Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... C... a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner la commune des Mureaux à lui verser une somme de 287 265,32 euros au titre de plusieurs préjudices, et de mettre à la charge de la commune des Mureaux une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1507181 du 21 juin 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 8 août 2018, 12 février et 7 octobre 2019, Mme C..., représentée par Me Pain-Vernerey, avocat, demande à la Cour :
1° de condamner la commune des Mureaux à lui verser une somme de 233 835,38 euros, composée de 60 768 euros au titre de la perte de chance de percevoir une pension de retraite en surcote, 152 640 euros correspondant à la différence entre la pension de retraite promise et celle effectivement perçue, 427,38 euros au titre des cotisations versées pendant les 6 derniers mois de son activité et 20 000 euros au titre du préjudice moral ;
2° de mettre à la charge de la commune des Mureaux une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- s'agissant de la régularité du jugement, les premiers juges ont " dénaturé les pièces du dossier " et omis de se prononcer sur la somme qu'elle demandait au titre du préjudice moral ;
- ils ont commis une erreur manifeste d'appréciation en ne retenant pas la responsabilité fautive de l'administration à raison des faits exposés ;
- au fond, l'administration a commis une faute en lui attribuant, à compter du 1er juillet 2014, un indice personnel supérieur à celui qu'elle pouvait légalement détenir au regard de son grade et cadre d'emploi et l'a induite en erreur en lui promettant la liquidation de sa pension de retraite sur le fondement de cet indice surévalué, alors que c'était illégal ;
- elle-même n'a pas commis de faute de nature à exonérer la commune de sa responsabilité ;
- cette faute de la commune a directement causé plusieurs préjudices, premièrement, le manque à gagner tiré du différentiel de 20,07 % entre le montant de la pension promise et celui de sa pension réelle, ce qui correspond à une somme de 152 640 euros compte tenu de son espérance de vie, deuxièmement, la perte de chance d'obtenir une pension de retraite plus élevée, en partant en retraite à 63 ans, au 1er août 2017, ce qui correspond à une somme de 60 768 euros, troisièmement, le quantum des cotisations supplémentaires qui n'a pas été compensé par son augmentation de salaire au cours de ses six derniers mois d'activité, à savoir 427,38 euros et, quatrièmement, le préjudice moral consécutif à la vente précipitée de son logement sis aux Mureaux, évalué à une somme de 20 000 euros.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- le décret n° 2007-173 du 7 février 2007 ;
- le décret n° 2011-2103 du 30 décembre 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., substituant Me B..., pour la commune des Mureaux.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F... C..., attachée territoriale née le 25 octobre 1954, a été admise à la retraite à compter du 1er janvier 2015. Sa retraite a été liquidée sur la base de l'indice brut 759 (indice nouveau majoré 626), correspondant au 11ème échelon du grade d'attaché territorial, qui lui avait été conféré par arrêté du 3 juillet 2014, six mois avant son admission à la retraite. Par courriers des 10 février 2015, 5 mars 2015 et 4 mai 2015, elle a demandé la révision du montant de sa pension, afin qu'il soit calculé sur l'indice de rémunération brut 966 (indice nouveau majoré 783), correspondant au 10ème et dernier échelon du grade d'attaché principal de l'administration territoriale, dont elle bénéficiait à titre personnel depuis le 1er juillet 2014 par arrêté du 19 janvier 2015 portant régularisation rétroactive de sa situation. Toutefois, la caisse de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) a opposé un refus à cette demande par lettre du 4 juin 2015, dont Mme C... a demandé l'annulation au Tribunal administratif de Bordeaux, qui a rejeté sa demande par un jugement n° 1503664 rendu le 25 octobre 2016. En parallèle, elle a présenté une demande indemnitaire préalable à la commune des Mureaux le 14 septembre 2015. Elle a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner la commune des Mureaux à lui verser une somme de 287 265,32 euros mais, par le jugement attaqué du 21 juin 2018, sa demande a été rejetée. Elle en relève appel devant la Cour.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, Mme C... soutient que les premiers juges auraient " dénaturé les pièces du dossier " et omis de se prononcer sur la somme qu'elle demandait au titre du préjudice moral, qui était invoqué, en particulier, dans sa demande introductive d'instance. Elle y faisait valoir la vente de sa maison " en-deçà du prix du marché pour que la vente se fasse plus rapidement, estimant avoir perdu 40 000 euros sur cette opération. Cette situation engendre un préjudice moral qui sera indemnisé à hauteur de 20 000 euros ". L'examen du point 6. du jugement attaqué fait apparaître que les premiers juges ont estimé que " Mme C... n'est pas fondée à demander l'indemnisation de préjudices résultant de son départ en retraite au 1er janvier 2015 à raison de la vente de sa maison, dont le caractère précipité et inférieur au prix du marché n'est au demeurant pas démontré ". Par cette rédaction, les premiers juges se sont prononcés, notamment, sur l'absence d'indemnisation au titre du préjudice moral lié à la vente de cette maison. Les moyens susanalysés doivent ainsi être écartés.
