Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société MS2 a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté n° 15-0278 HI REM MR du 21 mars 2016 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré insalubres, avec possibilité d'y remédier, neuf logements situés au sein de l'immeuble dont elle est propriétaire au 12, avenue Descartes au Blanc-Mesnil.
Par un jugement n° 1607972 en date du 23 février 2017, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Montreuil a annulé les prescriptions de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 21 mars 2016 relatives à la réparation ou au changement de la chaudière, la pose d'une rampe dans l'escalier, la sécurisation de la porte d'entrée, la pose de systèmes d'aération et de ventilation des logements, la réparation de la fuite en toiture, l'élimination des insectes et rongeurs, ainsi qu'à l'éclairement naturel du logement en sous-sol porte face.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoire complémentaires, enregistrés les 21 avril 2017, 12 novembre 2018 et 27 mars 2020, la société MS2, représentée par Me G..., demande à la cour :
1° d'annuler ou de réformer ce jugement en tant qu'il a laissé subsister certaines prescriptions ou subsidiairement en tant qu'il concerne des logements pour lesquels il n'a pas été constaté de danger pour la santé des occupants ;
2° d'annuler l'arrêté dans l'ensemble de ses dispositions ou, subsidiairement, de l'annuler en tant qu'il concerne des logements pour lesquels il n'a pas été constaté de danger pour la santé des occupants subsistant au jour de l'arrêt à intervenir ;
3° de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la commune du Blanc-Mesnil une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif ne pouvait se prévaloir d'une délégation de signature qui n'avait pas été produite par l'administration au cours de l'instruction sans méconnaître le principe du contradictoire ;
- l'arrêté émane d'une autorité incompétente dès lors que la délégation de signature invoquée par le tribunal administratif ne donnait pas régulièrement compétence à l'auteur de la décision attaquée pour la signer ;
- l'arrêté est intervenu en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- la régularité de la procédure contradictoire spécifique en matière d'insalubrité n'est pas établie ;
- les causes d'insalubrité retenues par le tribunal administratif n'existent pas ou plus et ne sont pas de susceptibles de créer un danger pour la santé des occupants ; les travaux réalisés par la société ont mis fin à toute situation d'insalubrité ;
- le tribunal administratif aurait dû réformer l'arrêté en retirant un certain nombre de logements qui, indépendants et distincts, ne sont concernés par aucune cause d'insalubrité.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme L...,
- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,
- et les observations de Me G... pour la société MS2.
Considérant ce qui suit :
1. La société MS2 est propriétaire d'une dizaine de logements situés à une même adresse, au 12 avenue Descartes dans la commune du Blanc-Mesnil en Seine-Saint-Denis. Par un arrêté en date du 21 mars 2016, le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré insalubres à titre remédiable neuf des dix logements compris dans cet ensemble et prescrit la réalisation de travaux dans ces logements et les parties communes dans un délai de trois mois. La société MS2 a demandé au Tribunal administratif de Montreuil l'annulation de cet arrêté. Par un jugement n° 1607972 en date du 23 février 2017, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Montreuil a annulé les prescriptions de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 21 mars 2016 relatives à la réparation ou au changement de la chaudière, à la pose d'une rampe dans l'escalier, à la sécurisation de la porte d'entrée, à la pose de systèmes d'aération et de ventilation des logements, à la réparation de la fuite en toiture, à l'élimination des insectes et rongeurs, ainsi qu'à l'éclairement naturel du logement en sous-sol porte face. La société MS2 relève appel de ce jugement en tant qu'il a laissé subsister certaines prescriptions ou subsidiairement en tant qu'il concerne des logements pour lesquels il n'a pas été constaté de danger pour la santé des occupants.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte :
2. Par un arrêté n° 2016-0104 du 15 janvier 2016, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné à M. F... J..., sous-préfet, chargé de mission auprès du préfet, délégation de signature pour signer " toutes décisions et documents " se rapportant à certaines " matières " et évoque notamment : " (...) 2. Habitat : élaboration et suivi du plan départemental d'éradication de l'habitat indigne et coordination des actions des services compétents en matière de lutte contre l'insalubrité et le saturnisme. ". La circonstance que la décision attaquée, intervenue en matière d'éradication de l'habitat insalubre, ne s'inscrive pas strictement dans le cadre de l'élaboration du plan départemental, et ne relève pas de la coordination des actions des services compétents en matière de lutte contre l'insalubrité est sans incidence sur la compétence de son auteur pour signer la décision attaquée. Une telle délégation n'est par ailleurs ni générale, ni impersonnelle et, eu égard au caractère réglementaire de cet acte, le premier juge n'a pas méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure en se fondant sur son existence, sans en ordonner préalablement la production au dossier, pour écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte. Les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué et du caractère irrégulier du jugement pour méconnaissance du principe du contradictoire ne peuvent par suite qu'être écartés.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire :
3. La société MS2 ne conteste pas en appel qu'elle ne pouvait fonder, en première instance, son moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire sur les dispositions de la loi du 12 avril 2000 alors que les dispositions de l'article L. 1331-27 du code de la santé publique organisent une procédure contradictoire spécifique. Si elle soutient en revanche qu'il " appartenait ainsi à l'administration de fournir les éléments permettant d'apprécier la régularité de la procédure " et que cette dernière aurait dû " fournir le procès-verbal de la réunion du CODERST avec sa composition, l'avis du CODERST, les documents dont il disposait et la date de leur remise ", il résulte de l'instruction qu'elle n'avait aucunement contesté ces éléments dans ses écritures de première instance. L'administration n'était donc pas tenue de produire ces documents, ni le juge d'examiner d'office ces moyens. Si la société soutient plus précisément ne pas avoir été régulièrement convoquée à la réunion du CODERST du 18 février 2016, ce moyen manque en fait ainsi qu'en attestent les convocations et les accusés de réception de celles-ci produits dès la première instance par l'administration. Enfin, si la société se plaint de ne pas avoir pu prendre connaissance du rapport de visite établi par les services de la commune le 4 janvier 2016, il résulte de l'instruction, en tout état de cause, que l'arrêté litigieux se fonde sur des éléments recueillis au terme d'un rapport de visite établi le 17 juin 2015 dont la requérante ne conteste pas avoir pu prendre connaissance. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit donc être écarté.
En ce qui concerne le moyen tiré de la disparition des causes d'insalubrité :
4. Aux termes de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique : " Lorsqu'un immeuble, bâti ou non, vacant ou non, attenant ou non à la voie publique, un groupe d'immeubles, un îlot ou un groupe d'îlots constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé ou exploité, un danger pour la santé des occupants ou des voisins, le représentant de l'Etat dans le département, saisi d'un rapport motivé du directeur général de l'agence régionale de santé ou, par application du troisième alinéa de l'article L. 1422-1, du directeur du service communal d'hygiène et de santé concluant à l'insalubrité de l'immeuble concerné, invite la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques à donner son avis dans le délai de deux mois :/1° Sur la réalité et les causes de l'insalubrité ;/2° Sur les mesures propres à y remédier. ".
S'agissant des parties communes :
5. Il résulte de l'instruction que le premier juge a annulé l'ensemble des prescriptions de l'arrêté concernant les parties communes de l'immeuble à l'exception de celle concernant la réfection des revêtements dégradés. Toutefois le constat d'huissier établi le 19 mai 2016 à la demande de la société MS2, s'est borné à relever des parois murales et un plafond recouverts d'un papier à peindre de couleur beige " le tout en état d'usage ". Ce constat ne mentionne donc plus l'existence du désordre allégué dont l'administration n'établit pas l'existence en se bornant à faire état de " peintures arrachées ", ni le caractère dangereux pour la santé des occupants de l'immeuble.
S'agissant de chacun des neufs logements :
6. Ainsi qu'il a été rappelé au premier point du présent arrêt, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé, s'agissant de ces logements, les prescriptions de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 21 mars 2016 relatives à la réparation ou au changement de la chaudière, la pose de systèmes d'aération et de ventilation des logements, l'élimination des insectes et rongeurs, ainsi qu'à l'éclairement naturel du logement en sous-sol porte face. Seules demeurent ainsi en litige, les prescriptions relatives à la recherche des causes d'insalubrité et moisissures et à la nécessité d'y remédier, la réparation des ouvrants dégradés dans deux logements, l'isolation thermique des murs, la réfection des revêtements dégradés, la nécessité d'assurer un éclairement suffisant dans les chambres de deux des logements situés en sous-sol, et la vérification du système de la hotte dans la cuisine d'un logement.
7. En premier lieu, la société MS2 soutient sans être contredite par l'administration sur ce point et au moyen de procès-verbaux de constats d'huissier établis les 1er août et 19 septembre 2018, que trois des neuf logements concernés par l'arrêté d'insalubrité, à savoir les logements situés au premier étage - porte gauche un temps occupé par Mme A..., le logement situé au rez-de-jardin - porte droite alors occupé par Mme M... et le logement situé au rez-de-chaussée alors occupé par M. B... C..., ont été entièrement refaits en 2018, rendant désormais sans objet les prescriptions édictées par l'arrêté préfectoral litigieux s'agissant de ces trois logements.
