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29/12/2020 | FRANCE | N°18VE03112

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 29 décembre 2020, 18VE03112


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 18 février 2016 par lequel le maire de la commune d'Itteville lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions durant deux ans, de condamner la commune d'Itteville à lui verser une somme de 31 200 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis à cause de la décision du 6 décembre 2010, assortie des intérêts à taux légal à compter du 24 décembre 2015, enfin, de mettre à la charge de la

commune d'Itteville une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'arti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 18 février 2016 par lequel le maire de la commune d'Itteville lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions durant deux ans, de condamner la commune d'Itteville à lui verser une somme de 31 200 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis à cause de la décision du 6 décembre 2010, assortie des intérêts à taux légal à compter du 24 décembre 2015, enfin, de mettre à la charge de la commune d'Itteville une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1603174,1603208 du 4 juillet 2018, le tribunal administratif de Versailles a partiellement fait droit aux conclusions de M. E... en tant qu'il a condamné la commune d'Itteville à lui verser les intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 31 200 euros à compter du 11 février 2016 et jusqu'au 13 mai 2016, a prononcé un non-lieu à statuer sur ses conclusions indemnitaires et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 septembre 2018, M. E..., représenté par Me D..., puis par Me A..., avocats, demande à la cour :

1° d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 février 2016 portant exclusion temporaire de fonctions pour deux ans ;

2° d'annuler ce jugement, en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de cette sanction disciplinaire ;

3° de condamner la commune d'Itteville à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il ne soulevait aucun moyen tiré de l'erreur d'appréciation de l'administration dans le choix de la sanction retenue ;

- la sanction du 18 février 2016 est tardive en tant qu'elle a été prise près de trois ans après l'annulation de la précédente sanction ;

- elle méconnaît en outre le principe non bis in idem en tant qu'il a été sanctionné deux fois pour les mêmes faits et alors que les conséquences de l'annulation de la première sanction n'avaient pas encore été tirées, en particulier en ce qui concerne la reconstitution de sa carrière et le calcul de sa retraite ;

- la décision du 18 février 2016 est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

.....................................................................................................

Vu :

- le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 1200422 du 8 octobre 2013 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., substituant Me Lonqueue, avocat, pour la commune d'Itteville.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... E... est adjoint technique territorial de 2ème classe au sein des services de la commune d'Itteville, grade dans lequel il a été titularisé le 1er mars 2007, en qualité d'agent de voierie. Par un arrêté du 6 décembre 2010, le maire de la commune d'Itteville lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans. Cet arrêté a été annulé, pour défaut de motivation, par le jugement n°1200422 du tribunal administratif de Versailles du 8 octobre 2013, susvisé. Après cette annulation, le maire de la commune d'Itteville, par un arrêté du 18 février 2016, a de nouveau infligé à M. E... une sanction d'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de deux ans, à raison des mêmes faits que ceux initialement sanctionnés par l'arrêté du 6 décembre 2010. M. E... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 18 février 2016, de condamner la commune d'Itteville à lui verser la somme de 31 200 euros en réparation des préjudices que lui a causé la décision du 6 décembre 2010. La commune d'Itteville lui a versé, spontanément, la somme de 31 200 euros en date du 13 mai 2016. C'est dans ces conditions que, par un jugement n° 1603174,1603208 du 4 juillet 2018, le tribunal administratif de Versailles a fait partiellement droit à sa demande en tant qu'il a condamné la commune d'Itteville à lui verser les intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 31 200 euros et à la période comprise entre le 11 février et le 13 mai 2016, a prononcé un non-lieu à statuer sur ses conclusions indemnitaires et a rejeté le surplus de ses conclusions. M. E... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. E... soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il n'avait pas soulevé le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dans le choix de la sanction retenue. Toutefois, en mentionnant, dans ses écritures de première instance : " Il ressort de ces éléments que la sanction prononcée est bien excessivement sévère. ", il pouvait être regardé par les premiers juges comme soulevant ce moyen tiré de l'erreur d'appréciation. Au demeurant et, en tout état de cause, cette requalification ne l'a privé d'aucune garantie, dès lors que ce moyen a ensuite été examiné. En effet, le jugement attaqué mentionne : " (...) alors qu'au demeurant M. E... ne soulève aucun moyen tiré de l'erreur d'appréciation de l'administration dans le choix de la sanction retenue, la commune d'Itteville a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, infliger à M. E... la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux ans, eu égard à la multiplicité, la permanence et l'influence sur le bon fonctionnement du service des manquements qui lui sont reprochés. ". Il suit de là que le moyen susanalysé manque en fait et doit être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 18 février 2016 portant exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans :

3. En premier lieu, M. E... soutient que l'arrêté attaqué du 18 février 2016 serait intervenu tardivement en tant que près de trois ans se sont écoulés entre l'annulation du premier arrêté du 6 décembre 2010 et l'édiction de l'arrêté litigieux du 18 février 2016. S'il peut être regardé comme faisant référence à l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, qui instaure une prescription de trois ans applicable à l'édiction d'une sanction administrative, il est toutefois constant que l'arrêté attaqué du 18 février 2016 a été pris deux mois avant l'entrée en vigueur de cette loi. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé, au point 5. du jugement attaqué, qu'à la date de la décision en litige, aucun texte applicable ni aucun principe général du droit n'enfermait dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire à l'égard d'un agent de la fonction publique territoriale ou l'édiction d'une nouvelle sanction à la suite de l'annulation contentieuse de la première sanction. Le moyen doit, dès lors, être écarté.

