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22/10/2020 | FRANCE | N°18VE03928

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 22 octobre 2020, 18VE03928


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Garches a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'avis du 1er avril 2016 par lequel le conseil de discipline de recours de la petite couronne d'Ile-de-France a préconisé une sanction d'exclusion temporaire de six mois à l'encontre de Mme F... A....

Par un jugement n° 1605435 du 16 octobre 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet avis et rejeté les conclusions de Mme A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistré

e le 27 novembre 2018, Mme F... A..., représentée par Me C..., avocat, demande à la Cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Garches a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'avis du 1er avril 2016 par lequel le conseil de discipline de recours de la petite couronne d'Ile-de-France a préconisé une sanction d'exclusion temporaire de six mois à l'encontre de Mme F... A....

Par un jugement n° 1605435 du 16 octobre 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet avis et rejeté les conclusions de Mme A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2018, Mme F... A..., représentée par Me C..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de mettre à la charge de la commune de Garches la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, dès lors que les premiers juges n'ont pas tenu compte de la circonstance qu'en refusant son changement d'affectation en 2009, la commune de Garches avait reconnu qu'elle était à sa place auprès des enfants de la crèche ;

- il est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation ;

- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie, ainsi que l'a relevé le juge des référés dans son ordonnance du 5 juillet 2016 ;

- elle n'a jamais fait l'objet, au cours des années précédentes, de rappels à l'ordre ou de sanctions disciplinaires ; aucune plainte n'a été déposée auprès des services de police ; l'administration n'a procédé à aucun signalement auprès des services de protection de l'enfance ; de nombreux parents l'ont au contraire complimentée pour la qualité de son travail ;

- le conseil de discipline de recours n'a commis aucune erreur d'appréciation en retenant une sanction d'exclusion temporaire de six mois.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le décret n° 95-31 du 10 janvier 1995 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteur public,

- les observations de Me D..., substituant Me C..., pour Mme A..., et celles de Me E..., pour la commune de Garches.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née le 13 juillet 1962, est titulaire depuis 1988 du diplôme d'Etat d'éducateur de jeunes enfants. Après avoir été employée par les communes de Nanterre, Courbevoie, Rueil-Malmaison, Chatou et Saint-D...-en-Laye, elle a été recrutée par la commune de Garches en 2007 en qualité de directrice de la crèche Les Pins. La commune de Garches lui a confié la responsabilité d'un jardin d'enfants à compter du 17 avril 2008 et l'a finalement mutée au sein de la crèche La Rose des Vents en qualité d'éducatrice à compter de janvier 2010. Mme A... a été suspendue de ses fonctions à compter du 19 mars 2015, motif pris d'un " comportement dangereux et négligent auprès des enfants ". Alors que le conseil de discipline avait émis un avis favorable à une sanction d'exclusion temporaire de six mois, dont trois avec sursis, le maire de la commune de Garches, par un arrêté du 16 septembre 2015, a révoqué Mme A... à compter du 1er octobre suivant. Saisi par Mme A..., le conseil de discipline de recours d'Ile-de-France a pour sa part émis le 1er avril 2016 un avis favorable à une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de six mois. Par un arrêté du 7 mai 2016, le maire de la commune de Garches a retiré son arrêté du 16 septembre 2015 et prononcé à l'encontre de Mme A... une sanction d'exclusion temporaire de fonctions du 1er octobre 2015 au 31 mars 2016. Mme A... relève appel du jugement du 16 octobre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé, à la demande de la commune de Garches, l'avis du conseil de discipline de recours d'Ile-de-France du 1er avril 2016, et rejeté comme irrecevables ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de la réintégrer dans un emploi de catégorie B.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Troisième groupe : (...) l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; Quatrième groupe : (...) la révocation ". Aux termes de l'article 91 de cette loi, alors en vigueur : " Les fonctionnaires qui ont fait l'objet d'une sanction des deuxième, troisième et quatrième groupes peuvent introduire un recours auprès du conseil de discipline départemental ou interdépartemental dans les cas et conditions fixés par un décret en Conseil d'Etat. L'autorité territoriale ne peut prononcer de sanction plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline de recours ".

