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18/12/2020 | FRANCE | N°19VE01877

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 18 décembre 2020, 19VE01877


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CARREFOUR SA a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la réduction de sa base imposable à l'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration de la

quote-part de frais et charges relative aux produits de participation remplissant les conditions d'éligibilité au régime mère-fille issus de filiales françaises et étrangères ne faisant pas partie du groupe d'intégration fiscale dont elle est la société mère pour un montant de 25 099 180 euros et la restitution des cot

isations d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CARREFOUR SA a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la réduction de sa base imposable à l'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration de la

quote-part de frais et charges relative aux produits de participation remplissant les conditions d'éligibilité au régime mère-fille issus de filiales françaises et étrangères ne faisant pas partie du groupe d'intégration fiscale dont elle est la société mère pour un montant de 25 099 180 euros et la restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés et de contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés corrélatives.

Par un jugement n° 1801118 du 21 mars 2019, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 22 mai 2019 et 3 décembre 2020, la société CARREFOUR SA, représentée par Me Meier, avocat, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de prononcer la réduction de sa base imposable résultant de la réintégration de la quote-part de frais et charges relative aux produits de participation remplissant les conditions d'éligibilité au régime mère-fille issus de filiales françaises et étrangères ne faisant pas partie du groupe d'intégration fiscale dont elle est la société mère pour un montant de 24 101 729 euros ;

3° de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés et de contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés correspondantes, pour un montant total de 8 882 711 euros ;

4° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le régime français de la quote-part de frais et charges résultant des articles 216 et

223 B du code général des impôts est contraire au paragraphe 2. de l'article 4 de la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents, repris au paragraphe 3. de l'article 4 de la directive 2011/96/UE du 30 novembre 2011, en ce que les dividendes reçus des filiales faisant partie d'un groupe fiscalement intégré et les filiales établies dans un autre Etat membre qui auraient été éligibles à l'intégration si elles avaient été résidentes en sont exonérées, alors que la directive ne permet pas aux Etats membres de prévoir des régimes d'imposition différents selon le pourcentage de détention par la société mère du capital social de sa filiale ;

- cette différence de traitement méconnaît le principe d'égalité garanti par les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention.

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 ;

- la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1405 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique,

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public,

- et les observations de Me B... pour la société CARREFOUR.

Considérant ce qui suit :

1. La société CARREFOUR SA, société tête de groupe du groupe Carrefour, et ses filiales intégrées Euromarché, Carrefour France, Carfuel et Guyenne et Gascogne, ont reçu, au cours des exercices 2010 à 2015, des dividendes provenant de leurs participations dans diverses sociétés françaises et étrangères. Elle a retranché ces dividendes du résultat fiscal du groupe, sous déduction d'une quote-part de frais et charges de 5 % dont elle a contesté le bien-fondé, par une réclamation du 29 décembre 2016 que l'administration a implicitement rejetée. La société CARREFOUR relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de restitution des impositions résultant de la réintégration de cette quote-part dans son bénéfice imposable.

2. Aux termes de l'article 1er de la directive n° 90/435/CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents, et de la directive 2011/96/UE du 30 novembre 2011 : " 1. Chaque État membre applique la présente directive : / aux distributions de bénéfices reçues par des sociétés de cet État et provenant de leurs filiales d'autres États membres, (...) ". Aux termes du 2 de l'article 4 de la directive n° 90/435/CEE, repris au 3 de l'article 4 de la directive 2011/96/UE : " (...) tout Etat membre garde la faculté de prévoir que des charges se rapportant à la participation et des moins-values résultant de la distribution des bénéfices de la société filiale ne sont pas déductibles du bénéfice imposable de la société mère. Si, dans ce cas, les frais de gestion se rapportant à la participation sont fixés forfaitairement, le montant forfaitaire ne peut excéder 5% des bénéfices distribués par la société filiale ". Aux termes du I de l'article 216 du code général des impôts : " Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges. / La quote-part de frais et charges visée au premier alinéa est fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que, pour les sociétés placées sous le régime

mère-fille, les produits des participations des sociétés mères sont exonérés d'impôt sur les sociétés à l'exclusion d'une quote-part de frais et charges évaluées forfaitairement à 5 %. Toutefois, pour les sociétés fiscalement intégrées, l'article 223 B du code général des impôts prévoit une exonération totale. Par sa décision C-386/14 du 2 septembre 2015, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le bénéfice de la neutralisation de la quote-part de frais et charge devait s'appliquer également aux dividendes distribués par les filiales situées dans un autre État membre qui, si elles avaient été résidentes, auraient été éligibles à l'intégration fiscale.

4. En premier lieu, pour contester la réintégration dans son résultat imposable d'une quote-part forfaitaire de frais et charges afférente aux produits de ses participations dans différentes sociétés françaises et étrangères, la société CARREFOUR SA ne soutient pas utilement que ces dispositions, rapprochées de celles de l'article 223 B du code général des impôts qui en exonère les dividendes provenant de filiales fiscalement intégrées, seraient contraires à la directive dont elles assurent la transposition, dès lors que les dividendes en cause, qui proviennent de filiales établies en France et dans des Etats tiers à l'Union européenne, n'entrent pas dans le champ d'application de la directive concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents.

5. En second lieu, si la société CARREFOUR SA soutient que cette différence de traitement méconnaît des stipulations combinées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention, ce moyen ne peut qu'être écarté par adoption des motifs des premiers juges, dès lors que les sociétés formant un groupe fiscalement intégré dont les résultats sont agrégés et font l'objet d'une imposition unique ne sont pas placés dans la même situation que les sociétés mères recevant des dividendes de leurs filiales et que la neutralisation de la quote-part de frais et charges en faveur des sociétés tête de groupe est en rapport avec l'objectif d'intérêt général d'inciter la constitution de groupes nationaux soumis à des conditions particulières de détention caractérisant leur degré d'intégration.

6. Il résulte de ce qui précède que la société CARREFOUR n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il s'ensuit que sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société CARREFOUR est rejetée.

2

N° 19VE01877


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01877
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : CABINET BAKER et MCKENZIE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-18;19ve01877 ?
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