Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Euro TVS a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 7 juillet 2016 par laquelle le ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail du 17 décembre 2015 ayant refusé d'autoriser le licenciement de M. A... B..., ensemble la décision de l'inspecteur du travail, et d'enjoindre au ministre du travail d'autoriser le licenciement de M. B....
Par un jugement n° 1606828 du 22 septembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 novembre 2017 et 28 février 2018, la SAS Euro TVS, représentée par Me C..., avocat, demande à la Cour :
A titre principal :
1° d'infirmer le jugement du Tribunal administratif de Montreuil ;
2° d'annuler la décision du 7 juillet 2016, confirmant la décision implicite en date du 10 juin 2016, par laquelle le ministre du travail a rejeté son recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail du 17 décembre 2015 ayant refusé d'autoriser le licenciement de M. B... ;
3° d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 17 décembre 2015 ayant refusé d'autoriser le licenciement de M. B... ;
4° de dire qu'elle est autorisée à licencier M. pour motif économique ;
5° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance.
Elle soutient que :
- la procédure de licenciement à mettre en oeuvre était bien la procédure de licenciement individuel ;
- la procédure de licenciement économique individuel n'implique pas la double consultation du comité d'entreprise ; seule la consultation du comité d'entreprise au titre du statut de salarié protégé devait être réalisée en application des dispositions de l'article L. 2421-3 du code du travail ;
- la procédure de consultation intervenue à la fin de l'année 2011 était régulière ;
- en confirmant le raisonnement de l'administration, le Tribunal administratif la place dans l'impossibilité de licencier le salarié.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,
- et les observations de Me C... pour la société Euro TVS.
Considérant ce qui suit :
1. La société Euro TVS, dont le siège est situé à Aubervilliers (93300), et faisant partie du groupe Crédit Mutuel, a sollicité, le 9 juillet 2012, l'autorisation de procéder au licenciement pour motif économique, tiré de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de la société, de M. A... B..., lequel exerçait les fonctions d'opérateur expert et détenait des mandats de délégué du personnel et de membre du comité d'entreprise. Par une décision en date du 6 septembre 2012, l'inspecteur du travail de l'unité territoriale de Paris lui a refusé cette autorisation. La société requérante a formé, le 28 septembre 2012, un recours hiérarchique, rejeté implicitement par le ministre du travail le 28 janvier 2013, puis explicitement par une décision du 8 février 2013. La société Euro TVS a demandé l'annulation de ces deux dernières décisions et a de nouveau sollicité, le 3 juin 2013, l'autorisation de licencier M. B..., pour le même motif. Par décision du 15 juillet 2013, l'inspecteur du travail de la 3ème section de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Ile-de-France lui a, de nouveau, refusé cette autorisation. Par jugement n°1303675, 1309830 du 13 avril 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé pour incompétence la décision de l'inspecteur du travail du 15 juillet 2013 et a rejeté les conclusions dirigées contre la décision du ministre du 8 février 2013. La société Euro TVS a donc présenté, le 1er octobre 2015, une nouvelle demande d'autorisation de licenciement pour motif économique de M. B... qui détenait alors les mandats de délégué du personnel suppléant, membre suppléant du comité d'entreprise et délégué syndical. Par une décision du 17 décembre 2015, l'inspecteur du travail de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis, confirmant sa décision implicite née le 10 juin 2015, a rejeté cette demande. Le ministre du travail a, par une décision du 7 juillet 2016, confirmé sa décision implicite née le 10 juin 2016 rejetant le recours hiérarchique formé le 5 février 2016 par cette société. La société Euro TVS a alors demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler ces décisions explicites de l'inspecteur du travail et du ministre du travail. Par un jugement n° 1606828 du 22 septembre 2017 dont la société Euro-TVS relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur la recevabilité de la demande présentée en première instance :
2. Si M. B... a fait valoir que la demande de première instance, enregistrée le 7 septembre 2016, était tardive en tant que dirigée contre la décision du 17 décembre 2015, il ressort des pièces du dossier que cette décision avait fait l'objet d'un recours hiérarchique introduit dans le délai du recours contentieux. Ce recours a prorogé ce délai qui a recommencé à courir à compter de la notification de la décision explicite du ministre en date du 7 juillet 2016. La fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande de première instance doit donc être écartée.
