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18/12/2020 | FRANCE | N°19VE00251

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 18 décembre 2020, 19VE00251


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ORANGE SA a demandé au Tribunal administratif de Montreuil l'augmentation de ses déficits reportables et la réduction de sa base imposable à l'imposition sur les sociétés résultant de la réintégration de la quote-part de frais et charges afférente aux dividendes reçus de sa filiale Orange Polska au titre des exercices 2010 à 2015, pour un montant de 48 411 813 euros, ainsi que la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés e

t de contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés correspondantes.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ORANGE SA a demandé au Tribunal administratif de Montreuil l'augmentation de ses déficits reportables et la réduction de sa base imposable à l'imposition sur les sociétés résultant de la réintégration de la quote-part de frais et charges afférente aux dividendes reçus de sa filiale Orange Polska au titre des exercices 2010 à 2015, pour un montant de 48 411 813 euros, ainsi que la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés et de contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés correspondantes.

Par un jugement n° 1711282 du 20 novembre 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 18 janvier 2019 et le 7 février 2020, la société ORANGE SA, représentée par Me Meier, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de constater l'augmentation de ses déficits reportables et la réduction de sa base imposable résultant de la réintégration de la quote-part de frais et charges afférente aux dividendes reçus de sa filiale Orange Polska, au titre des exercices 2010 à 2015, pour un montant de 48 411 813 euros ;

3° de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés et de contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés correspondantes, pour les montants de 5 657 312 euros, 186 691 euros et 396 634 euros ;

4° de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la quote-part de frais et charges réintégrée dans son bénéfice fiscal en application de l'article 216 du code général des impôts est contraire au paragraphe 2 de l'article 4 de la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents, repris au paragraphe 3 de l'article 4 de la directive 2011/96/UE du 30 novembre 2011, en ce que les dividendes reçus des filiales faisant partie d'un groupe fiscalement intégré et les filiales établies dans un autre Etat membre qui auraient été éligibles à l'intégration si elles avaient été résidentes en sont exonérées, alors que la directive ne permet pas aux Etats membres de prévoir des régimes d'imposition différents selon le pourcentage de détention par la société mère du capital social de sa filiale ;

- cette différence de traitement méconnaît le principe d'égalité garanti par les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention.

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 ;

- la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1405 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique,

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public,

- et les observations de Me B... pour la société ORANGE.

Considérant ce qui suit :

1. La société ORANGE SA a reçu, au cours des exercices 2010 à 2015, des dividendes de la société Orange Polska, résidente fiscale polonaise, dont elle détenait 49,79 % des parts de 2010 à 2012 et 50,6 % des parts de 2013 à 2015. Elle a retranché ces dividendes de son résultat fiscal, sous déduction d'une quote-part de frais et charges de 5 % dont elle a contesté le bien-fondé, par une réclamation du 20 décembre 2016, que l'administration a implicitement rejetée. La société ORANGE relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de restitution des impositions résultant de la réintégration de cette quote-part dans son bénéfice imposable.

2. Aux termes du 2 de l'article 4 de la directive n° 90/435/CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents, repris au 3 de l'article 4 de la directive 2011/96/UE : " (...) tout Etat membre garde la faculté de prévoir que des charges se rapportant à la participation et des moins-values résultant de la distribution des bénéfices de la société filiale ne sont pas déductibles du bénéfice imposable de la société mère. Si, dans ce cas, les frais de gestion se rapportant à la participation sont fixés forfaitairement, le montant forfaitaire ne peut excéder 5% des bénéfices distribués par la société filiale ". Et aux termes du I de l'article 216 du code général des impôts : " Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges. / La

quote-part de frais et charges visée au premier alinéa est fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que, pour les sociétés placées sous le régime

mère-fille, les produits des participations des sociétés mères sont exonérés d'impôt sur les sociétés à l'exclusion d'une quote-part de frais et charges évaluées forfaitairement à 5 %. Toutefois, pour les sociétés fiscalement intégrées, l'article 223 B du code général des impôts prévoit une exonération totale. Par sa décision C-386/14 du 2 septembre 2015, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le bénéfice de la neutralisation de la quote-part de frais et charge devait s'appliquer également aux dividendes distribués par les filiales situées dans un autre État membre qui, si elles avaient été résidentes, auraient été éligibles à l'intégration fiscale.

4. En premier lieu, la société ORANGE SA fait valoir que l'imposition différenciée des dividendes reçus des filiales établies dans un autre État membre de l'Union européenne, selon qu'elles seraient éligibles ou non au régime de l'intégration fiscale si elles avaient été résidentes, méconnaît le droit de l'Union, qui doit s'appliquer uniformément à toutes les sociétés mères-filles indistinctement. Il résulte toutefois des dispositions rappelées au point 2 que l'article 4 de la directive concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents, qui autorise les Etats membres à fixer un montant de charges non déductibles, dans la limite de 5 % des bénéfices distribués par la filiale, ne s'oppose pas à ce que les Etats prévoient un régime plus favorable en faveur des sociétés têtes de groupe de sociétés constituant une entité fiscale unique. Cette différence de traitement selon que la société mère constitue avec sa filiale un groupe fiscalement intégré ou non ne méconnaît pas les objectifs de la directive dont l'article 216 du code général des impôts assure la transposition, ni au demeurant le principe de liberté d'établissement dès lors que les dividendes reçus des filiales non éligibles au régime d'intégration sont soumis au régime de la réintégration forfaitaire d'une quote-part de frais et charges dans les mêmes conditions quelle qu'en soit la source française, européenne ou étrangère.

5. En second lieu, si la société ORANGE SA soutient que cette différence de traitement méconnaît des stipulations combinées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention, ce moyen ne peut qu'être écarté par adoption des motifs des premiers juges, dès lors que les sociétés formant un groupe fiscalement intégré dont les résultats sont agrégés et font l'objet d'une imposition unique ne sont pas placés dans la même situation que les sociétés mères recevant des dividendes de leurs filiales et que la neutralisation de la quote-part de frais et charges en faveur des sociétés tête de groupe est en rapport avec l'objectif d'intérêt général d'inciter la constitution de groupes nationaux soumis à des conditions particulières de détention caractérisant leur degré d'intégration.

6. Il résulte de ce qui précède que la société ORANGE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il s'ensuit que sa requête de doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société ORANGE est rejetée.

2

N° 19VE00251


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00251
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : CABINET BAKER et MCKENZIE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-18;19ve00251 ?
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