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01/12/2020 | FRANCE | N°17VE01643

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 01 décembre 2020, 17VE01643


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Mutuelle Assurance des Travailleurs Mutualistes (MATMUT), a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner le centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye à lui verser, en sa qualité de subrogé dans les droits de M. C..., une somme de 187 911,19 euros, à raison des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée.

Par un jugement n° 1400282 du 28 mars 2017, le Tribunal administratif de Versailles a condamné le centre hospitalier intercomm

unal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye à verser à la société Matmut une somme t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Mutuelle Assurance des Travailleurs Mutualistes (MATMUT), a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner le centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye à lui verser, en sa qualité de subrogé dans les droits de M. C..., une somme de 187 911,19 euros, à raison des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée.

Par un jugement n° 1400282 du 28 mars 2017, le Tribunal administratif de Versailles a condamné le centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye à verser à la société Matmut une somme totale de 17 500 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 23 mai 2017 et le 12 avril 2018, la société Mutuelle Assurance des Travailleurs Mutualistes (MATMUT), représentée par Me Raoult, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1400282 du 28 mars 2017 du Tribunal administratif de Versailles en tant qu'il a limité le montant de l'indemnité qui lui a été accordée à la somme de 17 500 euros ;

2° de condamner le centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye à lui verser la somme de 187 911,19 euros ;

3° de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement doit être confirmé en tant qu'il a retenu que l'infection présentée par M. C... est une infection nosocomiale dont la réparation incombe au centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye ;

- elle justifie de la réalité des versements effectués au profit de M. C... du fait de cette infection nosocomiale pour un montant total de 187 911,19 euros.

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Grosholz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 23 juillet 2002, M. B... C..., alors âgé de 46 ans, a été victime d'un accident de la circulation impliquant M. A..., assuré auprès de la société MATMUT. M. C... a été pris en charge par les services du centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye et opéré le jour même de blessures à la main gauche et au membre inférieur gauche. Contraint de subir plusieurs interventions chirurgicales entre juillet 2002 et octobre 2004 au sein du centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en- Laye et du centre hospitalier des Bords de Seine, M. C... a été victime au cours de ses hospitalisations d'infections à l'origine de complications médicales. M C... a saisi le juge des référés du Tribunal de grande instance de Versailles sollicitant la tenue d'une expertise médicale, qui a été confiée au Docteur Kipfer. Le rapport définitif a été déposé le 15 février 2008. La société MATMUT, qui a réglé à M. C... des sommes en réparation de son préjudice avant qu'une transaction d'indemnisation ne soit ensuite conclue le 16 août 2011 entre M. C... et la société d'assurances, a demandé au Tribunal administratif de Versailles la condamnation du centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, à lui rembourser les sommes réglées directement à M. C... pour un montant total de 187 911,19 euros. Par un jugement n° 1400282 du 28 mars 2017, le Tribunal administratif de Versailles a condamné le centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye à verser à la société MATMUT une somme totale de 17 500 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires. La société MATMUT relève appel de ce jugement. Le centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye présente, quant à lui, un appel incident.

Sur le principe de la responsabilité du centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye :

2. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. ". Si ces dispositions font peser sur l'établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales, qu'elles soient exogènes ou endogènes, à moins que la preuve d'une cause étrangère soit rapportée, seule une infection survenant au cours ou au décours d'une prise en charge et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge, peut être qualifiée de nosocomiale.

