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28/12/2020 | FRANCE | N°19VE00952

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 28 décembre 2020, 19VE00952


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Airbus Opérations a demandé au tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de prononcer la décharge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), de taxe additionnelle et de frais de gestion auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2011 pour un montant global de 3 598 914 euros, les intérêts de retard correspondants pour un montant de 441 847 euros, ainsi que la restitution de la contribution économique territoriale (CET) qui en résulte,

au titre du plafonnement, pour l'année 2011 à hauteur de 3 314 435 euros.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Airbus Opérations a demandé au tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de prononcer la décharge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), de taxe additionnelle et de frais de gestion auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2011 pour un montant global de 3 598 914 euros, les intérêts de retard correspondants pour un montant de 441 847 euros, ainsi que la restitution de la contribution économique territoriale (CET) qui en résulte, au titre du plafonnement, pour l'année 2011 à hauteur de 3 314 435 euros.

Par un jugement n° 1710295 du 31 janvier 2019, le tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société Airbus Opérations, en droits et intérêts de retard, des suppléments de la CVAE, de taxe additionnelle, de frais de gestion et des intérêts de retard correspondants auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2011 à hauteur de 43 866 euros, ainsi que de la CET correspondante au titre de l'année 2011 pour un montant en droits de 35 981 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 mars et 6 septembre 2019, la société Airbus Opérations, représentés par la société d'avocats CMS Francis Lefebvre, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement portant rejet du surplus de ses conclusions ;

2°) de la décharger des cotisations supplémentaires de CVAE et de taxe additionnelle mises à sa charge au titre de 2011, ainsi que des sommes mises à sa charge au titre de la remise en cause du dégrèvement pour plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée pour 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Airbus Opérations soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas statué ultra petita en matière de dépenses de mécénat ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée dès lors qu'il n'est pas fait mention du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts, mais seulement de l'article 1647 B sexies du même code, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2009 ;

- c'est à tort que l'administration a inclus dans la valeur ajoutée l'abandon de créance exceptionnel de 218 563,44 euros consenti par l'Etat français en 2011, comptabilisé en résultat exceptionnel, qui ne constitue pas une subvention d'exploitation et n'est pas au nombre des produits listés par le I de l'article 1586 sexies du code général des impôts venant en majoration de la valeur ajoutée.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tronel,

- les conclusions de M. Illouz, rapporteur public,

- et les observations de Me Barreau, pour la société Airbus Opérations.

Considérant ce qui suit :

1. La société Airbus Opérations, qui exerce une activité de construction aéronautique et spatiale, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle la direction des vérifications nationales et internationales a, notamment, procédé à l'imposition d'un supplément de CVAE, de taxe additionnelle et de frais de gestion de la société au titre de l'année 2011 en estimant, d'une part, qu'un abandon de créance de l'Etat en sa faveur aurait dû être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée et, d'autre part, que des dépenses de mécénat n'auraient inversement pas dû l'être. Cette direction en a tiré les conséquences en matière de CET au titre du plafonnement de l'année 2011. Le tribunal administratif de Montreuil a, par un jugement du 31 janvier 2019, admis la déduction des dépenses de mécénat pratiquée par l'entreprise et l'a en conséquence déchargée, à concurrence de 43 886 euros en droits, des suppléments de CVAE, de taxe additionnelle à la CVAE et de frais de gestion et à concurrence de 35 981 euros des suppléments de la CET (article 1er). Il a en revanche rejeté le surplus des conclusions de sa demande (article 2). La société fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande. Par la voie de l'appel incident, le ministre de l'action et des comptes publics demande l'annulation de l'article 1er de ce même jugement.

Sur l'appel incident :

2. Aux termes de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales : " L'administration, ainsi que le contribuable dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicitée, peuvent faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel, jusqu'à la clôture de l'instruction (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que, dans sa demande déposée le 20 novembre 2017 au greffe du tribunal administratif de Montreuil, la société Airbus Opérations a sollicité la décharge des suppléments d'impôt mis à sa charge résultant de la réintégration par l'administration de l'abandon de créance de l'Etat dans le calcul de la valeur ajoutée. La société a ainsi fixé le quantum d'imposition contesté à concurrence de ce chef de redressement, pour un montant qui s'élève à 437 050 au titre de la CVAE et 3 278 454 euros au titre de la CET. La circonstance que, dans sa demande au tribunal, la société requérante n'ait visé que l'un des chefs de redressements ne faisait pas obstacle à ce qu'elle expose ultérieurement de nouveaux moyens relatifs à d'autres chefs de redressements, dans la limite du dégrèvement initialement sollicité. Le ministre n'est donc pas fondé à soutenir que le tribunal administratif de Montreuil aurait statué ultra petita en retenant le nouveau moyen, soulevé dans le mémoire du 21 septembre 2018 de la société Airbus Opérations, tiré de la prise en compte du mécénat dans la valeur ajoutée et en déchargeant, dans la limite des montants précédemment indiqués, les impositions afférentes à ce chef de redressement.

Sur l'appel principal :

4. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ".