3. En second lieu, Mme C... soutient que les premiers juges auraient commis une erreur manifeste d'appréciation et une erreur de fait, en ne retenant pas la responsabilité fautive de l'administration à raison des faits exposés. Toutefois, ces moyens se rapportent au bien-fondé du jugement et non à sa régularité. Ils doivent être écartés pour ce motif.
Sur les conclusions indemnitaires :
4. Selon l'article 20 alinéa 2 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Le montant du traitement est fixé en fonction du grade de l'agent et de l'échelon auquel il est parvenu, ou de l'emploi auquel il a été nommé. ". Aux termes de l'article 17 du décret du 26 décembre 2003 susvisé : " I. - aux fins de sa liquidation, le montant de la pension est calculé en multipliant le pourcentage de liquidation tel qu'il résulte de l'application de l'article 16 par le traitement soumis à retenue afférent à l'indice correspondant à l'emploi, grade, classe et échelon effectivement détenus depuis six mois au moins par le fonctionnaire au moment de la cessation des services valables pour la retraite (...) ".
5. En principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain. La responsabilité de l'administration ne saurait être engagée pour la réparation des dommages qui ne trouvent pas leur cause dans cette illégalité mais découlent directement et exclusivement de la situation irrégulière dans laquelle la victime s'est elle-même placée, indépendamment des faits commis par la puissance publique, et à laquelle l'administration aurait pu légalement mettre fin à tout moment.
6. Par arrêté du 19 janvier 2015 signé pour le maire de la commune des Mureaux par M. A... H..., directeur général des services, l'indice de rémunération personnel de Mme C... a été porté rétroactivement, à partir du 1er juillet 2014, à l'indice brut 966 correspondant au 10ème échelon du grade d'attaché principal, alors qu'à cette date l'intéressée se trouvait au 11ème échelon du grade d'attaché, à l'indice brut 759. Cet arrêté du 19 janvier 2015, pris postérieurement à la date du 1er janvier 2015 du départ en retraite de Mme C..., n'avait pas pour objet de promouvoir l'intéressée, n'était pas accompagné de son affectation dans les fonctions et responsabilités correspondantes, ni même, ne correspondait à leur occupation par l'intéressée. Cet arrêté avait pour unique finalité de lui conférer un avantage exorbitant de la règlementation en vigueur, à savoir un supplément indiciaire de 207 points à faire valoir pour la liquidation de sa retraite. Dans ces conditions, cet arrêté revêt un caractère purement pécuniaire et, par conséquent, est une décision nulle et non avenue, non créatrice de droits, à laquelle l'administration était tenue de mettre fin.
