Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 26 janvier 2015 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour faute.
Par un jugement n° 1502469 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 26 janvier 2015 de l'inspecteur du travail.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 janvier 2018, la société Aertec, représentée par la SCP Fidal, cabinet d'avocats, demande à la cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter la demande de M. C... devant le tribunal administratif ;
3° de mettre à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- dès lors que M. C... a eu connaissance de tous les éléments pris en considération par l'inspection du travail pour prendre sa décision, il ne peut relever un manquement au principe du contradictoire ;
- contrairement à ce qu'a soutenu M. C..., la décision de l'inspecteur est suffisamment motivée ;
- la demande d'autorisation de licenciement est juridiquement qualifiée par le mépris des obligations contractuelles ainsi que des règles de sécurité ; ces faits sont fautifs et ne relèvent pas de l'insuffisance professionnelle ;
- les faits reprochés sont avérés et d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public,
- et les observations de Me D... pour la société Aertec.
Considérant ce qui suit :
1. La société Aeterc, spécialisée dans l'aménagement des cabines d'aéronefs sur les sites aéroportuaires, a sollicité, par un courrier du 26 novembre 2014, l'autorisation de licencier pour faute M. B... C..., employé depuis le 1er mars 2005 en qualité de cariste manutentionnaire et exerçant les mandats de membre délégué du personnel titulaire et de membre titulaire du comité d'entreprise. Par une décision du 26 janvier 2015, l'inspecteur du travail a accordé l'autorisation de licencier M. C.... La société Aertec demande à la cour l'annulation du jugement n° 1502469 du 7 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision de 26 janvier 2015 de l'inspecteur du travail.
2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. A l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, les articles R. 2421-4 et R. 2121-11 du code du travail disposent que l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat ".
3. Le caractère contradictoire de l'enquête préalable à la délivrance d'une autorisation administrative de licenciement menée conformément aux dispositions précitées implique que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation. La communication de l'ensemble de ces pièces doit intervenir avant que l'inspecteur du travail ne statue sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur. En outre, le caractère contradictoire de l'enquête préalable impose à l'inspecteur du travail, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement. C'est seulement lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur.
4. Pour annuler la décision de l'inspecteur du travail, le tribunal s'est fondé sur le fait que l'inspecteur du travail n'avait pas transmis dans son courrier complémentaire du 12 janvier 2015 l'intégralité des pièces communiquées par l'employeur le 18 décembre précédent, en omettant notamment de transmettre à M. C... trois pièces relatives au comportement de ce dernier durant son temps de travail et qu'en l'absence d'éléments avancés par l'administration pour établir le contraire, les pièces non transmises à M. C... dans le cadre de l'enquête administrative menée par l'inspecteur du travail devaient être regardées comme présentant un caractère déterminant et de nature à établir la matérialité de la faute à l'origine de la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur. Toutefois si l'accès à l'ensemble des éléments déterminants recueillis par l'inspecteur du travail dans le cadre de l'enquête contradictoire constitue une garantie de procédure pour le salarié protégé, il ressort des pièces du dossier que les éléments permettant à l'inspecteur de vérifier les faits en litige et l'existence de sanctions antérieures, éléments sur lesquels sont fondés sa décision, lui ont été transmis par la société par un courrier du 18 décembre 2014 faisant suite à sa demande du 11 décembre 2014. L'inspecteur a transmis ces éléments déterminants à M. C... par lettre du 12 janvier 2015. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier des termes de la décision en litige, que l'inspecteur se serait fondé sur les autres pièces communiquées par l'employeur et non communiquées à M. C... pour prendre sa décision. Par suite, la société Aertec est bien fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé la décision de l'inspecteur du travail pour irrégularité de la procédure.
5. Il appartient à la cour administrative d'appel saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif et la cour.
6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-10 du code du travail : " La demande d'autorisation de licenciement d'un délégué du personnel, d'un membre du comité d'entreprise ou d'un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement qui l'emploie. / (...) La demande énonce les motifs du licenciement envisagé (...) ". En l'espèce, il est constant que la demande d'autorisation de licenciement ne mentionne pas la qualification de faute. Pour autant, la demande fait référence à d'importants dommages matériels, créés le 3 octobre 2014 chez un client de la société Aertec par M. C..., faits qui se sont produits tant au mépris des obligations contractuelles que des règles élémentaires de sécurité. Ces faits relevant sans ambiguïté d'un comportement fautif de M. C... et non d'une insuffisance professionnelle, c'est sans méconnaître son office et sans commettre d'erreur de droit que l'inspecteur du travail a estimé que la demande d'autorisation, qui était suffisamment motivée, relevait d'un licenciement pour faute.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise visé dans la décision de l'inspecteur du travail a été communiqué par la société à l'appui de sa demande d'autorisation du 26 novembre 2014. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'inspecteur du travail se serait prononcé sur la demande d'autorisation de licenciement sans avoir vérifié la régularité de la procédure suivie devant ledit comité et aurait ainsi méconnu l'étendue de sa compétence ne peut qu'être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée. (...) ". En l'espèce, la décision de l'inspecteur du travail contestée qui détaille les éléments de fait et de droit reprochés, mentionne que ces faits sont établis, fautifs, d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement et l'absence de lien avec les mandats est suffisamment motivée.
9. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que pour établir les faits en litige, l'inspecteur a sollicité par lettre du 11 décembre 2014 des témoignages concernant l'incident du 3 octobre 2014, des justificatifs de détérioration de la pièce et copie des sanctions disciplinaires antérieures de M. C.... En estimant, à la lecture de ces pièces et au regard de l'enquête contradictoire que les faits étaient établis bien que M. C... ne les ait pas reconnus, l'inspecteur du travail n'a pas commis d'erreur d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Aertec est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement en litige, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision en date du 26 janvier 2015 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. C.... Il en résulte que ce jugement doit être annulé. Par suite, les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. C... ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. C... la somme que la société Aertec demande en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1502469 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : La demande de M. C... devant le tribunal administratif est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
N° 18VE00127 2