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. Il lui appartient également de rechercher si la sanction proposée par un conseil de discipline de recours statuant sur le recours d'un fonctionnaire territorial est proportionnée à la gravité des fautes qui lui sont reprochées.

4. Il ressort des pièces du dossier que dans son avis du 1er avril 2016, le conseil de discipline de recours d'Ile-de-France retient que " par son seul comportement à l'égard des enfants, Mme A... a gravement manqué de conscience professionnelle dans l'exécution de ses tâches ", l'existence des autres fautes qui lui étaient imputées par la collectivité n'étant pas caractérisée. Eu égard à la quadruple circonstance, que sa hiérarchie a pris tardivement la mesure de la gravité de son comportement, qu'elle n'a pas été sanctionnée antérieurement, que sa notation ne fait pas mention d'un comportement brutal et que l'intéressée a sollicité dès 2009 un changement d'affectation avec des fonctions auprès d'un autre public, le conseil de discipline de recours a estimé, à l'unanimité de ses membres, qu'une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois sanctionnait dans une juste proportion les fautes commises par Mme A....

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et en particulier de trois rapports, établis respectivement le 24 novembre 2014 par la directrice de la crèche La Rose des Vents, le 13 février 2015 par la psychologue affectée à cette crèche, et le 19 février 2015 par la pédiatre attachée à cet établissement que Mme A... a fait preuve, à plusieurs reprises en octobre et novembre 2014, d'un comportement inapproprié et parfois brutal à l'égard de certains enfants placés sous sa responsabilité. Ces rapports sont suffisamment précis et circonstanciés pour établir la réalité des faits reprochés à l'intéressée. Ce comportement inapproprié à l'égard des enfants est corroboré par trois attestations établies par des agents de la crèche. Les attestations favorables, ainsi que la pétition de soutien du 15 avril 2015, établies par des parents ou collègues de Mme A..., ne sont en revanche pas suffisamment précises et circonstanciées pour remettre en cause l'existence des faits susmentionnés, dont la matérialité doit, dès lors, être regardée comme établie.

6. En deuxième lieu, si la commune de Garches invoque en appel les problèmes de comportement de Mme A..., elle ne se prévaut d'aucun fait suffisamment précis et circonstancié de nature à caractériser l'existence d'une faute commise par l'intéressée.

7. En dernier lieu, il est constant que Mme A... n'a fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire au cours de sa carrière en raison d'un comportement inapproprié à l'égard des enfants. Ses fiches individuelles de notation depuis son recrutement par la commune de Garches en 2007 ne font pas davantage état de brutalités à l'égard des enfants. Enfin, si la commune de Garches fait valoir que les fiches de notation de l'intéressée et un rapport du 25 février 2002 établi par la commune de Rueil-Malmaison mentionnent qu'à trois reprises au moins, alors qu'elle exerçait ses fonctions en crèche ou en halte-jeux, Mme A... a eu des gestes déplacés sur des enfants, frappant deux d'entre eux et ayant un geste brutal envers un troisième, devant la mère de celui-ci, ces faits sont, en tout état de cause, anciens. Dans les circonstances de l'espèce, si les faits mentionnés au point 5 reprochés à Mme A... sont de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire, la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de six mois proposée par le conseil de discipline de recours le 1er avril 2016 apparaît proportionnée à la gravité des fautes commises par l'intéressée.

8. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres fautes invoquées par la commune devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

9. L'introduction et la consommation d'alcool dans les locaux de la crèche, dans le contexte unique et précis, des fêtes de fin d'année 2007 ou de la galette des rois 2008, ne présentent pas, dans les circonstances de l'espèce, un caractère fautif. Les retards, négligences et l'absence de respect de la hiérarchie invoqués par la commune en première instance ne sont pas établis avec une précision suffisante par les pièces du dossier. Ainsi, la matérialité de ces faits ne peut être retenue à l'encontre de Mme A....

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'avis du 1er avril 2016 par lequel le conseil de discipline de recours d'Ile-de-France a retenu à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de six mois.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Garches la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1605435 du 16 octobre 2018 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise par la commune de Garches est rejetée.

Article 3 : La commune de Garches versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 18VE03928 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03928
Date de la décision : 22/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. Discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : BURGET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-10-22;18ve03928 ?
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