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24/11/2020 | FRANCE | N°20VE00669

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 24 novembre 2020, 20VE00669


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Versailles, en premier lieu, d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2019 par lequel le préfet des Yvelines lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, en deuxième lieu, d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du

jugement à intervenir et, en troisième lieu, de mettre à la charge de l'État la s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au Tribunal administratif de Versailles, en premier lieu, d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2019 par lequel le préfet des Yvelines lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, en deuxième lieu, d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et, en troisième lieu, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1908162 du 13 février 2020, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 février 2020, M. C..., représenté par Me Maaouia, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler l'arrêté du 26 septembre 2019 du préfet des Yvelines ;

3° d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir ;

4° de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier en estimant que la décision portant refus de titre de séjour ne méconnaissait pas les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il justifie de circonstances humanitaires ou exceptionnelles justifiant son admission au séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le tribunal ayant, sur ce point, entaché son jugement d'une erreur d'appréciation ;

- s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français, le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de la jurisprudence " Diaby " ;

- le préfet ne pouvait décider une mesure d'éloignement alors qu'il pouvait bénéficier, de plein droit, d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'absence d'accès aux médicaments dans son pays d'origine fait obstacle à son éloignement, le tribunal ayant, sur ce point, dénaturé les pièces du dossier.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant congolais né le 30 décembre 1974 à Brazzaville (République du Congo), a sollicité, le 15 mars 2015, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'est vu remettre un premier titre de séjour temporaire valable du 20 octobre 2015 au 19 octobre 2016, puis un second valable du 14 mai au 14 novembre 2018, dont il a demandé le renouvellement le 21 décembre suivant. Par un arrêté en date du 26 septembre 2019, le préfet des Yvelines a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Il fait appel du jugement du 13 février 2020 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, si M. C... soutient que les premiers juges ont, à plusieurs titres, dénaturé les pièces du dossier et ont commis une erreur d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ces moyens, qui ont trait au bien-fondé du jugement attaqué, sont sans incidence sur sa régularité et doivent, par suite, être écartés.

3. D'autre part, M. C... soutient que les premiers juges ont omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'application de la décision n° 213584 du 28 juillet 2000 du Conseil d'Etat dite " Diaby ", un tel moyen consistait à faire valoir une " exception d'illégalité ", termes expressément mentionnés dans la demande, et à soutenir qu'il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement dans la mesure où il pouvait prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il résulte des termes mêmes du point 12. du jugement que les premiers juges ont entendu répondre à ce moyen tel que présenté par " voie d'exception " et ce quelle que soit la pertinence de leur réponse qui écarte une telle exception sans pour autant se référer à des motifs tenant explicitement au 7° de l'article L. 313-11. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement à cet égard ne peut donc qu'être écarté.

Sur la décision portant refus de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". L'article R. 313-22 du même code dispose : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".

5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

6. Il résulte des termes de l'avis du 25 juin 2019 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) que l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il peut néanmoins bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce dernier. Si, pour contester cet avis, l'intéressé se prévaut d'une ordonnance datée du 22 mai 2019, celle-ci ne comporte aucune précision sur la pathologie dont souffrirait M. C..., pathologie que ce dernier ne précise d'ailleurs pas en se bornant à faire valoir une " pathologie psychiatrique " et faire état de prescriptions de trois médicaments, le risperdal, le loxapac et l'ésoméprazole, pour une durée de seulement vingt-huit jours et de doliprane pour une durée de quinze jours. S'il se prévaut de la " liste nationale des médicaments essentiels " pour la République du Congo et de la liste des médicaments référencés au Centre Hospitalier de Brazzaville, ces listes sont respectivement datées de mars 2013 et mars 2014 et ne peuvent, en tout état de cause, renseigner sur la disponibilité des médicaments et soins dont l'intéressé avait besoin à la date de la décision attaquée, faute au surplus, pour ce dernier, de les préciser et d'en justifier. Dans ces conditions, ces éléments peu étayés, peu circonstanciés, généraux et anciens ou du moins datés par rapport à la décision attaquée ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII sur lequel s'est fondé le préfet des Yvelines pour prendre sa décision. La circonstance que l'intéressé aurait antérieurement bénéficié d'un titre de séjour à raison de son état de santé est, à cet égard, sans incidence dès lors qu'elle ne justifie pas, à elle-seule, du bien-fondé de ses allégations. Par suite et sans qu'il soit besoin d'enjoindre au préfet de produire les informations sur lesquelles le collège des médecins de l'OFII a fondé son avis, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement, le préfet des Yvelines a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En deuxième lieu, aux termes aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L.313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".

8. Si M. C... fait valoir qu'il est entré en France le 8 juillet 2012, il résulte des pièces du dossier qu'il n'a disposé d'un titre de séjour que du 20 octobre 2015 au 19 octobre 2016, puis du 14 mai au 14 novembre 2018. S'il indique avoir déclaré un pacte civil de solidarité avec une ressortissante congolaise titulaire d'une carte de résident et mère de trois enfants de nationalité française, ce dernier daté du 8 octobre 2019 est postérieur à la décision attaquée. Il ne justifie pas, en outre, d'une vie conjugale ou familiale, au surplus stable et ancienne, en France par la seule production d'attestations établies pour les besoins de la cause et postérieures à la décision attaquée ainsi que d'un avis de situation déclarative à l'impôt sur le revenu 2018 adressé à l'intéressé " chez Mlle E... " et indiquant d'ailleurs une adresse d'imposition au 01/01/2018 " chez Mme D... ". S'il se prévaut de son état de santé, il ne justifie pas, ainsi qu'il a été indiqué au point 6., qu'il ne disposerait pas d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Enfin, M. C... ne justifie que d'une activité professionnelle intermittente, qu'à compter du mois de janvier 2019, et pour de brèves durées en tant qu'inventoriste, monteur, manutentionnaire, étiqueteur ou encore agent de nettoyage. Dans ces conditions, et en tout état de cause, il ne peut être regardé comme justifiant de circonstances exceptionnelles ou de motifs humanitaires justifiant qu'il lui soit délivré un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale ou en qualité de salarié en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) ".

10. Ainsi qu'il est dit précédemment, M. C... ne justifie pas, à la date de la décision attaquée, par les seules pièces qu'il produit, d'attaches familiales stables et durables en France. Il ne justifie pas non plus d'une intégration professionnelle significative, ni d'une quelconque autre forme d'intégration sociale. Ainsi, en dépit de l'ancienneté de séjour de l'intéressé en France, le moyen tiré de ce que le préfet des Yvelines aurait, en méconnaissance des stipulations précitées, porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, en admettant même que M. C... puisse être regardé comme se prévalant, de nouveau en appel, du fait que le préfet des Yvelines ne pouvait décider une mesure d'éloignement alors qu'il pouvait bénéficier, de plein droit, d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, de ses attaches familiales et de son intégration sociale et professionnelle, un tel moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté pour les motifs de fait rappelés au point 8. du présent arrêt.

12. En second lieu, M. C..., en ce qu'il fait état de ce que l'absence d'accès aux médicaments dans son pays d'origine, peut être regardé comme se prévalant de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'elles précisent que : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...) ". Toutefois, un tel moyen ne peut qu'être, en tout état de cause, écarté pour les motifs rappelés au point 6. du présent arrêt.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

2

N° 20VE00669


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00669
Date de la décision : 24/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Muriel DEROC
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : MAAOUIA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-11-24;20ve00669 ?
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