret n° 68-299 du 29 mars 1968 modifié par l'article 1er du décret n° 2012-697 du 7 mai 2012, ou à titre subsidiaire, au 1er avril 2016, date à laquelle il bénéficierait d'une retraite à taux plein. Cette demande étant restée sans réponse, M. B... a saisi, par courrier du 16 décembre 2015, la même autorité d'une demande de communication des motifs de la décision implicite de refus opposée à sa demande. Par la requête susvisée, M. B... fait appel du jugement du 4 octobre 2018, par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux décisions rejetant implicitement ses demandes du 9 septembre 2015 et du 16 décembre 2015.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement attaqué a été notifié à M. B... le 19 octobre 2018. Le délai de deux mois dont le requérant disposait à compter de cette notification pour faire appel dudit jugement n'était pas expiré le 18 décembre 2018, date à laquelle son appel a été enregistré au greffe de la présente cour administrative d'appel. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la Banque de France et tirée de la tardiveté de l'appel formé par M. B... ne peut qu'être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". M. B... soutient que le jugement attaqué ne répond pas à son argumentation selon laquelle, la politique de mise à la retraite d'office mise en oeuvre par la Banque de France ne favorise nullement l'emploi. Toutefois, il résulte des motifs mêmes de ce jugement, en particulier de ses points 8. à 11., que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par l'intéressé, a suffisamment précisé les raisons pour lesquelles les dispositions du statut des personnels de la Banque de France qui fixent progressivement une limite d'âge de soixante-sept ans pour le départ à la retraite des agents titulaires revêtent un caractère approprié et nécessaire et ne sont, par suite, pas incompatibles notamment avec les objectifs de la directive du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. Dans ces conditions, le moyen tiré d'une omission à statuer ou d'un défaut de motivation du jugement doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, applicable au litige : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". L'article 5 de la même loi dispose : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. (...) ".

6. Pour rejeter comme irrecevables les conclusions de la demande présentées par M. B... tendant à l'annulation d'une décision implicite de rejet de la demande formée par courrier du 16 décembre 2015 visant à obtenir de la Banque de France la communication des motifs de la décision implicite de rejet née du silence gardé sur sa demande du 9 septembre 2015, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a estimé qu'une telle décision était inexistante dans la mesure où l'adjoint au directeur général des ressources humaines de cet établissement avait répondu à cette demande par lettre du 14 janvier 2016 adressée à M. B..., soit dans le délai d'un mois prévu par l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée. Cependant, le requérant conteste, pour la première fois en appel, avoir reçu la réponse du 14 janvier 2016, sans que la Banque de France ne justifie avoir transmis à l'intéressé ce courrier dans le délai d'un mois prévu par les dispositions précitées de l'article 5 de loi du 11 juillet 1979. Toutefois, le silence gardé par l'administration sur une demande de communication des motifs d'une décision implicite de rejet n'a pas pour effet de faire naître une nouvelle décision implicite de rejet détachable de la première et pouvant faire elle-même l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, mais permet seulement à l'intéressé de se pourvoir sans condition de délai contre la décision implicite initiale qui, en l'absence de communication de ses motifs, se trouve entachée d'illégalité. Dans ces conditions, les conclusions de M. B... tendant à l'annulation d'une décision implicite de rejet de sa demande de communication de motifs du 16 décembre 2015 sont irrecevables pour ce motif, et il y a lieu de substituer ce motif d'irrecevabilité à celui initialement retenu à tort par les premiers juges.

7. En troisième lieu, les moyens tirés de ce que le jugement serait entaché d'erreurs de droit et de fait se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par les premiers juges et sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

Sur la légalité de la décision implicite de rejet de la demande du 9 septembre 2015 :

8. M. B... a présenté, le 9 septembre 2015, une demande de report de sa date de départ à la retraite du 1er avril 2016 au 1er avril 2017 afin de bénéficier de la limite d'âge de droit commun. Contrairement à ce que fait valoir la Banque de France, le silence de cette dernière a fait naître une décision implicite de rejet de la demande, le 10 novembre 2015, soit avant le recours exercé par M. B.... La décision statuant sur la demande d'un agent de report de limite d'âge de départ à la retraite figure au nombre des décisions administratives devant être motivées en vertu des dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979. Ainsi qu'il a été dit, le requérant a sollicité la communication des motifs de cette décision par lettre recommandée du 16 décembre 2015. Or, il ressort des écritures de l'administration que cette dernière a bien reçu ce courrier et qu'elle admet avoir eu jusqu'au 16 janvier 2016 pour y répondre, sans toutefois justifier, notamment par la production d'un accusé de réception, avoir transmis le courrier de réponse daté du 14 janvier 2016 dans le délai d'un mois prévu par les dispositions précitées de l'article 5 de loi du 11 juillet 1979, alors que M. B... conteste avoir reçu ce document. Dans ces conditions, la décision implicite de rejet née le 10 novembre 2015 est entachée d'illégalité pour défaut de communication de ses motifs dans le délai d'un mois et doit, pour ce motif, être annulée.

9. En revanche, aucun des autres moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

10. Il résulte de ce qui précède, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

12. Eu égard au seul motif d'annulation retenu, le présent arrêt n'implique pas nécessairement le report de la date de mise à la retraite de M. B.... Par suite, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit enjoint à la Banque de France de maintenir en activité l'intéressé jusqu'au 1er avril 2017, ou, à défaut, jusqu'au 1er avril 2016, doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme demandée par la Banque de France en

application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu en revanche, compte tenu des circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Banque de France le versement d'une somme de 2 000 euros à M. B..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1600155 du 4 octobre 2018 du tribunal administratif de

Cergy-Pontoise, la décision implicite de rejet née du silence gardé par la Banque de France sur la demande présentée par M. B... le 9 septembre 2015 sont annulés.

Article 2 : La Banque de France versera à M. B... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la Banque de France sont rejetées.

N° 18VE04201 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE04201
Date de la décision : 31/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Mise à la retraite sur demande.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Congé spécial.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : RENARD

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-31;18ve04201 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award