3. Il résulte, d'une part, de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise établi par le docteur Kipfer, qu'à la suite de l'accident de circulation dont il a été victime le 23 juillet 2002, M. C... a été pris en charge par le centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye et y a été opéré le jour même de plusieurs fractures dont une fracture du pilon tibial gauche. Deux autres interventions ont eu lieu les 27 juillet et 31 juillet 2002 pour une ostéosynthèse de cette fracture. M. C... est ensuite sorti de l'hôpital le 5 août 2002. En octobre 2002, le patient a toutefois été réhospitalisé au centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye pour une nouvelle intervention sur la jambe gauche à la suite d'une torsion de la plaque. Il a effectué sa convalescence à la clinique des Bords de Seine. Le 28 novembre, le patient était revu en consultation au centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye et le 4 décembre, lors d'une consultation, était observée une mise à nu des tendons péroniers du fait d'une nécrose cutanée. Du 19 au 22 décembre 2002, le patient a été hospitalisé au centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye pour une réintervention sur la zone. En avril 2003, la cicatrice a présenté un aspect inflammatoire et en juin 2003, l'apparition d'une pseudo collection en regard de la cicatrice a justifié une nouvelle hospitalisation du 20 juin au 17 juillet 2003 pour un diagnostic de sepsis cutané. Le 21 juin, M. C... sera réopéré et la bactériologie per-opératoire mettra en évidence un staphylocoque lugdumensis. Une nouvelle intervention du 26 juin 2003 mettra en évidence un staphylocoque doré. A compter de mars 2004, M. C... a souffert d'une tuméfaction tibiale interne, en raison de l'absence de consolidation osseuse et une ponction mettra en évidence la persistance d'un staphylocoque lugdumensis rendant nécessaire une intervention chirurgicale le 17 mars 2004. En août 2004, la découverte d'un staphylocoque épidermidis justifiera une nouvelle intervention chirurgicale. Les soins locaux ne prendront fin qu'en mai 2005 et un appui total sur la jambe ne sera possible qu'en août 2005.

4. Il résulte, d'autre part, de l'instruction que si le rapport d'expertise établi par le Docteur Kipfer indique que la pénétration du germe de staphylocoque lugdumensis a pu se faire au centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye ou lors de la convalescence sans pouvoir affirmer une origine hospitalière, le rapport rédigé par le Docteur Kernbaum, sollicité comme sapiteur infectiologue, rappelle que ce germe a été isolé lors de la cinquième intervention du 21 juin 2003 alors qu'une inflammation cutanée avait été décelée. Il note également que la nécrose cutanée observée lors de la consultation du 4 décembre 2002 a été vraisemblablement la porte d'entrée de l'infection. Il poursuit en indiquant que le germe alors décelé est un germe normalement présent sur la peau de l'homme sain et que les très rares infections qu'il peut créer sont toujours observées en milieu hospitalier. Il conclut " c'est donc, comme chez M. C..., un germe responsable d'infections nosocomiales ". Il résulte ainsi de l'instruction que l'infection est probablement due à la mauvaise cicatrisation, favorisée par le terrain du patient et la fragilité cutanée qui a laissé pénétrer le germe qui a été isolé. Du fait de la proximité osseuse et du matériel, le germe est ainsi devenu pathogène en atteignant cette zone. Si le sapiteur n'exclut pas radicalement une contamination en séjour de convalescence à la suite de la chute d'une escarre, il nuance son propos, indiquant également qu'il existait un pansement en regard du péroné et qu'il n'est pas évident qu'il ait été défait lors de ce séjour. Le Docteur Kernbaum considère donc le germe comme étant à l'origine de l'infection et conclut en faveur du caractère nosocomial de l'infection. Les conclusions récapitulatives finales rédigées le 15 février 2007 par les experts, au regard de tous ces éléments, se rallient également à la thèse du caractère nosocomial de l'infection favorisée par la fragilité épidermique de la zone lésée. Dès lors, l'infection dont M. C... a été victime à l'issue, notamment, de l'intervention du 21 juin 2003, révélée à la suite d'interventions réalisées au centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye doivent être regardées comme survenues au cours et au décours de la prise en charge hospitalière dont il a fait l'objet et comme présentant un caractère nosocomial sans que le centre hospitalier, qui n'apporte pas la preuve d'une cause étrangère, puisse utilement faire valoir en défense que ce caractère nosocomial ne serait pas démontré par la société requérante. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé que le caractère nosocomial des infections contractées par M. C... résultait de l'instruction et que ce caractère nosocomial engageait la responsabilité du centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye.