5. La société Airbus Opérations soutient que la proposition de rectification du 15 décembre 2014 qui lui a été adressée est irrégulière au motif qu'elle mentionne, non les dispositions du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts, applicables au cours de la période en litige, mais celles de l'article 1647 sexies B du même code dans sa version abrogée à compter du 31 décembre 2009. Toutefois, d'une part, ces deux articles prévoient, de manière identique, que les subventions d'exploitation sont prises en compte dans les produits servant de calcul à la valeur ajoutée. D'autre part, cette inexactitude n'a pas privé la société requérante de la faculté de répondre utilement à cette proposition, puisqu'elle a elle-même, dans ses observations du 10 février 2015, à la proposition de rectification, relevé cette erreur et demandé à ce qu'il soit fait référence à l'article 1586 sexies du code général des impôts. Le moyen tiré du défaut de motivation de la proposition de rectification qui résulterait du caractère erroné de la base légale qu'elle mentionne doit, dès lors, être écarté.

6. En deuxième lieu, d'une part, en vertu des dispositions combinées du I de l'article 1586 ter et de l'article 1447 du code général des impôts, les personnes morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée et dont le chiffre d'affaires est supérieur à un certain montant sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. D'autre part, les dispositions du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base, en vertu du 1 du II de l'article 1586 ter du même code, à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. En particulier, aux termes du a) du 4 du I de l'article 1586 sexies, la valeur ajoutée est établie en tenant compte du chiffre d'affaires défini au 1 de cet article, majoré des " subventions d'exploitation ". Il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à 1'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt. Il résulte du plan comptable général de 1982 (p. I.42), dont les anciennes définitions qui n'ont pas été reprises dans le plan comptable général de 1999 en principe réécrit à droit constant demeurent applicables, que revêtent le caractère de subventions d'exploitation au sens pour l'application des dispositions de l'article 1586 sexies du code général des impôts, les subventions dont l'entreprise bénéficie pour lui permettre de compenser l'insuffisance de certains produits d'exploitation ou de faire face à certaines charges d'exploitation.

7. Il résulte de l'instruction et en particulier du protocole relatif au financement par l'Etat des programmes Airbus A 340-500 et A 340-600 conclu en 1998, que les dépenses auxquelles l'Etat apportent son soutien financier, " couvrent le développement, l'étude de l'industrialisation et l'outillage pour la réalisation des prototypes des programmes d'avions Airbus A 340-500 et A 340-600. " (article 2.1). L'article 3 de ce protocole précise que la participation de l'Etat prendra la forme d'une avance remboursable. L'article 6 indique que la société remboursera l'Etat par des versements consécutifs à la vente de chaque Airbus et de leurs produits dérivés. L'article 7 ajoute une redevance à verser à l'Etat au-delà du 404ème avion livré. Enfin, l'article 9, prévoit que les conditions de résiliation, notamment en cas d'échec du programme, feront l'objet d'une négociation, le montant de l'avance restant acquis à la société ne pouvant pas dépasser 33% des dépenses réalisées, dans la limite du montant de l'aide. Le directeur financier d'Airbus a annoncé le 10 novembre 2011, que la société n'ayant plus vendu d'A 340 depuis deux ans, abandonnait la production de cet appareil. A l'arrêt du programme, le solde de l'avance consenti par l'Etat s'élevait à 215 563 564 euros. L'Etat a décidé d'abandonner cette créance que la société Airbus Opérations a comptabilisé, au titre de l'exercice clos en 2011, en produit exceptionnel qu'elle n'a pas pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant d'assiettes à la CVAE.

8. Il résulte du protocole conclu entre l'Etat et la société requérante que l'avance consentie par l'Etat était destinée à financer des études de développement et de recherche en matière aéronautique, au profit des programmes Airbus A 340-500 et A 340-600, dont il n'est pas contesté qu'il s'agit d'une activité courante et ordinaire de la société. Cette avance était remboursable sur les produits d'exploitation tirés de la vente des Airbus A 340-500 et A 340-600 et son abandon au profit de la société, en cas d'échec du programme, était corrélé aux dépenses réalisées pour le financement de ces programmes. Il ressort de ces constatations que l'avance consentie par l'Etat était destinée à assurer l'équilibre du résultat d'exploitation des programmes Airbus A 340-500 et A 340-600 et non de compenser un résultat d'ensemble négatif résultant des opérations courantes, financières et exceptionnelles de la société. Il en va de même pour l'abandon de cette créance qui doit, par suite, être comptablement enregistré au compte 74, en subvention d'exploitation à prendre en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant d'assiette à la CVAE. Contrairement à ce que fait valoir la société, compte tenu de la spécificité de cet abandon de créance, qui ne peut intervenir qu'une fois dans le cadre d'une résiliation du protocole d'accord, la circonstance qu'il ne soit pas récurrent ne lui confère pas le caractère d'un produit exceptionnel devant être comptabilisé au compte 77.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Airbus Opérations n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Airbus Opérations et l'appel incident du ministre de l'action et des comptes publics sont rejetés.

N° 19VE00952 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00952
Date de la décision : 28/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Plus-values des particuliers - Plus-values mobilières.

Procédure.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Nicolas TRONEL
Rapporteur public ?: M. ILLOUZ
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-28;19ve00952 ?
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