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03/12/2020 | FRANCE | N°19VE04341

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 03 décembre 2020, 19VE04341


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... alias D... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2019 par lequel le préfet des Yvelines a rejeté sa demande de titre de séjour pour soins, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1906173 du 18 novembre 2019, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29

décembre 2019, M. C... alias D..., représenté par Me Herrero, avocat, demande à la Cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... alias D... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2019 par lequel le préfet des Yvelines a rejeté sa demande de titre de séjour pour soins, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1906173 du 18 novembre 2019, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 décembre 2019, M. C... alias D..., représenté par Me Herrero, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4° de mettre à la charge de l'État la somme de 2 400 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement attaqué :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne répond pas au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- elle est entachée d'insuffisance de motivation et de défaut d'examen particulier ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 6-5 et 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale dès lors qu'elle se fonde sur la décision portant refus de séjour qui est elle-même illégale ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale dès lors qu'elle se fonde sur la décision portant obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guével a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C... alias D..., ressortissant algérien né le 23 juillet 1992 à Tizi Gheniff, qui est entré en France le 2 septembre 2018 muni d'un passeport revêtu d'un visa court séjour de quinze jours pour une visite touristique et délivré par les autorités consulaires espagnoles à Alger, a sollicité le 30 décembre 2018 l'obtention d'un certificat de résidence algérien d'un an portant la mention " vie privée et familiale " à titre d'étranger malade sur le fondement des stipulations de l'article 6-7° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Toutefois, par arrêté du 5 juillet 2019, le préfet des Yvelines a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... alias D... relève appel du jugement du 18 novembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte du jugement attaqué que les premiers juges ont omis de répondre aux moyens soulevés par M. C... alias D..., et tirés, d'une part, de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle, ce moyen étant invoqué en page 9 de la demande de première instance, et, d'autre part, de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen étant pourtant visé dans le jugement. Ainsi, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. C... alias D... tendant à l'annulation de la décision distincte du 5 juillet 2019 du préfet des Yvelines portant obligation de quitter le territoire français.

3. Il y a lieu de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. C... alias D... devant le Tribunal administratif de Versailles tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement ci-dessus et, par l'effet dévolutif de l'appel, sur les demandes d'annulation des autres décisions distinctes contenues dans l'arrêté préfectoral du 5 juillet 2019.

Sur la légalité de l'arrêté du 5 juillet 2019 du préfet des Yvelines :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

4. M. C... alias D... reprend en appel, en des termes identiques, le moyen de légalité externe soulevé en première instance, à l'encontre de la décision portant rejet de sa demande de certificat de résidence algérien. Dans ces conditions, ce moyen, relatif à l'insuffisance de motivation, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 2 du jugement attaqué.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. M. C... alias D... soutient qu'il réside en France depuis moins de deux ans. Toutefois, il ne produit toutefois aucune pièce de nature à corroborer ses allégations relatives à son intégration en France. En outre, âgé de vingt-six ans à la date de l'arrêté attaqué, il est célibataire et sans charge de famille sur le territoire français. Enfin, il ne conteste pas conserver des attaches familiales dans son pays d'origine. Il suit de là, que la décision portant refus de séjour n'a pas porté au droit de M. C... alias D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

7. Aux termes des articles 6-5 et 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ".

8. M. C... alias D... reprend en appel en des termes identiques avec des éléments nouveaux, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 6-5 et 6-7 de l'accord franco-algérien précité. Il produit trois nouvelles pièces, à savoir notamment une copie de certificat médical presque illisible mais d'où il ressort qu'il lui serait impossible de s'équiper d'une pompe à insuline sur le territoire algérien, une copie d'un certificat médical daté du 26 septembre 2019 indiquant qu'une pompe à insuline a été posée, enfin un avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) relatif à son état de santé d'où il ressort qu'une prise en charge médicale est nécessaire sans que cependant rien ne s'oppose à ce qu'elle soit réalisée dans le pays d'origine du requérant, l'Algérie, ni à ce que l'intéressé puisse voyager pour rejoindre ce pays. Ainsi, le requérant n'apporte pas d'éléments de nature à remettre en cause l'appréciation motivée portée par les premiers juges, qui ont notamment relevé que le préfet n'avait pas commis d'erreur d'appréciation des faits en retenant que l'Algérie, sur avis de l'OFII, est en mesure de lui procurer un traitement classique par injections. Dès lors, le requérant n'établit pas que la décision porterait une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale ni qu'elle empêcherait la continuité des soins dont il se prévaut. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 6-5 et 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit être écarté par adoption, à bon droit, des points 5 et 10 du jugement attaqué.

9. M. C... alias D... soutient que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle. Toutefois, pour les motifs exposés aux points 4 et 6 du présent arrêt, ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En l'absence d'illégalité établie de la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien, M. C... alias D... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale. Par suite, l'exception d'illégalité doit être écartée.

11. En vertu des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, si la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français doit être motivée, elle n'a toutefois pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour, en particulier dans le cas où la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou alors si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré.

12. Dans la mesure où la décision du 5 juillet 2019 par laquelle le préfet des Yvelines a rejeté la demande de certificat de résidence algérien présentée par M. C... alias D... comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est donc suffisamment motivée, le moyen tiré de l'absence de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français manque en fait.

13. Pour les motifs mentionnés au point 6 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

14. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

15. M. C... alias D... allègue sans l'établir qu'il serait exposé à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention précitée, en particulier à raison de son état de santé et des soins que celui-ci requiert, en cas de retour dans son pays d'origine, l'Algérie. Par suite, le moyen doit être écarté.

16. Pour les motifs exposés aux points 6, 8, 9, 13 et 15 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de M. C... alias D... doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

17. Il ressort de ce qui vient d'être dit que M. C... alias D... n'établit pas que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'illégalité. Par suite, il n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination à raison de cette prétendue illégalité.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... alias D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions en annulation dirigées à l'encontre des décisions distinctes, contenues dans l'arrêté du 5 juillet 2019 du préfet des Yvelines portant refus de séjour et détermination du pays de renvoi. En outre, la demande présentée par l'intéressé devant le Tribunal administratif de Versailles, et tendant à l'annulation de la décision préfectorale du 5 juillet 2019 portant obligation de quitter le territoire français doit être rejetée. Par voie de conséquence, les conclusions en injonction présentées par M. C... alias D... à fins d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1906173 du 18 novembre 2019 du Tribunal administratif de Versailles doit être annulé en tant qu'il a statué sur la demande de M. C... alias D... tendant à l'annulation de la décision distincte du 5 juillet 2019 du préfet des Yvelines portant obligation de quitter le territoire français.

Article 2 : La demande présentée par M. C... alias D... devant le Tribunal administratif de Versailles, et tendant à l'annulation de la décision du 5 juillet 2019 du préfet des Yvelines portant obligation de quitter le territoire français, ses conclusions d'appel tendant à l'annulation des décisions préfectorales du même jour portant refus de séjour et détermination du pays de renvoi, ses conclusions en injonction et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 19VE04341


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE04341
Date de la décision : 03/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. GUÉVEL
Rapporteur ?: M. Benoist GUÉVEL
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : HERRERO

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-03;19ve04341 ?
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