Sur l'étendue de la responsabilité du centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye :

A titre préalable, sur l'étendue de la subrogation :

5. Si les premiers juges ont limité le quantum des demandes susceptibles d'être demandées par la société MATMUT à la somme de 17 500 euros considérant que la société ne pouvait, eu égard aux pièces qu'elle produisait, être regardée comme justifiant d'une subrogation qu'à hauteur de ce seul montant, les pièces versées au dossier d'appel par la société MATMUT, et notamment, les quittances provisionnelles relatives aux versements faits par la société MATMUT à M. C..., et l'attestation rédigée par son conseil reconnaissant avoir perçu des sommes sur son compte CARPA pour un montant bien supérieur, attestent désormais de l'existence d'une subrogation à hauteur des sommes dont le remboursement est demandé par la société appelante.

Sur la réfaction demandée par le centre hospitalier :

6. Le centre hospitalier intercommunal demande une réfaction sur la somme totale à laquelle il est susceptible d'être condamné par application d'un taux de responsabilité limité à 50 % dès lors qu'il ne serait pas possible de savoir dans quel établissement l'infection a été contractée, cette dernière ayant pu être contractée lors du séjour de M. C..., alors en convalescence, à la clinique des Bords de Seine en novembre 2002. Toutefois, contrairement à ce que fait valoir le défendeur, le rapport du Docteur Serge Kernbaum, sur lequel le centre hospitalier fonde cette prétention, n'émet pas de réel doute sur ce point dès lors que, s'il évoque ce séjour en maison de convalescence, il relève qu'il existait un pansement en regard du péroné et qu'il n'est pas établi qu'il ait été défait. Dès lors, le centre hospitalier n'est pas fondé à demander que sa responsabilité ne soit retenue qu'à hauteur de 50 % pour ce motif.

En ce qui concerne les préjudices :

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

Quant aux dépenses de santé non prises en charge par la caisse primaire d'assurance maladie :

7. En premier lieu, la société MATMUT se prévaut de frais d'achats de matériels divers non pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie et dont elle justifie par la production des tickets d'achats de ces produits. Si le centre hospitalier conteste spécifiquement la dépense consistant en l'achat de béquilles dès le mois d'août 2002 alors que le patient, auquel une plaque venait d'être posée, devait impérativement rester immobile, il résulte de l'instruction que la pose de cette plaque interdisait impérativement tout appui sur la jambe et nécessitait donc des béquilles pour les quelques déplacements mêmes très réduits auxquels M. C... était nécessairement astreint. Il demeure que la société MATMUT est fondée à demander la réparation des seuls frais directement en lien avec l'infection nosocomiale contractée. Ainsi, s'agissant des frais correspondant à l'achat de matériels divers (compresses, sparadraps...), la société ne peut demander à être remboursée des frais exposés avant le 21 juin 2003. Elle n'est, par ailleurs, pas fondée à solliciter le remboursement des frais liés aux hospitalisations de M. C... et correspondant à la location de matériel de télévision ou encore des frais correspondant à l'achat de tickets repas " accompagnants ". Il résulte de ce qui précède que la société MATMUT est donc seulement ainsi fondée à demander le remboursement de ces dépenses de santé à hauteur de 169,58 euros.

8. En deuxième lieu, la société MATMUT demande une somme de 953,16 euros correspondant à l'achat de " semelles et renouvellements " " au prorata de l'indemnisation déjà versée ". Toutefois, les experts ont relevé dans leur rapport que la fracture initiale du pilon tibial est complexe, qu'en l'absence de toute complication, il n'est jamais observé de guérison et qu'il persiste toujours des séquelles avec une cheville enraidie et douloureuse à des degrés divers. Dès lors, le port de telles semelles doit être regardé comme en lien avec l'accident de la circulation et la fracture du pilon tibial dont M. C... a été victime, non comme la conséquence de l'infection nosocomiale contractée à l'hôpital. Les demandes présentées à ce titre par la société MATMUT ne peuvent donc qu'être rejetées.

