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10/11/2020 | FRANCE | N°18VE01734

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 10 novembre 2020, 18VE01734


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BLF LIMITED a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat à lui verser des intérêts moratoires, à hauteur de 142 711,65 euros, afférents au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée prononcée le 8 août 2016, assortis de leur capitalisation à compter du 14 septembre 2016.

Par un jugement n° 1609743 du 20 mars 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en répliq

ue, enregistrés les 18 mai et 19 décembre 2018, la société BLF LIMITED demande à la Cour :

1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BLF LIMITED a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat à lui verser des intérêts moratoires, à hauteur de 142 711,65 euros, afférents au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée prononcée le 8 août 2016, assortis de leur capitalisation à compter du 14 septembre 2016.

Par un jugement n° 1609743 du 20 mars 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 mai et 19 décembre 2018, la société BLF LIMITED demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 142 711,65 euros au titre des intérêts moratoires, conformément aux dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, majorée des intérêts à compter de la réception de la réclamation du 14 septembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'État les dépens ainsi que la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, les intérêts moratoires sont dus de plein droit dès lors que la décision de remboursement est intervenue postérieurement au délai de six mois imparti à l'administration pour répondre à sa demande, en application de l'article R.*198-10 du livre des procédures fiscales, ce délai étant décompté du jour où ont été fournis l'ensemble des documents permettant de considérer la demande comme recevable ; un tel remboursement revêt le caractère d'un dégrèvement contentieux au sens des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

- à titre subsidiaire, la demande de remboursement était " complète " avant l'expiration du délai d'instruction de six mois, le 29 décembre 2015 ;

- en tout état de cause, le délai d'instruction de sa demande n'est pas raisonnable et porte de ce fait atteinte au principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société BLF LIMITED, dont le siège social est situé aux Bermudes, a présenté le 29 juin 2015 une demande de remboursement de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 2 494 720 euros, au titre de la période du 1er au 31 décembre 2014, correspondant à l'achat, le

22 décembre 2014, d'un hélicoptère à la société Airbus Helicopters, à laquelle l'administration a fait droit par décision d'admission totale du 8 août 2016. La société BLF LIMITED fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 142 711,65 euros, au titre des intérêts moratoires prévus par les dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, en l'absence de réponse de l'administration dans le délai de six mois suivant sa réclamation.

Sur le bien-fondé de la demande de versement d'intérêts moratoires :

2. D'une part, aux termes du IV de l'article 271 du code général des impôts : " IV. La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article 242-0 Z septies de l'annexe II du code général des impôts : " Pour les assujettis établis hors de l'Union européenne, le remboursement doit être demandé au service des impôts avant la fin du sixième mois suivant l'année civile au cours de laquelle la taxe est devenue exigible. / La demande est établie sur un imprimé prévu par l'administration. Elle est accompagnée des originaux des factures, des documents d'importation et de toutes pièces justificatives. L'assujetti établi hors de l'Union européenne certifie qu'il remplit les conditions prévues à l'article 242-0 Z quater. / Si l'assujetti établi hors de l'Union européenne demande que le remboursement soit effectué dans l'Etat où il est établi, les frais bancaires sont à sa charge. ". Aux termes de l'article R.* 198-10 du livre des procédures fiscales : " Le service compétent pour statuer sur une réclamation est celui à qui elle doit être adressée en application de l'article

R.* 190-1. / La direction générale des finances publiques ou la direction générale des douanes et droits indirects, selon le cas, statue sur les réclamations dans le délai de six mois suivant la date de leur présentation. Si elle n'est pas en mesure de le faire, elle doit, avant l'expiration de ce délai, en informer le contribuable en précisant le terme du délai complémentaire qu'elle estime nécessaire pour prendre sa décision. Ce délai complémentaire ne peut, toutefois, excéder trois mois. (...) ". Les demandes de remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée présentées sur le fondement du IV de l'article 271 du code général des impôts constituent, au sens des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, des réclamations contentieuses qui sont, s'agissant des assujettis établis hors de l'Union européenne, soumises aux conditions et délais fixés par les articles 242-0 Z septies et suivants de l'annexe II à ce code, et sont instruites dans des conditions analogues à celles concernant les demandes de remboursement de crédits de taxe présentées par les entreprises établies en France. Lorsque l'administration n'a pas statué sur cette réclamation dans le délai de six mois qui lui est imparti, elle est considérée comme ayant rejeté implicitement la réclamation dont elle était saisie.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les remboursements de taxe sur la valeur ajoutée obtenus par une société après le rejet par l'administration d'une réclamation ont le caractère de dégrèvement contentieux de la même nature que celui prononcé par un tribunal au sens de ces dispositions. Ces remboursements doivent, dès lors, donner lieu au paiement d'intérêts moratoires qui courent, s'agissant de la procédure de remboursement de crédits de taxe sur la valeur ajoutée, pour laquelle il n'y a pas de paiement antérieur de la part du redevable, à compter de la date de la réclamation qui fait apparaître le crédit remboursable.