4. En deuxième lieu, M. E... reprend en appel, à l'identique, le moyen tiré de ce que la sanction édictée par l'arrêté du 18 février 2016 méconnaîtrait le principe non bis in idem, en tant qu'elle est intervenue alors que toutes les conséquences de l'annulation de la première sanction sur ses revenus, le déroulement de sa carrière et le calcul de sa retraite n'avaient pas été annulées ou neutralisées.

5. D'une part, il est constant que l'annulation de la décision du 6 décembre 2010 portant exclusion temporaire de fonctions pour deux ans, l'a fait disparaître de l'ordonnancement juridique, ce qui implique qu'elle est réputée n'avoir jamais existé. Or, le principe non bis in idem signifie qu'un même fait, jugé et sanctionné, ne peut pas l'être de nouveau. Dans ces conditions, M. E... ne peut donc pas se prévaloir utilement du non-respect de ce principe qui, en l'espèce, ne s'applique pas, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges au point 7. du jugement attaqué.

6. D'autre part, M. E... soutient que la commune n'avait pas, à la date à laquelle la sanction du 18 février 2016 a été prise, reconstitué l'ensemble de sa carrière et procédé au calcul de sa retraite. En effet, il ressort des pièces du dossier que la commune a produit un certificat administratif établi le 23 mai 2016, postérieurement à l'édiction de cette sanction, précisant que la reconstitution de sa carrière était en cours. Elle a ensuite procédé, de sa propre initiative, le 13 mai 2016, au versement de la somme de 31 200 euros qu'il réclamait au titre de son préjudice résultant de la perte de revenus pendant deux ans. Toutefois, la circonstance alléguée que la commune d'Itteville n'aurait pas, préalablement à l'édiction de l'arrêté en litige, tiré les conséquences résultant de l'annulation juridictionnelle de la précédente décision de sanction, en termes de reconstitution de carrière ou d'indemnisation, constitue un litige distinct et est, par suite, sans incidence sur légalité de l'arrêté du 18 février 2016.

7. Il résulte de ce qui vient d'être dit que c'est à bon droit que les premiers juges n'ont pas retenu le moyen tiré de la méconnaissance du principe non bis in idem, moyen qui, par suite, doit être écarté.

8. En troisième lieu, selon l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, susvisée : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Troisième groupe : (...) la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

9. M. E... soutient que la sanction du 18 février 2016 est entachée d'une erreur d'appréciation, que les faits ne sauraient être regardés comme justifiant une sanction du troisième groupe et que l'avis du premier conseil de discipline, ayant retenu l'exclusion temporaire de fonction de quinze jours, lui semble plus adapté que l'avis du conseil de discipline de recours qui proposait une exclusion temporaire de deux ans.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. E..., avant d'être sanctionné, a préalablement fait l'objet de plusieurs avertissements de la part de sa hiérarchie et notamment de la part du directeur général des services de la commune, du directeur des services techniques et de son chef d'équipe et ce, pendant une période de trois ans, comprise entre 2007 et 2010. Il était alors reproché à M. E... de multiples retards et des refus d'exécution des tâches confiées catégoriques et quasi-systématiques en ce qui concerne l'entretien de la voirie communale, une attitude agressive à l'égard de sa hiérarchie et de ses collègues, qu'elle soit verbale ou physique, ainsi que l'usage de subterfuges et de menaces afin de se soustraire à ses obligations de service, créant un climat délétère et de mal-être au travail et portant gravement atteinte à la bonne marche et à l'efficacité du service. Au surplus, l'intéressé a également méconnu les responsabilités qui lui étaient afférentes, ayant été retrouvé endormi sur son lieu de travail durant ses heures de service, en s'absentant aussi de son poste sans en justifier, en refusant d'exécuter des tâches et en occupant illégalement des locaux de l'école primaire Jean Jaurès, pour y entreposer des objets et des véhicules personnels, en particulier son quad. La commune d'Itteville verse aussi plusieurs pièces au dossier, qui établissent le caractère récurrent des faits fautifs reprochés à M. E..., et notamment une copie du rapport du conseil de discipline de recours d'Ile-de-France du 8 novembre 2011, précisant de façon circonstanciée les motifs l'ayant conduit à recommander la sanction en litige, portant exclusion de fonctions pour deux ans.

11. M. E... se borne à nier les faits reprochés et à alléguer que ses absences seraient justifiées sur le plan médical, que l'occupation des locaux de la commune serait due à l'instance de son directeur, et que ses retards seraient dus aux missions professionnelles qu'il doit assumer ainsi qu'à sa situation familiale. Toutefois, il ne produit pas d'éléments au soutien de ses dénégations, faute, notamment, de certificats médicaux à l'appui de ses absences alléguées en raison de son état de santé. Dans ces conditions, c'est sans erreur d'appréciation que la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux ans a été prise à son encontre. Le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit, dès lors, être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 février 2016 par lequel le maire de la commune d'Itteville a prononcé à son encontre une sanction du troisième groupe en l'excluant temporairement de ses fonctions pendant deux ans. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune d'Itteville, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. E... une somme à verser à la commune d'Itteville au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la commune d'Itteville est rejeté.

N° 18VE03112 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03112
Date de la décision : 29/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Motifs. Faits de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : SELARL ROCHE BOUSQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-29;18ve03112 ?
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