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24/11/2020 | FRANCE | N°18VE01995

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 24 novembre 2020, 18VE01995


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) LE VILLAROY a demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, pour un montant total de 104 244 euros.

Par un jugement n° 1500463 du 10 avril 2018, le Tribunal administratif de Versailles a prononcé la décharge de la majoration pour manquement délibéré dont ont été assortis le

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) LE VILLAROY a demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, pour un montant total de 104 244 euros.

Par un jugement n° 1500463 du 10 avril 2018, le Tribunal administratif de Versailles a prononcé la décharge de la majoration pour manquement délibéré dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 et rejeté le surplus des conclusions la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 12 juin 2018, 9 août et 21 octobre 2019, la SARL LE VILLAROY, représentée par Me B... et Lopez, avocats, demande à la Cour :

1° d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2° de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés maintenus à sa charge ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le service a, à tort et en méconnaissance tant de la loi fiscale, à savoir les dispositions du b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts, que de la doctrine administrative, remis en cause son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée à raison des prestations para-hôtelières qu'elle a réalisées au cours de la période litigieuse et, par suite, son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante qu'elle a acquittée.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL LE VILLAROY, qui exerce une activité de location de studios meublés et de chambres d'hôtes sous l'enseigne " Le Vaumurier " sur la commune de Saint-Lambert-des-Bois (78), a porté en déduction sur sa déclaration de taxe sur la valeur ajoutée souscrite au titre de l'année 2010, un montant total de 54 353 euros et sur celle souscrite au titre de l'année 2011, un montant total de 19 357 euros. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a remis en cause la totalité de la taxe ainsi portée en déduction, motif pris de ce que la société n'avait facturé aucune prestation annexe, tels que ménage, petit déjeuner, accueil ou fourniture de linge, lui permettant de répondre aux conditions d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée des locations meublées énoncées au b. du 4° de l'article 261 D du code général des impôts. La SARL LE VILLAROY fait appel du jugement du 10 avril 2018 en tant que le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis en conséquence à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, à l'exception des pénalités pour manquement délibéré dont ils ont été assortis.

2. L'article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, reprenant les dispositions du b) du B de l'article 13 de la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, prévoit au point l) de son paragraphe 1 que les Etats membres exonèrent " la location de biens immeubles ". Toutefois, en application de son 2, " 2. Sont exclues de l'exonération prévue au paragraphe 1, point l), les opérations suivantes : / a) les opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des Etats membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire (...) ". Par un arrêt du 12 février 1998, Elisabeth Blasi c/ Finanzamt München, C-346/95, la Cour de justice des communautés européennes a jugé que les termes employés pour désigner les exonérations visées par l'article 13 de la sixième directive sont d'interprétation stricte, étant donné qu'elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la taxe sur le chiffre d'affaires est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti. Elle en a déduit que le membre de phrase " à l'exception des opérations d'hébergement telles qu'elles sont définies dans la législation des États membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire ", figurant à l'article 13 B, sous b), point 1., de la sixième directive, introduit une exception à l'exonération prévue par ces dispositions pour la location de biens immeubles et qu'il place donc les opérations qu'il vise sous le régime général de cette directive, qui tend à soumettre à la taxe toutes les opérations imposables, sauf les dérogations expressément prévues et, qu'ainsi, cette clause ne saurait recevoir une interprétation stricte.

3. Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) / 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. / Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : / (...) b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. (...) ". Ces dispositions, qui fixent les critères de la taxation des prestations de location de logements meublés, doivent être interprétées, pour le respect des objectifs énoncés par les dispositions précitées de la sixième directive, tels qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, de manière à garantir que ne soient exonérés du paiement de la taxe que des assujettis dont l'activité ne remplit pas la ou les fonctions essentielles d'une entreprise hôtelière et qui ne sont donc pas en concurrence potentielle avec ces dernières entreprises.

