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08/12/2020 | FRANCE | N°18VE04224

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 08 décembre 2020, 18VE04224


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2011 à raison de la remise en cause de la réduction d'impôt découlant d'un investissement immobilier outre-mer.

Par un jugement n°1606603 du 19 octobre 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une re

quête enregistrée le 19 décembre 2018, M. C..., représenté par Me Drié, avocat, demande à la Cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2011 à raison de la remise en cause de la réduction d'impôt découlant d'un investissement immobilier outre-mer.

Par un jugement n°1606603 du 19 octobre 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 décembre 2018, M. C..., représenté par Me Drié, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge des impositions contestées, procédant de la remise en cause de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies C du code général des impôts ;

3° de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur tous les moyens invoqués et tirés de l'existence d'un permis de construire détenu par la société Kampech'6, de l'effectivité des constructions et des conditions de l'appréciation du seuil de l'agrément préalable ;

- s'agissant de la condition relative à la réalisation de l'investissement, les dispositions de l'article 199 undecies C du code général des impôts, dans leur version antérieure au 31 décembre 2014, n'imposaient pas que le bien immobilier soit achevé dans un délai précis ; en définissant la notion de réalisation de l'investissement comme l'achèvement de la construction, l'administration, ajoute à la loi ; en outre, le délai imparti de dix-huit mois pour investir 95 % de la souscription a été respecté ; enfin, un constat d'huissier du 26 janvier 2015 atteste de la réalité des travaux de construction du logement, objet de l'investissement ;

- s'agissant de la condition relative à la délivrance d'un agrément préalable, les trois dispositifs de défiscalisation des articles 199 undecies A, B et C du code général des impôts sont régis par l'article 217 undecies du même code ; le rescrit publié sous la référence 7/10/2013 BOI-SJ-AGR-40 impose d'apprécier le montant du programme d'investissement au niveau de l'exploitant et, le cas échant, au niveau du bailleur lorsque l'exploitant n'est pas le propriétaire ; la construction de la villa par la SCI Kampech'6 dont le prix de revient de l'investissement total ne dépasse pas la somme de 325 800 euros à l'achèvement de la construction, ne s'insère pas dans un programme ou un ensemble immobilier et, à supposer le contraire, seuls six logements sur huit étaient éligibles à une défiscalisation, de sorte que le prix de revient global du programme, qui s'élève à 1 954 800 euros, est inférieur au seuil de deux millions d'euros nécessitant l'obtention d'un agrément ministériel ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Huon, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a bénéficié, au titre de l'année 2011, d'une réduction d'impôt sur le revenu, en application des dispositions de l'article 199 undecies C du code général des impôts, à raison d'un investissement réalisé par la société civile immobilière (SCI) dénommée Kampech'6, dont il est associé à hauteur de 15%, consistant en la réalisation de logements sociaux en Martinique. A l'issue d'un contrôle sur pièces, et par proposition de rectification du 8 décembre 2014, l'administration a notamment remis en cause cette réduction d'impôt, au motif que l'opération n'était pas éligible au bénéfice de cet avantage fiscal. M. C... fait appel du jugement du 19 octobre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de décharge de ces impositions, procédant du redressement afférent à la réduction d'impôt.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 199 undecies C du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'espèce : " I.- Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison de l'acquisition ou de la construction de logements neufs dans les départements d'outre-mer (...) IV.- La réduction d'impôt est également acquise au titre des investissements réalisés par une société civile de placement immobilier régie par les articles L. 214-50 et suivants du code monétaire et financier ou par toute autre société mentionnée à l'article 8 du présent code, à l'exclusion des sociétés en participation, dont les parts ou les actions sont détenues, directement ou par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, par des contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B, dont la quote-part du revenu de la société est soumise en leur nom à l'impôt sur le revenu, sous réserve des parts détenues par les sociétés d'économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux visées à l'article L. 481-1 du code de la construction et de l'habitation, conformément à l'article L. 472-1-9 du code de la construction et de l'habitation, par les sociétés d'habitations à loyer modéré. Dans ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société au titre de l'année au cours de laquelle les parts ou actions sont souscrites. (...) La réduction d'impôt, qui n'est pas applicable aux parts ou actions dont le droit de propriété est démembré, est subordonnée à la condition que 95 % de la souscription serve exclusivement à financer un investissement pour lequel les conditions d'application du présent article sont réunies. L'associé doit s'engager à conserver la totalité de ses parts ou actions jusqu'au terme de la location prévue au 1° du I. Le produit de la souscription doit être intégralement investi dans les dix-huit mois qui suivent la clôture de celle-ci. (...) VII.- Lorsque le montant par programme des investissements est supérieur à deux millions d'euros, le bénéfice de la réduction d'impôt prévue au présent article est conditionné à l'obtention d'un agrément préalable délivré par le ministre chargé du budget dans les conditions prévues au III de l'article 217 undecies.(...) IX.- Le présent article est applicable aux acquisitions ou constructions de logements réalisées entre la date de promulgation de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer et le 31 décembre 2017. ". Le II de l'article 98 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 dispose que ces dispositions sont applicables à compter de l'imposition des revenus de l'année 2011.

