Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Sarl Hyper 10 a demandé au tribunal administratif de Lille la restitution des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 octobre 2008, 2009 et 2010, pour un montant total de 3 702 euros, avec intérêts moratoires, la restitution des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er novembre 2007 au 31 octobre 2010, pour un montant total de 12 648 euros, avec intérêts moratoires, la restitution des intérêts de retard et pénalités pour manquement délibéré auxquels elle a été assujettie, pour des montants de 1 703 euros et
6 540 euros, avec intérêts moratoires.
Par une ordonnance du 25 février 2018, le président de la Section du contentieux du Conseil d'État a, sur le fondement des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, attribué cette demande au tribunal administratif de Montreuil.
Par un jugement n° 1645491 du 16 juillet 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 septembre 2018, et un mémoire en réplique, enregistré le 22 mars 2019, la Sarl Hyper 10, représentée par Me Courtois, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler l'article 1er de ce jugement ;
2° d'ordonner la restitution des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 octobre 2008, 2009 et 2010, pour un montant total de 3 702 euros, avec intérêts moratoires, la restitution des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er novembre 2007 au
31 octobre 2010, pour un montant total de 12 648 euros, avec intérêts moratoires, la restitution des intérêts de retard et pénalités pour manquement délibéré auxquels elle a été assujettie, pour des montants respectifs de 1 703 euros et 6 540 euros, avec intérêts moratoires ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les charges en litige ont été engagées dans son intérêt et non celui de ses associés et sont donc déductibles ; en admettant la déduction de certaines charges, le service a reconnu qu'elle exploite une activité forestière, ce qui implique la déduction de l'ensemble des charges afférentes ; cette activité de long terme implique un décalage entre l'engagement des charges et la réalisation de produits ; par ailleurs, la proximité de la résidence des associés est sans incidence ; l'existence d'une activité d'exploitation forestière, conforme à son objet social, et la volonté de la mettre en oeuvre dès le début du bail sont démontrées ;
- les rectifications étant sans fondement, les pénalités le sont également ;
- le caractère délibéré du manquement fait défaut.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,
- et les observations de Me Courtois, avocat, pour la Sarl Hyper 10.
Considérant ce qui suit :
1. La Sarl Hyper 10 a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à la suite de laquelle elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 octobre 2007, 2008 et 2009 et des rappels de taxe sur la valeur au titre de la période du 1er novembre 2007 au 31 octobre 2010. Par la requête susvisée, la Sarl Hyper 10 fait appel du jugement du 16 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rehaussements.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
2. D'une part, en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services. Dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance. Si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération.
3. D'autre part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis.
4. Pour justifier le principe de la déductibilité des charges, dont la déduction a été remise en cause par l'administration au vu des factures qui lui ont été produites, lesquelles portent sur des achats de matériel et fournitures réalisés du 1er novembre 2007 au
31 octobre 2010, la Sarl Hyper 10 soutient que ces dépenses ont été réalisées dans le cadre de la fabrication et la commercialisation de plaquettes forestières, conformément à l'objet social résultant de la modification de ses statuts suivant l'assemblée générale extraordinaire du 15 septembre 2008 et portant sur tous travaux agricoles et forestiers. Toutefois, l'administration fait valoir que seules deux ventes d'herbe ont été réalisées durant la période contrôlée, pour des montants de 2 300 et 500 euros hors taxes, que les frais engagés, d'un montant nettement supérieur, étaient sans rapport avec ces ventes, et qu'aucune autre opération forestière n'a été réalisée. En outre, certaines de ces charges sont justifiées par des factures dont la régularité formelle est remise en cause ou dont il ressort que les frais ont été acquittés pour la réalisation de travaux d'agrément sur la partie du terrain donné en location à la Sarl Hyper 10 par la Sci Solarim mais correspondant alors à la résidence secondaire du gérant de ces deux sociétés, au nom de qui certaines factures ont d'ailleurs été libellées. Sur ces différents points, la Sarl
Hyper 10 n'apporte aucun élément ou précision de nature à attester que les frais engagés l'ont été au soutien de son activité forestière, et non pour des travaux réalisés dans l'intérêt personnel de ses associés.
5. Cependant, ainsi que le soutient la société requérante, l'activité d'exploitation forestière s'inscrit dans un terme long. Dans ces conditions, et dès lors qu'elles sont manifestement conformes à l'objet social, à raison duquel l'administration a d'ailleurs admis au cours de la procédure de contrôle des dépenses d'assurance et de loyer, et que leur régularité n'est pas remise en cause par l'administration, les factures recensées dans les tableaux établis par l'administration et correspondant à l'étude de travaux de reboisement pour une surface de sept hectares, d'un montant de 586,04 euros et à des protections contre le gibier, pour un montant
de 3 311,43 euros, au titre de l'exercice clos au 31 octobre 2009, et au suivi du boisement, pour des montants respectifs de 795,34 euros et 816,27 euros, au titre de l'exercice clos au
31 octobre 2010, attestent de l'engagement effectif de charges déductibles en lien avec l'objet social. Dans ces conditions, la Sarl Hyper 10 est seulement fondée à demander que ses bases imposables à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée soient réduites à hauteur
de 3 897,47 euros au titre de l'exercice clos le 31 octobre 2009 et de la période correspondante et à hauteur de 1 611,61 euros au titre de l'exercice clos le 31 octobre 2010 et de la période correspondante et à demander dans cette mesure, la décharge en droits et pénalités des rehaussements mis à sa charge.
Sur les pénalités :
6. Aux termes de l'article 1729 : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".
7. L'administration fait valoir que la Sarl Hyper 10 ne pouvait ignorer le caractère privé des dépenses engagées, sans rapport avec son objet social, et le caractère irrégulier en la forme des factures produites, pour lesquelles la société a également déduit la taxe sur la valeur ajoutée. Au vu de ces éléments, l'administration établit l'intention de la société intéressée d'éluder l'impôt pour les factures non admises en déduction. Par suite, la société requérante n'est fondée ni à soutenir que les pénalités doivent être déchargées par voie de conséquence du mal fondé des redressements en base, sous réserve de la réduction des bases imposables découlant du point 5. ci-dessus, ni à soutenir que son intention d'éluder l'impôt ne serait pas établie.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la Sarl Hyper 10 n'est fondée à demander la réformation du jugement attaqué que dans la mesure des réductions de bases imposables à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée découlant du point 5. ci-dessus.
Sur les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires :
9. Aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'en cas de remboursements effectués en raison de dégrèvements d'impôt prononcés par un tribunal, les intérêts moratoires dus au contribuable sont, conformément aux dispositions de l'article R. 208-1 du même livre, " payés d'office en même temps que les sommes remboursées au contribuable par le comptable chargé du recouvrement des impôts ". La Sarl Hyper 10 ne fait état d'aucun litige né et actuel avec le comptable compétent pour procéder au paiement des intérêts dus sur le fondement de ces dispositions. Dès lors, ses conclusions tendant au paiement de ces intérêts sont sans objet et, par suite, irrecevables.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à la Sarl Hyper 10 de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée de la Sarl Hyper 10 sont réduites dans la mesure indiquée au point 5. du présent arrêt.
Article 2 : La Sarl Hyper 10 est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts de retard et pénalités correspondant mis à sa charge au titre des exercices clos les 31 octobre 2009 et 2010 et des périodes correspondantes à proportion de la réduction de la base d'imposition décidée à
l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : L'Etat versera à la Sarl Hyper 10 la somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la Sarl Hyper 10 est rejeté.
Article 5 : Le jugement n° 1645491 du tribunal administratif de Montreuil du 16 juillet 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
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N° 18VE03187