4. Les critères définis par la loi et précisés par la jurisprudence n'exigent pas que les prestations para-hôtelières soient effectivement rendues, mais seulement que le loueur en meublé dispose des moyens nécessaires pour répondre aux éventuelles demandes. Pour apprécier si des prestations para-hôtelières sont proposées dans des conditions plaçant le loueur en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières, les conditions de qualité et de prix caractérisant ces prestations peuvent, notamment, être prises en compte.

5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.

6. D'une part, la SARL LE VILLAROY soutient mettre à la disposition de sa clientèle, si besoin, la fourniture de petits déjeuners, fait état, à cette fin, d'achats réguliers de fournitures, dont le faible montant se justifie par son niveau d'activité, et indique que cette prestation, servie dans les chambres ou appartements, est assurée par sa gérante. Toutefois et ainsi que l'oppose le ministre de l'action et des comptes publics, elle ne justifie, par les seules pièces qu'elle produit, ni avoir proposé de telles prestations, absentes des contrats de location, ni de leur prise en charge par la gérante, ni de leur éventuelle facturation durant la période en litige. Par ailleurs et au surplus, les seuls achats de denrées, de 330,49 euros HT en 2010 et 724,54 euros en 2011, soit respectivement 0,63 % et 0,76 % du chiffre d'affaires de ces années, correspondant à seulement treize factures sur une période de deux ans et dont l'extrême modicité ne peut se justifier par le fait que l'intéressée n'avait mis à la location, au cours des années vérifiées que neuf studios, ne permettent pas, à eux-seuls, de regarder ces prestations, à les supposer même offertes, comme ayant été proposées, habituellement, dans des conditions similaires à celles caractérisant les établissements d'hébergement hôtelier exploités de manière professionnelle, les studios loués disposant d'ailleurs d'un coin cuisine permettant aux locataires de préparer eux-mêmes leurs petits déjeuners.

7. D'autre part, la SARL LE VILLAROY soutient également assurer la réception de la clientèle, effectuer des prestations de nettoyage selon une périodicité régulière, et fournir le linge de maison, ces prestations étant réalisées, en tout ou partie, par la gérante de l'établissement. Toutefois, elle ne justifie pas davantage, par les seules pièces produites, de l'offre de telles prestations, ni des conditions de leur réalisation, ni de leur prise en charge par la gérante, alors qu'il n'est pas sérieusement contesté, d'une part, qu'elle fournissait le linge uniquement en début de séjour, son changement n'étant proposé que comme une prestation de service facturée en sus du prix de la location, d'autre part, que le nettoyage régulier des locaux était proposé sur demande, n'était pas compris dans le prix de la location, et n'était pas assuré pour les locations de longue durée et, enfin, ainsi que le vérificateur l'a relevé, que les locataires ne bénéficiaient pas d'un accueil, hormis le jour d'arrivée et de départ, disposant tous d'un badge électronique pour accéder directement à leur logement. Le ministre de l'action et des comptes publics oppose d'ailleurs, de surcroît et à juste titre, l'impossibilité matérielle, pour une personne seule, d'assurer de manière continue l'ensemble des tâches dont la réalité est alléguée. Dans ces conditions, la SARL LE VILLAROY ne peut être regardée comme ayant assuré ces prestations para-hôtelières dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle.

8. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que la SARL LE VILLAROY mettait à la disposition de clientèle au moins trois des quatre prestations mentionnées au point 3., dans des conditions similaires à celles proposées dans le secteur hôtelier.

9. Si la SARL LE VILLAROY se prévaut, enfin, de l'interprétation administrative de la loi fiscale, elle ne précise pas les références de l'interprétation en question, de sorte que le moyen n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant à la Cour d'en apprécier l'éventuel bien-fondé.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL LE VILLAROY n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL LE VILLAROY est rejetée.

2

N° 18VE01995


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01995
Date de la décision : 24/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Muriel DEROC
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : CABINET AVODIA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-11-24;18ve01995 ?
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