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08/12/2020 | FRANCE | N°18VE02730

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 08 décembre 2020, 18VE02730


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) SOLVI ENVIRONNEMENT a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la retenue à la source qui lui a été assignée au titre des distributions effectuées au cours des années 2012 et 2013 au profit de la SA Solvi Investments et de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 1713313 du 28 août 2017, le président de la 2

ème section du Tribunal administratif de Paris a transmis au Tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) SOLVI ENVIRONNEMENT a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la retenue à la source qui lui a été assignée au titre des distributions effectuées au cours des années 2012 et 2013 au profit de la SA Solvi Investments et de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 1713313 du 28 août 2017, le président de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris a transmis au Tribunal administratif de Montreuil sa demande.

Par un jugement n° 1707770 du 28 juin 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 août 2018 et 8 avril 2019, la SASU SOLVI ENVIRONNEMENT, représentée par Mes Milhac et Delion, avocats, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge sollicitée ;

3° de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4° de condamner l'État aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- le service a, à tort, remis en cause le bénéfice du régime d'exonération de retenue à la source prévu à l'article 119 ter du code général des impôts au motif que le siège de direction effective de la société Solvi Investment SA n'était pas établi au Luxembourg, alors que tel est le cas ;

- la retenue à la source prévue à l'article 119 bis du même code ne saurait être appliquée aux distributions versées en 2012 et 2013 dès lors que la société Solvi Investment SA était alors en situation déficitaire.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune, signée à Paris le 1er avril 1958, modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 22 novembre 2018, Sofina SA, Rebelco SA et Sidro SA contre ministre de l'action et des comptes publics (affaire C-575/17) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,

- et les observations de Me Milhac, avocat de la SASU SOLVI ENVIRONNEMENT.

Considérant ce qui suit :

1. La SASU SOLVI ENVIRONNEMENT, dont le siège social est situé 4 rue de Marivaux à Paris (75002) a été constituée, le 14 octobre 2005, pour le rachat de l'intégralité des actions de la société Suez Ambiental Participaoes, société holding de droit brésilien opérant sur le marché des services environnementaux au Brésil, auprès de la société Suez Environnement. Elle fait partie du groupe Solvi, dont le centre opérationnel, situé en Amérique du sud, intervient dans le domaine du traitement des déchets publics et privés, de l'assainissement, de la valorisation énergétique et de l'ingénierie. Son capital est détenu par la société holding luxembourgeoise Solvi Investments SA, dont M. C... A... est administrateur de classe A et dont l'objet principal consiste en la prise de participations sous quelque forme que ce soit dans toute entreprise, ainsi qu'en l'administration, la gestion, le contrôle et le développement de ces participations. A la suite d'une vérification de comptabilité au titre des années 2012 et 2013, le service a remis en cause l'exonération de retenue à la source prévue au I de l'article 119 ter du code général des impôts, revendiquée par la SASU SOLVI ENVIRONNEMENT et appliquée aux dividendes versés au cours de ces années à son actionnaire, au motif, d'une part, que le siège de direction effective de la société Solvi Investment SA n'était pas établi au Luxembourg et, d'autre part, que celle-ci était indirectement contrôlée par un résident d'un État non membre de l'Union européenne, M. C... A.... La SASU SOLVI ENVIRONNEMENT fait appel du jugement du 28 juin 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des retenues à la source qui lui ont, en conséquence, été assignés au titre des années 2012 et 2013.

2. Aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". Les dividendes figurent au nombre des produits visés aux articles 108 à 117 bis de ce code. En application de l'article 187 du même code, le taux de la retenue à la source est fixé en principe à 30 % du montant de ces revenus. Il est réduit à 5 ou 15 %, selon que le bénéficiaire des dividendes est une société de capitaux qui détient directement au moins 25% du capital social de la société de capitaux qui distribue les dividendes ou non, par le paragraphe 2 de l'article 8 de la convention fiscale conclue le 1er avril 1958 entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg, alors applicable.

3. Dans l'arrêt du 22 novembre 2018 par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux l'avait saisie à titre préjudiciel par sa décision du 20 septembre 2017, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que, du fait de la différence de technique d'imposition des dividendes entre les sociétés non-résidentes, qui sont imposées immédiatement et définitivement lors de leur perception par une retenue à la source, et les sociétés résidentes, qui sont imposées en fonction du résultat net bénéficiaire ou déficitaire enregistré, la législation française procure un avantage fiscal substantiel aux sociétés résidentes en situation déficitaire dont ne bénéficient pas les sociétés non-résidentes déficitaires et que cette différence de traitement dans l'imposition des dividendes, qui ne se limite pas aux modalités de perception de l'impôt, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux qui n'est pas justifiée par une différence de situation objective. En l'absence de justification pertinente à cette restriction, la Cour de justice a dit pour droit que " les articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation d'un État membre, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle les dividendes distribués par une société résidente font l'objet d'une retenue à la source lorsqu'ils sont perçus par une société non-résidente, alors que, lorsqu'ils sont perçus par une société résidente, leur imposition selon le régime de droit commun de l'impôt sur les sociétés ne se réalise à la fin de l'exercice au cours duquel ils ont été perçus qu'à la condition que le résultat de cette société ait été bénéficiaire durant cet exercice, une telle imposition pouvant, le cas échéant, ne jamais intervenir si ladite société cesse ses activités sans avoir atteint un résultat bénéficiaire depuis la perception de ces dividendes ". Il résulte de ce qui précède que le droit de l'Union européenne fait obstacle à ce qu'en application des dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, une retenue à la source soit prélevée sur les dividendes perçus par une société non-résidente qui se trouve, au regard de la législation de son État de résidence, en situation déficitaire.

4. La SASU SOLVI ENVIRONNEMENT, à qui il appartient d'établir que la société luxembourgeoise Solvi Investments SA était dans une telle situation déficitaire au regard de la législation de son état de résidence, en l'espèce le Grand-Duché de Luxembourg, se prévaut des liasses fiscales produites devant les premiers juges faisant apparaître que celle était déficitaire, au titre de l'exercice clos en 2012, à hauteur de 111 822,96 euros ainsi qu'au titre de l'exercice clos en 2013, à hauteur de 148 289,60 euros. Dans ces conditions et en l'absence de contestation du ministre de l'action et des comptes publics sur ce point, la société requérante est fondée à faire valoir l'existence d'une restriction à la liberté d'établissement et à soutenir que le droit de l'Union faisait obstacle à ce qu'en application des dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, une retenue à la source soit prélevée sur les dividendes en litige.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête, que la SASU SOLVI ENVIRONNEMENT est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, la présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions de la SASU SOLVI ENVIRONNEMENT tendant à ce que l'État soit condamné aux dépens ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1707770 du 28 juin 2018 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La SASU SOLVI ENVIRONNEMENT est déchargée de la retenue à la source qui lui a été assignée au titre des distributions effectuées au cours des années 2012 et 2013 au profit de la SA Solvi Investments.

Article 3 : L'État versera à la SASU SOLVI ENVIRONNEMENT la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SASU SOLVI ENVIRONNEMENT est rejeté.

2

N° 18VE02730


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE02730
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-06-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers. Retenues à la source.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Patrick BRESSE
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-08;18ve02730 ?
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