4. Il est constant que la demande de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er au 31 décembre 2014, présentée par la société BLF LIMITED le

29 juin 2015, dans le délai imparti par l'article 242-0 Z septies de l'annexe II, comportait les pièces requises par ces mêmes dispositions, à savoir l'imprimé 3559 et la facture de l'hélicoptère acquis le 22 décembre précédent, et était, par suite, recevable. En application des dispositions précitées et contrairement à ce que soutient l'administration, les quatre demandes de renseignements complémentaires adressées à la société BLF LIMITED, les 14 octobre et

26 novembre 2015 puis 4 janvier et 2 juin 2016, n'ont pas eu pour effet, en dépit de la complexité alléguée du dossier à instruire, d'interrompre ni de suspendre le délai de six mois qui lui était imparti, par les dispositions de l'article R.*198-10 du livre des procédures fiscales, pour statuer. Il est en outre constant que l'administration n'établit ni même n'allègue avoir informé la société requérante de la nécessité de recourir à un délai supplémentaire d'instruction, faculté qui lui est ouverte par ces mêmes dispositions, délai qui n'aurait pu, en tout état de cause, excéder neuf mois à compter de la date de présentation de la réclamation. Si l'administration fait valoir qu'un nouveau délai de huit mois a en tout état de cause commencé à courir à compter du

28 décembre 2015, date de réception de la réponse à sa deuxième demande de renseignements complémentaires, en application de la directive 2008/9/CE et de l'article 3 paragraphe 2 de la directive du Conseil n° 1986/560/CE du 17 novembre 1986, elle ne saurait toutefois utilement invoquer ni les dispositions de la directive 2008/9/CE du 12 février 2008 ni celles de l'article L. 208 B du livre des procédures fiscales, lesquelles ne visent que les assujettis communautaires, ni, en l'absence de transposition d'un mécanisme d'instruction des demandes propre aux assujettis établis en dehors de l'Union européenne, les dispositions du 2 de l'article 3 de la directive du Conseil n° 1986/560/CE du 17 novembre 1986, prévoyant que le remboursement de la taxe ne peut leur être accordé à des conditions plus favorables que celles qui sont appliquées aux assujettis communautaires. Dans ces conditions, faute pour l'administration d'avoir statué avant l'expiration du délai de six mois qui lui était imparti à compter de la demande recevable présentée le 29 juin 2015, ou d'avoir informé la société de la nécessité de recourir à un délai supplémentaire d'instruction, une décision implicite de rejet est née le 29 décembre 2015.

5. La décision de remboursement de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 2 494 720 euros étant intervenue le 8 août 2016, soit postérieurement à la décision implicite de rejet, elle revêt par suite le caractère d'un dégrèvement contentieux de la même nature que celui prononcé par un tribunal au sens des dispositions précitées de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. En conséquence, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, la société BLF Limited est fondée à solliciter le versement d'intérêts moratoires courant à compter de la date de la réclamation jusqu'au jour du remboursement effectif, intervenu le 6 septembre 2016, soit une somme non contestée de 142 711,65 euros. Par ailleurs, si les dispositions précitées de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales font obstacle à ce que les intérêts moratoires soient eux-mêmes capitalisés, l'appelante est toutefois fondée à demander que la dette d'intérêts, constituée à la date du remboursement du principal de la taxe, porte elle-même intérêts à compter du jour de la réception par l'administration de la demande de paiement d'intérêts moratoires.

6. Il résulte de ce qui précède que la société BLF LIMITED est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant au versement de la somme de 142 711,65 euros au titre des intérêts moratoires, majorée des intérêts à compter de la réception de la réclamation du 14 septembre 2016.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros à la société BLF LIMITED au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1609743 du Tribunal administratif de Montreuil du 20 mars 2018 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la société BLF LIMITED la somme de 142 711,65 euros au titre des intérêts moratoires dus sur la somme de 2 494 720 euros, assortis des intérêts au taux légal dus sur cette dette d'intérêts à compter du 14 septembre 2016 et jusqu'au paiement effectif de celle-ci.

Article 3 : L'Etat versera à la société BLF LIMITED la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 18VE01734


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01734
Date de la décision : 10/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-06 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions. Remboursements de TVA.


Composition du Tribunal
Président : Mme DANIELIAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : SELAS CORDES et PARTNERS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-11-10;18ve01734 ?
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