9. En dernier lieu, la société MATMUT se prévaut encore de " frais liés aux cicatrices et renouvellements ", sans qu'il soit possible d'établir à quelles prestations ou besoins en matériels ou produits, ces frais se rapportent. Ses demandes à ce titre doivent donc être rejetées.

Quant aux frais d'assistance par un médecin conseil :

10. Si M. C... a eu recours à l'assistance de médecins conseils pour l'assister tout au long de la procédure et des opérations d'expertise et produit les notes d'honoraires correspondantes, il n'est pas établi que ces frais, exposés à l'initiative de la victime, aient été nécessaires à la défense de ses droits dans la présente procédure. Les demandes de la société MATMUT sur ce point doivent donc être rejetées.

Quant aux frais d'adaptation du véhicule :

11. La société MATMUT demande la somme de 1 626,71 euros correspondant à la nécessité, pour M. C... de bénéficier d'un véhicule doté d'une boite de vitesse automatique et non manuelle, et donc au différentiel de prix entre deux véhicules de même gamme mais différemment équipés au regard de ce besoin. Il ressort toutefois du rapport d'expertise, et notamment de la " discussion complémentaire " des experts, que l'usage d'une voiture automatique était préconisé pour la victime à raison même des conséquences liées à la fracture dont il a été victime, indépendamment de toute complication. Ce poste de préjudice ne peut donc être regardé comme étant en lien avec l'infection contractée par M. C... au centre hospitalier intercommunal de de Poissy-Saint-Germain-en-Laye et ne saurait donc être indemnisé par ce dernier.

Quant au préjudice de besoin d'assistance par une tierce personne :

12. La société MATMUT sollicite une somme qu'elle fonde sur les conclusions du rapport d'expertise qui a retenu un besoin de trois heures par jour, sept jours sur sept, pour la période du 14 avril 2003 au 19 mai 2005, un besoin de deux heures par jour, cinq jours sur sept, pour la période du 20 mai 2005 au 19 décembre 2006 et un besoin de deux heures par semaine depuis lors, directement imputable à l'infection nosocomiale, la société ayant arrêté ses chiffres au 30 juin 2009. Il n'y a pas lieu, pour apprécier ce poste de préjudice de réduire le taux horaire, qui doit être fixé à 14 euros pour l'ensemble de la période, à 11 euros de l'heure ainsi que le demande le centre hospitalier même s'agissant d'un besoin en aide-ménagère. Il résulte de ce qui précède que la société MATMUT est fondée à demander le relèvement de l'indemnité accordée par les premiers juges à ce titre à la somme de 47 264 euros.

Quant au préjudice de pertes de gains professionnels passés et futurs :

13. Il résulte de l'instruction, et notamment des conclusions des rapports d'expertise, que M. C... était manutentionnaire dans un dépôt vente de meuble avant son accident. Il bénéficiait à ce titre d'un revenu annuel d'environ 14 000 euros. Il n'a pu reprendre son activité professionnelle et devait envisager un reclassement professionnel pour avoir une activité sédentaire, sans station debout prolongée, sans escalier, ni port de charges lourdes, alors que l'accident dont il a été victime lui aurait permis, à défaut de complication, d'envisager une activité semi-sédentaire. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ce poste de préjudice n'aurait pas été intégralement indemnisé par les indemnités journalières versées par les tiers payeurs pendant les périodes d'hospitalisation et de convalescence de la victime, ni que M. C..., après avoir retrouvé un appui total sur sa jambe gauche n'aurait pu retrouver un emploi dont les revenus auraient pu atteindre le niveau de ceux dont il bénéficiait avant son accident.

14. De même, s'agissant des pertes de gains professionnels futurs, il ne résulte pas de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point précédent, que M. C... n'aurait pu retrouver un emploi lui permettant de bénéficier de revenus d'un niveau équivalent à celui dont il bénéficiait avant son accident de la circulation. Au demeurant, les pièces du dossier n'apportent aucune précision sur l'actualité de ce chef de préjudice, M. C... ayant désormais atteint l'âge de la retraite, de sorte que la réalité d'un tel chef de préjudice en lien avec l'infection nosocomiale contractée par la victime ne peut être regardée comme établie. Les demandes de la société MATMUT à ce titre ne peuvent donc qu'être rejetées.

