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10/12/2020 | FRANCE | N°18VE02924

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 10 décembre 2020, 18VE02924


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SOCIÉTÉ ACTIPIERRE EUROPE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner la Régie autonome des transports parisiens (RATP) à lui verser la somme de 251 286 euros en réparation des dommages temporaires liés aux travaux publics de prolongement de la ligne 14 sur le territoire de la commune de Saint-Ouen, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, et de mettre à la charge de la RATP la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du

code de justice administrative.

Par un jugement n° 1704455 du 7 juin 2018,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SOCIÉTÉ ACTIPIERRE EUROPE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner la Régie autonome des transports parisiens (RATP) à lui verser la somme de 251 286 euros en réparation des dommages temporaires liés aux travaux publics de prolongement de la ligne 14 sur le territoire de la commune de Saint-Ouen, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, et de mettre à la charge de la RATP la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1704455 du 7 juin 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 6 août 2018 et le 29 octobre 2020, la SOCIÉTÉ ACTIPIERRE EUROPE, représentée par Me D..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de condamner la Régie autonome des transports parisiens (RATP) à lui verser la somme de 1 093 317 euros en réparation des dommages temporaires de travaux publics consécutifs aux travaux de prolongement de la ligne 14 sur le territoire de la commune de Saint-Ouen ;

3° de mettre à la charge de la RATP la somme de 4 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est propriétaire d'un local commercial situé au 150 Boulevard Victor Hugo à Saint-Ouen, loué à la société Darty France depuis 2003 ; la société Darty France lui a donné congé à compter du 12 août 2016 et a quitté le local à cette date ; ce départ a été provoqué par les travaux de prolongement de la ligne n° 14 du métro jusqu'à la future station " Mairie de Saint-Ouen " qui ont engendré, à compter du 8 avril 2015, d'importantes difficultés d'accès au local, ainsi que des nuisances sonores et visuelles, comme en attestent deux constats d'huissier établis le 12 juillet 2016 et le 8 septembre 2016 ; compte tenu de ces nuisances, aucune autre société n'a souhaité prendre à bail ce local libéré par la société Darty France ; c'est en particulier le cas de la société Leclerc qui souhaitait pourtant de longue date occuper cet espace ; ses recherches de nouveaux locataires ont été infructueuses, alors qu'elle avait conclu les 12 avril 2016 et

3 octobre 2016 deux mandats de recherche de locataires avec les sociétés Savills et BNP Paribas Real Estate Transaction France ;

- elle a ainsi subi un préjudice important résultant d'une perte de loyers à compter du

12 août 2016 ; au 30 juin 2018, son préjudice peut être évalué à la somme totale de 1 093 317 euros TTC ;

- cette somme est à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir, dès lors que les nuisances perdurent à ce jour.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,

- les observations de Me B..., substituant Me D..., pour la SOCIÉTÉ ACTIPIERRE EUROPE, et celles de Me C..., pour la RATP.

Considérant ce qui suit :

1. La SOCIÉTÉ ACTIPIERRE EUROPE, société civile de placement immobilier à capital variable assurant la constitution et la gestion d'un patrimoine immobilier locatif, est propriétaire de locaux commerciaux situés 12 rue Pierre Dreyfus et 150 boulevard Victor Hugo à Saint-Ouen. Ce dernier local a été donné à bail à la société Darty France en 2003, laquelle a résilié ce bail avec prise d'effet au 12 août 2016. La société requérante a soumis une demande d'indemnisation à la commission de règlement amiable des travaux de prolongement Nord de la ligne 14. Un avis défavorable a été émis à cette demande le 19 avril suivant. Par un courrier du 31 juillet 2017, le directeur de l'opération de prolongement de la ligne 14 de la RATP a informé la SOCIÉTÉ ACTIPIERRE EUROPE du rejet de sa demande. La SOCIÉTÉ ACTIPIERRE EUROPE relève appel du jugement du 7 juin 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur la responsabilité de la RATP :

2. Il appartient au riverain d'une voie publique qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués et, d'autre part, le caractère grave et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général.