Sur l'exception de chose jugée opposée à la demande de première instance :
3. M. B... ne peut se prévaloir de l'autorité qui s'attache à la chose jugée par le jugement n°1303675, 1309830 du 13 avril 2015 du Tribunal administratif de Montreuil qui a statué sur la légalité des décisions prises les 28 janvier et 8 février 2013 par le ministre du travail, puis le 15 juillet 2013 par l'inspecteur du travail dans le cadre de précédentes procédures de licenciement engagées à l'encontre du salarié, dès lors que ce jugement concerne des décisions distinctes de celles objet du présent litige.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
4. Aux termes, d'une part, de l'article L. 1233-8 du code du travail : " L'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours réunit et consulte le comité d'entreprise dans les entreprises d'au moins cinquante salariés (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 2323-2 du code du travail " Les décisions de l'employeur sont précédées de la consultation du comité d'entreprise, sauf, en application de l'article L. 2323-42, avant le lancement d'une offre publique d'acquisition. / Les projets d'accord collectif, leur révision ou leur dénonciation ne sont pas soumis à l'avis du comité d'entreprise. ". Aux termes de l'article L.2323-3 du même code : " Dans l'exercice de ses attributions consultatives, le comité d'entreprise émet des avis et voeux. / Il dispose d'un délai d'examen suffisant. (...) ". Aux termes de l'article L. 2323-4 du même code " Pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d'entreprise dispose d'informations précises et écrites transmises par l'employeur ou, le cas échéant, mises à disposition dans les conditions prévues à l'article L. 2323-7-3 [L. 2323-9 du code du travail à compter du 1er janvier 2016], et de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations. (...) ". Aux termes de l'article L. 2323-6 du même code : " Le comité d'entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle. ". Aux termes de l'article L. 4612-8 du même code : " Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail. ".
6. L'article L. 2421-3 du même code prévoit enfin que " le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement (...).
7. Il ressort des pièces du dossier que le licenciement de M. B... s'inscrit dans le cadre d'une réorganisation économique de la société Euro TVS impliquant la suppression du travail de nuit. Ainsi, la société, dont l'effectif était supérieur à 50 salariés, a engagé en 2012, une procédure de licenciement économique concernant huit salariés, parmi lesquels M. B..., qui avait refusé la modification de son contrat de travail. Ainsi si, initialement, le licenciement de M. B... relevait bien d'une procédure collective de licenciement pour motif économique, ainsi qu'il a été rappelé au point 1 du présent arrêt, la demande d'autorisation de licencier le salarié, présentée par la société Euro TVS, a fait l'objet d'une première décision de refus de l'inspecteur de l'unité territoriale de Paris en date du 6 septembre 2012, confirmée explicitement par le ministre du travail le 8 février 2013. Le 15 juillet 2013, l'inspecteur du travail a opposé un nouveau refus à la demande d'autorisation nouvellement présentée par la société. Ainsi, la troisième demande d'autorisation de licenciement présentée le 1er octobre 2015 par la société Euro TVS doit être regardée comme une nouvelle demande d'autorisation de licenciement pour motif économique de M. B..., qui, compte tenu de la date à laquelle elle a été présentée, ne relevait plus d'une procédure de licenciement collectif pour motif économique. Dès lors, la société Euro TVS est fondée à soutenir que les décisions querellées, prises au visa notamment, notamment, des dispositions des articles L. 1233-8 et L. 1233-10 du code du travail, ainsi que des dispositions des articles L. 2323-6 et L. 2421-3 du même code, au motif de l'irrégularité de la saisine du comité d'entreprise au titre de ses attributions générales sont entachées d'erreur de droit.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués par la société Euro TVS dans le cadre de sa demande de première instance et dans ses conclusions d'appel, que la société Euro TVS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation des décisions en date en date des 17 décembre 2015 et 7 juillet 2016 ayant refusé d'autoriser le licenciement de M. B....
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
9. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. /La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision. ".
10. L'exécution du présent arrêt n'implique pas que le juge administratif autorise le licenciement de M. B.... Les conclusions présentées à cette fin par la société Euro TVS ne peuvent, par suite, qu'être rejetées. L'exécution du présent arrêt implique toutefois que l'inspection du travail statue à nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Euro TVS. Dès lors, il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à l'inspection du travail de réexaminer la demande d'autorisation de licenciement de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les dépens :
11. En l'absence de dépens exposé dans la présente instance, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Euro TVS tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de l'Etat.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Euro TVS qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. B... au titre des exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la société Euro TVS sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1606828 du 22 septembre 2017 du Tribunal administratif de Montreuil et les décisions de l'inspecteur du travail du 17 décembre 2015 et du ministre du travail du 7 juillet 2016 refusant d'autoriser le licenciement de M. A... B... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à l'administration de procéder à un réexamen de la demande d'autorisation de licencier M. B... présentée par la société Euro TVS dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la société Euro TVS une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de la société Euro TVS et les conclusions présentées par M. B... sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
N°17VE03264 2