7. Dans cette optique, la commune des Mureaux doit être regardée comme ayant commis une faute de nature à engager sa responsabilité en prenant cet arrêté du 19 janvier 2015 en tant qu'il contient la mesure à caractère purement pécuniaire telle qu'analysée au point précédent du présent arrêt, puis en faisant pression sur la CNRACL à plusieurs reprises en février et mars 2015 pour que la pension de Mme C... soit liquidée sur la base d'un traitement indiciaire supérieur de 207 points à celui auquel elle pouvait légalement prétendre au titre de l'article 17 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif à la CNRACL, susvisé. En effet, postérieurement à la prise de l'arrêté du 19 janvier 2015 et ayant connaissance des bases de liquidation de la retraite de l'intéressée, le maire de la commune des Mureaux a contacté le directeur des gestions mutualisées de la CNRACL afin d'" attirer son attention sur la situation de Mme C... " ainsi qu'il ressort du courrier par lequel ce directeur de la CNRACL a répondu au maire le 20 février 2015 afin de lui confirmer l'indice brut retenu à savoir 759. Puis par un courrier du 16 mars 2015, Mme I... E..., maire-adjointe en charge de la politique des ressources humaines a saisi le directeur de la caisse des dépôts de ce que Mme C... " doit être enregistrée à l'échelon brut retenu pour la liquidation à l'indice 966 et non 759 ".
8. D'autre part, Mme C..., agent de la commune des Mureaux depuis 42 ans, qui était gestionnaire de maintenance du logiciel de gestion des carrières et des paies de l'ensemble des agents de la commune, déclare que pendant sa dernière période d'activité, elle était chargée de la synthèse et la vérification des paies. En particulier, elle fait état que dans l'exercice de ses fonctions elle a eu connaissance, en 2013, du cas d'un agent " ayant bénéficié d'un indice personnel ", " parti en retraite avec un indice personnel qui ne correspondait pas à ses fonctions " dont elle aurait signalé l'irrégularité. Dans les circonstances de l'espèce, Mme C..., compte tenu de ses compétences, ne pouvait ignorer qu'elle n'avait aucun droit à ce que sa pension soit liquidée en retenant un tel indice, attribué rétroactivement à titre personnel pour ses six derniers mois d'activité, alors qu'il ne correspondait ni à son grade si à ses fonctions, la plaçant ainsi dans une situation irrégulière similaire à celle qu'elle déclare avoir elle-même signalée au sujet d'un autre agent, ainsi qu'il vient d'être dit. Par voie de conséquence, elle doit être regardée comme ayant eu pleinement conscience de l'irrégularité de la demande la concernant, tendant à l'obtention, au titre de la retraite, d'un avantage exorbitant du droit commun et conséquemment de ce que cette démarche irrégulière, dont l'unique objectif était son profit personnel, n'avait aucune chance de prospérer, eu égard au rôle de contrôle de légalité tenu par la CNRACL.
9. Par voie de conséquence et en tout état de cause, Mme C... ne peut pas se prévaloir sérieusement de ce que l'échec de cette démarche irrégulière et conjointe, aurait entraîné pour elle un préjudice financier consistant en un " manque à gagner ", ainsi qu'elle le qualifie, tiré du différentiel entre un montant espéré de la pension et le montant réellement liquidé au 1er janvier 2015. En effet les préjudices allégués doivent être regardés comme découlant directement et exclusivement de la situation irrégulière dans laquelle elle s'est elle-même placée. Il en va de même, et pour les mêmes motifs, des autres préjudices allégués, relatifs premièrement à la " perte de chance " d'obtenir une pension de retraite plus élevée en partant en retraite à 63 ans, au 1er août 2017, deuxièmement d'un préjudice financier lié au quantum des cotisations supplémentaires qui n'aurait pas été compensé par son augmentation de salaire au cours de ses six derniers mois d'activité et enfin, d'un préjudice moral consécutif à la vente de son logement sis aux Mureaux, tous préjudices qui, en tout état de cause, ne sont pas davantage établis devant la Cour qu'en première instance.
10. Il suit de tout ce qui précède, que Mme C... n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué n° 1507181 rendu le 21 juin 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté l'intégralité de sa demande indemnitaire. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter le surplus des conclusions de la commune des Mureaux.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Mme C... versera une somme de 2 000 euros à la commune des Mureaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune des Mureaux est rejeté.
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N° 18VE02814