3. Aux termes du III de l'article 217 undecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable prévoit que : " 1. Pour ouvrir droit à déduction, les investissements mentionnés au I (...) doivent avoir reçu l'agrément préalable du ministre chargé du budget, après avis du ministre chargé de l'outre-mer. L'organe exécutif des collectivités d'outre-mer compétentes à titre principal en matière de développement économique est tenu informé des opérations dont la réalisation le concerne. / L'agrément est délivré lorsque l'investissement : / a) Présente un intérêt économique pour le département dans lequel il est réalisé ; il ne doit pas porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou constituer une menace contre l'ordre public ou laisser présumer l'existence de blanchiment d'argent ; / b) Poursuit comme l'un de ses buts principaux la création ou le maintien d'emplois dans ce département ; / c) S'intègre dans la politique d'aménagement du territoire, de l'environnement et de développement durable ; / d) Garantit la protection des investisseurs et des tiers. / L'octroi de l'agrément est subordonné au respect par les bénéficiaires directs ou indirects de leurs obligations fiscales et sociales et à l'engagement pris par ces mêmes bénéficiaires que puissent être vérifiées sur place les modalités de réalisation et d'exploitation de l'investissement aidé. ".

4. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 du présent arrêt que, pour ouvrir droit à la réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies C du code général des impôts, les investissements réalisés outre-mer dans le secteur du logement doivent avoir reçu l'agrément préalable du ministre chargé du budget lorsque leur montant excède deux millions d'euros et que, eu égard à l'objet et aux critères de délivrance de cet agrément, le seuil de deux millions d'euros doit être apprécié, non pas au regard des souscriptions au capital des sociétés, mais au regard du coût total du programme immobilier en vue duquel les souscriptions de parts ou d'actions de sociétés ont été réalisées. Constituent un programme immobilier, les bâtiments collectifs ou les ensembles de logements individuels faisant l'objet d'une même demande de permis de construire et donnant lieu à défiscalisation au sens et pour l'application des dispositions de l'article 199 undecies C du code général des impôts.

5. Pour remettre en cause la réduction d'impôt en litige, l'administration fiscale s'est fondée sur la circonstance que la SCI Kampech'6 ne pouvait être regardée comme ayant réalisé un investissement éligible au dispositif de défiscalisation au titre de l'année 2011 dès lors, d'une part, qu'elle n'avait obtenu aucun permis de construire et que la construction n'était pas achevée, et, d'autre part, qu'aucun agrément ministériel préalable n'avait été délivré alors que le prix de revient de l'ensemble du programme immobilier excédait deux millions d'euros.

6. Il résulte de l'instruction que la société Nordy Promotion bénéficiait, depuis le 21 septembre 2007, d'un permis de construire sur la parcelle cadastrée E-244, sise Ravine Touza à Schoelcher (Martinique), qui lui avait été transféré par la société à responsabilité limitée (SARL) L'Empire, l'autorisant à construire huit logements à usage d'habitation. Le 27 mai 2013, le maire de Schoelcher, faisant suite à une demande déposée le 19 avril 2013, a accordé à la société Nordy Promotion un permis de construire modificatif valant division, qui prévoit qu'un espace commun aux huit lots à construire est affecté à la voirie et aux espaces publics. Le 26 juin 2013, la société Nordy Promotion a vendu à la SCI Kampech'6, l'un des lots, le lot n° 6, consistant en un terrain supportant une construction de type maison individuelle inachevée, pour un montant de 216 424,70 euros toutes taxes comprises. Par un arrêté du 20 mars 2015, le permis de construire modificatif a été transféré partiellement au bénéfice de la SCI Kampech'6 concernant la parcelle E-595 issue de la parcelle E-244.

7. Si les huit maisons du projet Kaza Kampech, ont fait l'objet d'une même demande de permis de construire et doivent être regardées comme constituant un seul et même programme d'investissement, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'un permis de construire modificatif permettant la division de la parcelle E-244 a été délivré à la société Nordy Promotion, puis partiellement transféré à la SCI Kampech'6, le requérant soutient, toutefois, sans être contesté que deux des huit maisons n'étaient pas éligibles au dispositif de défiscalisation prévu à l'article 199 undecies C du code général des impôts, de sorte que le montant global du programme d'investissement immobilier ne s'élevait qu'à 1 954 800 euros. Dans ces conditions, et alors, ainsi qu'il a été au point 4., que seules les opérations relevant des dispositions de l'article 199 undecies C d'un programme d'investissement doivent être prises en compte pour l'appréciation du seuil au-delà duquel l'agrément ministériel est requis, M. C... est fondé à soutenir que le montant global du programme d'investissement immobilier n'excédait pas le seuil de deux millions d'euros prévu au VII de ce même article. Le bénéfice de la réduction d'impôt imputée par M. C... en application de cet article n'était dès lors pas conditionné à l'obtention d'un agrément préalable délivré par le ministre chargé du budget, et l'administration fiscale n'était pas fondée à remettre en cause la réduction d'impôt appliquée par M. C... au titre de l'année 2011 pour ce motif.

8. Si l'administration s'est également fondée sur un second motif tiré de ce que les constructions n'étaient pas achevées en 2011, année où cette réduction d'impôt a été pratiquée, il résulte toutefois des dispositions précitées du IV de l'article 199 undecies C, lesquelles ne prévoyaient alors pas, au demeurant, de conditions liées à la date d'achèvement des fondations ou du logement, que cette condition n'est pas applicable aux contribuables investissant par voie de souscription au capital de sociétés mentionnées à l'article 8 du code général des impôts, pour lesquels le fait générateur de la réduction d'impôt est la souscription des parts ou actions. Par suite, l'administration fiscale n'était pas davantage fondée à remettre en cause, pour ce motif, la réduction d'impôt appliquée par M. C... au titre de l'année 2011

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête tenant à la régularité du jugement, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1606603 du 19 octobre 2018 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : M. C... est déchargé, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011 à raison de la remise en cause de la réduction d'impôt de l'article 199 undecies C du code général des impôts.

Article 3 : L'État versera à M. C... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

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N° 18VE04224


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE04224
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Isabelle DANIELIAN
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : SELARL KIHL-DRIE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-08;18ve04224 ?
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