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15/12/2020 | FRANCE | N°18VE01010

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 15 décembre 2020, 18VE01010


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Otus a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 20 mars 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision d'autorisation de licenciement délivrée par l'inspection du travail le 23 juillet 2014 et refusé d'autoriser le licenciement de M. F... A... B... et d'enjoindre au ministre du travail d'autoriser le licenciement de ce dernier.

Par un jugement n° 1504109 du 1er février

2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Otus a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 20 mars 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision d'autorisation de licenciement délivrée par l'inspection du travail le 23 juillet 2014 et refusé d'autoriser le licenciement de M. F... A... B... et d'enjoindre au ministre du travail d'autoriser le licenciement de ce dernier.

Par un jugement n° 1504109 du 1er février 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, des pièces complémentaires et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 mars, 11 avril et 23 juillet 2018, la société Otus, représentée par Me D..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1504109 du 1er février 2018 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

2° d'annuler la décision du 20 mars 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspection du travail en date du 23 juillet 2014 autorisant le licenciement de M. A... B... et refusé d'autoriser ce licenciement ;

3° d'enjoindre, dans un délai qu'il plaira à la cour de fixer, au ministre du travail d'autoriser le licenciement de M. A... B... ;

4° de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les faits reprochés à M. A... B... sont d'une gravité suffisante pour justifier une mesure de licenciement.

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., substituant Me D..., pour la société Otus et de M. A... B....

Considérant ce qui suit :

1. Au terme d'un contrat à durée indéterminée conclu le 22 mars 2004, M. A... B... a été embauché par la société Otus, société spécialisée dans la collecte des déchets et ordures ménagères, en qualité de conducteur de matériel de collecte. Le 11 avril 2014, alors qu'il était titulaire du mandat de membre titulaire et secrétaire du comité d'établissement de la société Otus Sarcelles et bénéficiait donc d'une protection à ce titre, M. A... B... était convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s'est tenu le 23 avril 2014. Par courrier en date du 23 mai 2014, la société a ensuite sollicité de l'administration du travail l'autorisation de licencier M. A... B.... Par décision du 23 juillet 2014, l'inspecteur du travail a autorisé ce licenciement. Toutefois, par une décision en date du 20 mars 2015 prise sur recours hiérarchique, le ministre du travail a retiré la décision implicite de rejet de ce recours hiérarchique née de son silence, annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 23 juillet 2014 et refusé d'autoriser le licenciement de M. A... B.... La société Otus a demandé l'annulation de cette décision au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui, par jugement en date du 1er février 2018, a rejeté sa demande. La société relève appel de ce jugement.

2. En application des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation à l'origine du litige est motivée par le fait, pour M. A... B... d'avoir, le 2 avril 2014, stationné son camion benne devant son domicile, d'être allé y chercher son fils âgé d'environ trois ans qu'il a assis à la place passager du véhicule avant de reprendre son service pendant une dizaine de minutes à l'issue desquelles, avant d'aller vider le véhicule, il est retourné à son domicile afin d'y déposer son fils, laissant ses deux collègues seuls dans la cabine pendant une trentaine de minutes avant de reprendre son poste, faits desquels la société Otus infère un manquement aux procédures élémentaires de sécurité, une mise en danger la vie d'autrui liée au fait d'avoir exposé son fils à une absence de prise en charge en cas d'accident, seuls les salariés de l'entreprise étant, dans cette hypothèse, couverts par l'assurance de l'entreprise.

4. Si le ministre a estimé que ces faits, dont la matérialité non plus que le caractère fautif ne sont pas contestés, ne revêtaient pas un degré de gravité suffisant pour justifier le licenciement de M. A... B..., il ressort des pièces du dossier que cette faute s'inscrit dans la continuité de nombreux autres manquements aux obligations professionnelles, notamment aux règles de sécurité, imputables à M. A... B.... Les pièces versées au dossier d'appel par la société recensent en effet quatorze faits fautifs commis entre 2006 et 2015 dont cinq ont donné lieu à des mises à pied ou avertissements. Ainsi, le 27 octobre 2005, M. A... B... a fait l'objet d'une mise à pied de trois jours en raison d'absences injustifiées et retards répétés. Le 28 février 2006, le salarié faisait l'objet d'une mise en garde à la suite d'un accident ayant endommagé des véhicules le 16 février 2006. Le 28 décembre 2006, le salaire a été rappelé à l'ordre à raisons d'absences injustifiées. Le 17 mars 2008, le salarié, qui avait percuté un véhicule à l'arrêt lors d'une collecte, a fait l'objet d'un avertissement. Le 11 décembre 2008, un nouvel accident était à mettre à son actif, et la société lui rappelait une nouvelle fois qu'il était passible d'une sanction disciplinaire à raison de ce fait. Le 5 janvier 2009, M. A... B... a été mis à pied trois jours à raison d'un nouvel accrochage d'un véhicule en stationnement lors d'une collecte et de l'absence de port des équipements de protection individuelle. Le 5 mars 2009, un rappel à l'ordre lui était adressé pour absence injustifiée. Le 28 mai 2009, son comportement et sa conduite dangereuse justifiaient un nouveau courrier de son employeur. Le 19 juin 2009, une mise à pied de trois jours lui était adressée pour comportement dangereux au volant et plusieurs manquements aux règles de sécurité. Le 15 février 2011, le requérant a fait l'objet d'un rappel à l'ordre pour absence injustifiée. En mars 2012, l'employeur constatait un abandon de collecte et en mars 2014, un retard sans justification. Dès lors eu égard au caractère répété des manquements aux obligations professionnelles de M. A... B..., et notamment aux règles de sécurité et alors que le salarié a fait l'objet de nombreux courriers de rappel à l'ordre et d'avertissements de son employeur et de plusieurs sanctions disciplinaires pour de tels manquements, le comportement de M. A... B... le 2 avril 2013 doit être regardé comme constitutif d'une faute d'une gravité suffisante justifiant le licenciement de l'intéressé. Aucun élément du dossier ne permet par ailleurs de retenir que les faits reprochés à M. A... B... seraient en relation avec sa qualité de salarié protégé.

5. Il résulte de ce qui précède que la société Otus est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail en date du 20 mars 2015 refusant d'autoriser le licenciement de M. A... B....

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. L'exécution de la présente décision implique que le ministre du travail procède à un nouvel examen de la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Otus dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge la société Otus, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. A... B... le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Otus et non compris dans les dépens

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1504109 du 1er février 2018 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et la décision de la ministre du travail en date du 20 mars 2015 refusant d'autoriser le licenciement de M. A... B... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion de réexaminer la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Otus concernant M. A... B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : M. A... B... versera à la société Otus la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par la société Otus est rejeté.

N°18VE01010 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01010
Date de la décision : 15/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Hélène LEPETIT-COLLIN
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : SCP PECHENARD et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-15;18ve01010 ?
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