3. En premier lieu, la SOCIÉTÉ ACTIPIERRE EUROPE soutient que les travaux en cause ont généré des nuisances ayant provoqué le départ de la société Darty France. Il résulte de l'instruction que les travaux de prolongement de la ligne n° 14 ont nécessité la fermeture du boulevard Victor Hugo dans les deux sens de la circulation sur environ 200 mètres du 8 avril 2015 au 30 août 2016 avec la mise en place d'une déviation par les rues Nadia Guendouz, Dulcie September et Pierre Dreyfus. Le boulevard Victor Hugo a été partiellement rouvert à la circulation à compter du 31 août 2016, tandis que la rue Dora Maar a été interdite à la circulation à l'exception des riverains. Toutefois, les troubles d'exploitation direct résultant de ces travaux sous maîtrise d'ouvrage de la RATP n'ont débuté en ce qui concerne le local en litige que fin août 2016, ainsi qu'il résulte d'ailleurs de l'avis de la commission de règlement amiable. Si la société requérante produit un courrier de la société Darty France du 13 octobre 2016 pour établir l'existence d'un lien de causalité entre ces travaux et son départ de ce local, ce courrier se borne à mentionner une simple " insuffisance de chiffre d'affaires ", sans l'assortir d'éléments chiffrés, et en la présentant, sans autres précisions, comme " la conséquence d'un quartier en cours de modifications lourdes, non stabilisé ". Ces dernières mentions sont insuffisamment circonstanciées, dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'outre l'opération de prolongement en cause, le quartier a fait l'objet à la même époque d'importants travaux de rénovation urbaine. Par ailleurs, il résulte des autres termes de ce courrier, qui indique que la " fermeture (...) se justifierait encore plus aujourd'hui compte tenu de l'environnement de travaux lourds dans lequel se trouve le site ", que la décision de procéder à la fermeture définitive de cet établissement avait été prise par la société Darty France antérieurement aux travaux de prolongement de la ligne n° 14. Enfin, si les procès-verbaux de constat établis à la demande de la société requérante par un huissier les 12 juillet 2016, 8 septembre 2016, et 1er décembre 2017 comportent de nombreuses photographies attestant de l'existence de restrictions à la circulation des voitures et des piétons autour du local en litige, ils ne permettent pas à eux seuls d'établir l'existence d'un lien de causalité direct entre le départ de la société Darty France et les travaux de prolongement de la ligne n° 14, alors au demeurant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la société Darty France aurait elle-même présenté une demande d'indemnisation.

4. En second lieu, la SOCIÉTÉ ACTIPIERRE EUROPE soutient que les restrictions résultant des travaux en cause ont dissuadé d'autres sociétés de prendre à bail le local dont s'agit. Toutefois, la seule circonstance que la société Leclerc l'a informée, par deux courriers datés du

7 octobre 2016, qu'elle renonçait à son projet d'occupation dudit local en raison des travaux en cours n'est pas de nature à établir qu'elle aurait été dans l'impossibilité de louer son bien à une autre société. Si la société requérante n'a loué le local en cause, d'une surface d'environ 1 945 m², à une société exploitant une salle de fitness qu'à compter du 1er juillet 2018, il ne résulte pas de l'instruction que la vacance de ce local pendant une période de deux ans environ est directement liée aux travaux de prolongement de la ligne n° 14. Dans ces conditions, la SOCIÉTÉ ACTIPIERRE EUROPE n'établit pas que les travaux de prolongement de la ligne n° 14 seraient à l'origine de la perte de loyers qu'elle a subie postérieurement au départ de la société Darty France.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la SOCIÉTÉ ACTIPIERRE EUROPE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la RATP à lui verser la somme de 251 286 euros en réparation de ses préjudices.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce point par la SOCIÉTÉ ACTIPIERRE EUROPE. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SOCIÉTÉ ACTIPIERRE EUROPE la somme de 1 500 euros, à verser à la RATP, au titre des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIÉTÉ ACTIPIERRE EUROPE est rejetée.

Article 2 : La SOCIÉTÉ ACTIPIERRE EUROPE versera la somme de 1 500 euros à la RATP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 18VE02924 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE02924
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-04-01 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages créés par l'exécution des travaux publics. Travaux publics de voirie.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: M. CLOT
Avocat(s) : CABINET FAIRWAY

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-10;18ve02924 ?
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