8. En deuxième lieu, s'agissant de l'ensemble des autres logements, à supposer qu'ils aient tous été concernés par les désordres consistant en l'existence de causes d'humidité et de moisissures, il résulte de ce qui a été rappelé au point 6 du présent arrêt que le tribunal administratif a annulé les prescriptions de l'arrêté concernant la pose de systèmes d'aération et de ventilation des logements. Il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté par l'administration, qui se borne à indiquer que la requérante n'apporterait que peu de précisions sur ce point, qu'il a été remédié à ces désordres dès 2015 ou, au plus tard en 2016 par la pose de systèmes d'aération ainsi qu'en atteste le rapport de visite établi par les services de la ville le 23 décembre 2016 qui n'a pas constaté d'humidité dans les murs des logements visités, à l'exception d'un seul logement qui relève de ceux entièrement rénovés en 2018.
9. En troisième lieu, il n'est pas contesté par l'administration que, s'agissant de l'isolation thermique des murs extérieurs, les travaux réalisés par la société en 2016 et 2018 et attestés par des factures, ont mis fin à cette cause d'insalubrité.
10. En quatrième lieu, s'agissant de la réfection des ouvrants dégradés, il résulte des termes de la décision attaquée, que cette cause d'insalubrité ne concernait que deux des logements dont la salubrité était mise en cause dans l'arrêté en litige, à savoir les logements alors occupés par Mme A... et M. K.... Ainsi qu'il a été dit au point 7 du présent arrêt, le logement anciennement occupé par Mme A... a fait l'objet d'une rénovation complète en 2018 et il n'est pas contesté par l'administration que cette réfection a mis fin à ce désordre. S'agissant, en revanche, du logement occupé par M. K..., il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait été mis fin à cette cause d'insalubrité dont l'existence a été confirmée, notamment, par le rapport établi par le service communal d'hygiène et de santé de la commune du Blanc-Mesnil le 23 décembre 2016. Il y a donc lieu de maintenir la prescription tendant à la réparation de cet ouvrant dégradé dans le logement situé au premier étage porte droite anciennement occupé par la famille de M. K....
11. En cinquième lieu, en ce qui concerne la réfection de revêtements dégradés, ainsi qu'il a été dit au point 7 du présent arrêt, trois des logements concernés ont été entièrement rénovés en 2018. Par ailleurs, pour deux autres des logements concernés, le rapport établi par les services de la commune le 23 décembre 2016 n'a pas relevé l'existence de cette cause d'insalubrité, notamment dans le logement situé en rez-de-jardin côté rue ni dans le logement situé au premier étage porte droite. Si l'administration peut être regardée comme faisant valoir que cette cause d'insalubrité persisterait dans certains logements, notamment dans le logement situé au rez-de-jardin anciennement occupé par M. D... auquel avait succédé la famille E..., ce désordre n'est pas établi par le seul constat de l'existence d'une dégradation de la peinture " près du lavabo et dans les WC ".
12. En sixième lieu, s'agissant de l'éclairement insuffisant des chambres des logements situés en sous-sol, anciennement occupés par Mme M... et Mme H... puis M. I..., le rapport établi le 23 décembre 2016 par les services de la commune n'a pas relevé d'insuffisance de l'éclairage dans la chambre et a conclu à l'abrogation de l'arrêté préfectoral sur ce point. S'agissant du logement anciennement occupé par Mme M..., la société soutient que la pièce concernée, d'une superficie de 14 m² environ, desservie par une porte fenêtre de 2,52 m² et une fenêtre de 2,24 m², avait été divisée en deux par un rideau et que seule la présence de ce rideau a permis de conclure à l'insuffisance d'éclairement naturel du logement. Ces éléments circonstanciés ne sont pas sérieusement contredits par l'administration en défense. Les prescriptions sur ce point de l'arrêté en litige sont donc sans objet.
13. En dernier lieu, il n'est pas contesté que la prescription relative au fonctionnement de la hotte de la cuisine du logement anciennement occupé par Mme A..., à supposer qu'elle constitue une cause d'insalubrité de ce logement, a pris fin avec la réfection complète de cet appartement en 2018.
14. Il résulte dès lors de ce qui précède, en l'état de l'instruction, que la société MS2 est fondée à demander l'abrogation de l'arrêté du 21 mars 2016 dans toutes les prescriptions maintenues par le jugement n° 1607972 en date du 23 février 2017 à l'exception de celle concernant la réfection des ouvrants dégradés du logement situé au premier étage, à droite , anciennement occupé par la famille de M. K....
Sur les frais liés au litige :
15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société MS2 sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 21 mars 2016 est annulé dans ses prescriptions relatives à la recherche des causes d'insalubrité et moisissures et à la nécessité d'y remédier, la réparation des ouvrants dégradés dans le logement de Mme A..., l'isolation thermique des murs, la réfection des revêtements dégradés, la nécessité d'assurer un éclairement suffisant dans les chambres de deux des logements situés en sous-sol, et la vérification du système de la hotte dans la cuisine d'un logement.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
N° 18VE02161 2