S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux :

Quant au déficit fonctionnel temporaire subi par M. C... :

15. Il résulte des conclusions du rapport d'expertise que M. C... a été victime d'une incapacité totale de travail pour la période du 14 avril 2003 au 19 mai 2005 puis d'une incapacité partielle de travail de 30 % pour la période du 20 mai 2005 au 15 décembre 2005 directement en lien avec l'infection nosocomiale dont il a été victime. Il n'est pas contesté par le centre hospitalier que les préjudices liés à cette incapacité n'ont pas été intégralement pris en charge par les tiers payeurs. Il y a donc lieu d'allouer à la société requérante une somme de 12 280 euros à ce titre.

Quant au déficit fonctionnel permanent dont reste atteint M. C... :

16. Il résulte de l'instruction que M. C... reste atteint d'un déficit fonctionnel permanent de 10 % en lien avec les complications dont il a été victime. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice à la date de consolidation de son état de santé, soit le 19 décembre 2006, alors que M. C... était âgé de 50 ans, à la somme de 12 500 euros.

Quant au pretium doloris :

17. Les experts ont évalué les souffrances endurées par M. C... à raison de l'infection contractée à hauteur de 4,5/7. Il sera donc fait une juste appréciation de ce poste de préjudice indemnisé par la société MATMUT à hauteur de 8 000 euros.

Quant au préjudice esthétique permanent :

18. Les experts ont évalué ce poste de préjudice, dans sa mesure imputable à l'infection, à 2,5/7. Il sera donc fait une juste appréciation de ce poste de préjudice indemnisé par la société MATMUT à hauteur de 2 000 euros.

Quant au préjudice d'agrément :

19. Si la société MATMUT ne détaille pas ce poste de préjudice, il résulte de l'instruction et notamment des rapports rédigés par les experts, que ce préjudice a été regardé comme " important ". En effet, si M. C... pouvait reprendre certains sports, notamment la natation, il demeure que la " course et marche prolongée sont devenues impossibles du fait de la raideur résiduelle ". S'il ressort également des rapports des experts, ainsi qu'il a été dit au point 8 du présent arrêt, que, s'agissant des fractures du pilon tibial, il n'est jamais observé de guérison et qu'il persiste toujours des raideurs et douleurs, il demeure que l'infection dont M. C... a été victime a majoré ces séquelles. Il sera ainsi fait une juste appréciation du préjudice d'agrément lié à cette complication médicale en le chiffrant à la somme de 2 000 euros.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la société MATMUT est seulement fondée à demander le relèvement de l'indemnité accordée par l'article 1er du jugement n° 1400282 du 28 mars 2017 du Tribunal administratif de Versailles à la somme de 84 213,58 euros. Les conclusions d'appel incident présentées par le centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye doivent donc être rejetées.

Sur les dépens :

21. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions du centre hospitalier tendant à ce que la société MATMUT soit condamnée aux dépens.

Sur les frais liés au litige :

22. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme demandée par le centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye en application des dispositions précitées soit mise à la charge de la société MATMUT, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye la somme de 1 500 euros à verser la société MATMUT au titre des frais exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La somme mise à la charge du centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye par l'article 1er du jugement n° 1400282 du 28 mars 2017 du Tribunal administratif de Versailles est portée à la somme de 84 213,58 euros (quatre-vingt-quatre mille deux cent treize euros et cinquante-huit cents).

Article 2 : Le jugement n° 1400282 du 28 mars 2017 du Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye versera à la société MATMUT une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société MATMUT, les conclusions d'appel incident du centre hospitalier et les conclusions de ce dernier présentées au titre des dépens et sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

N° 17VE01643 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01643
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Hélène LEPETIT-COLLIN
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : CABINET BOIZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-12-01;17ve01643 ?
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