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20/10/2020 | FRANCE | N°18VE03012

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 20 octobre 2020, 18VE03012


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Runa Capital Fund I LP a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement du prélèvement acquitté le 24 juin 2014 au titre de la taxation de la plus-value générée lors de la cession de droits sociaux réalisée le 21 mai 2014, en application des dispositions de l'article 244 bis B du code général des impôts, d'assortir ce remboursement des intérêts moratoires en application des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales et de mettre à la

charge de l'Etat le versement de la somme de 37 900 euros acquittée au titre de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Runa Capital Fund I LP a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement du prélèvement acquitté le 24 juin 2014 au titre de la taxation de la plus-value générée lors de la cession de droits sociaux réalisée le 21 mai 2014, en application des dispositions de l'article 244 bis B du code général des impôts, d'assortir ce remboursement des intérêts moratoires en application des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 37 900 euros acquittée au titre de la représentation fiscale.

Par un jugement n° 1700014 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 28 août 2018 et 31 janvier 2020, la société Runa Capital Fund I LP, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer le remboursement du prélèvement prévu par les dispositions de l'article 244 bis B du code général des impôts, qu'elle a acquitté le 18 juin 2014 pour un montant en principal de 872 762 euros, assorti des intérêts moratoires au taux légal en vigueur ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 37 900 euros correspondant aux honoraires qu'elle a versés à son représentant fiscal, la Société Accréditée de Représentation Fiscale (SARF) ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son investissement dans la société Capptain SAS ne constitue pas un investissement direct au sens de l'article 64 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ;

- les dispositions de l'article 244 bis B du code général des impôts appliquées par l'administration n'existaient pas au 31 décembre 1993.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité instituant la Communauté européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret du 5 novembre 1870 relatif à la promulgation des lois et décrets ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Illouz, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour la société Runa Capital Fund I LP.

Considérant ce qui suit :

1. La société Runa Capital Fund I LP, dont le siège social est situé aux Iles Caïman, a procédé, le 21 mai 2014, à une cession de titres de participation détenus dans le capital de la société française Capptain SAS, anciennement dénommée Ubikod SAS. Elle a acquitté sur la plus-value nette qu'elle a réalisée, le prélèvement prévu à l'article 244 bis B du code général des impôts au taux de 45% pour un montant de 872 762 euros. La société Runa Capital Fund I LP fait appel du jugement du 26 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de remboursement de cette imposition et de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 37 900 euros acquittée au titre de la représentation fiscale.

Sur l'étendue du litige :

2. Dans un mémoire enregistré le 4 septembre 2020, la société Runa Capital Fund I LP déclare se désister de ses conclusions indemnitaires et de celles tendant au remboursement des intérêts moratoires. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.

Sur le surplus des conclusions de la société Runa Capital Fund I LP :

3. D'une part, aux termes de l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites (...) ". Aux termes de l'article 64 de ce traité : " 1. L'article 63 ne porte pas atteinte à l'application, aux pays tiers, des restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national (...) en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers, lorsqu'ils impliquent des investissements directs (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts : " I.-1. (...) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement (...), de droits sociaux (...), sont soumis à l'impôt sur le revenu ". Aux termes de l'article 244 bis B du code général des impôts, applicable en 2014 : " Sous réserve des dispositions de l'article 244 bis A, les gains mentionnés à l'article 150-0 A résultant de la cession ou du rachat de droits sociaux mentionnés au f du I de l'article 164 B, réalisés par des personnes physiques qui ne sont pas domiciliées en France au sens de l'article 4 B ou par des personnes morales ou organismes quelle qu'en soit la forme, ayant leur siège social hors de France, sont déterminés selon les modalités prévues aux articles 150-0 A à 150-0 E et soumis à un prélèvement au taux de 45 % lorsque les droits dans les bénéfices de la société détenus par le cédant ou l'actionnaire ou l'associé, avec son conjoint, leurs ascendants et leurs descendants, ont dépassé ensemble 25 % de ces bénéfices à un moment quelconque au cours des cinq dernières années. Le prélèvement est libératoire de l'impôt sur le revenu dû à raison des sommes qui ont supporté celui-ci. Toutefois, les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B peuvent demander le remboursement de l'excédent du prélèvement de 45 % lorsque ce prélèvement excède la différence entre, d'une part, le montant de l'impôt qui résulterait de l'application de l'article 197 A à la somme des gains nets mentionnés au présent alinéa et des autres revenus de source française imposés dans les conditions de ce même article 197 A au titre de la même année et, d'autre part, le montant de l'impôt établi dans les conditions prévues audit article 197 A sur ces autres revenus. (...) ".

5. Les dispositions précitées de l'article 244 bis B du code général des impôts, qui instituent pour la cession de droits sociaux par des personnes morales ayant leur siège hors de France une imposition d'un montant supérieur à l'imposition dont sont redevables, pour cette même opération, les personnes morales ayant leur siège en France en application de l'article 219 du code général des impôts, méconnaissent, dans cette mesure, le principe libre circulation des capitaux reconnu par l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

6. Il résulte toutefois des stipulations précitées de l'article 64 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans ses arrêts des 18 décembre 2007 et 5 mai 2011, rendus dans les affaires n° 101/05, Skatteverket et 348/09, Prunus, que des Etats membres peuvent appliquer des dispositions de droit national restreignant les mouvements de capitaux en provenance ou à destination de pays tiers si ces dispositions ou des dispositions identiques dans leur substance aux dispositions en cause ou qui n'en diffèrent qu'en tant qu'elles comportaient des obstacles supplémentaires à la libre circulation des capitaux existent de façon ininterrompue depuis le 31 décembre 1993 et si elles se rapportent à des investissements directs.

7. Dans sa version issue de l'article 8 de la loi du 5 juillet 1978 relative à l'imposition de gains nets en capital réalisés à l'occasion de cession à titre onéreux de valeurs mobilières et de droits sociaux, les dispositions de l'article 244 bis B du code général des impôts, prévoyaient que " les produits des cessions de droits sociaux mentionnées à l'article 160, réalisées par des personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B ou par des personnes morales ayant leur siège social hors de France, sont déterminés et imposés selon les modalités prévues par l'article 160 ". Ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat statuant au contentieux dans sa décision n° 241210 du 25 avril 2003, ces dispositions n'étaient pas applicables aux plus-values réalisées par des sociétés de capitaux dont les résultats ne peuvent être soumis en France à l'impôt sur le revenu.

8. L'article 43 de la loi n° 93- 1353 du 30 décembre 1993 de finances rectificative pour 1993 a complété les dispositions précitées pour étendre ces dispositions aux " personnes morales ou organismes, quelle qu'en soit la forme ". Cette loi a été publiée au Journal officiel de la République française le 31 décembre 1993 et en l'absence de disposition dérogatoire figurant dans cette loi, les dispositions introduites à l'article 244 bis B du code général des impôts par l'article 43 de cette loi, sont entrées en vigueur, conformément aux dispositions du décret du 5 novembre 1870 alors applicable, un jour franc après la publication de cette loi, soit le 2 janvier 1994. Il en résulte que l'imposition des plus-values réalisées par des sociétés de capitaux dont les résultats ne sont pas imposables en France à l'impôt sur le revenu n'existait pas de façon ininterrompue depuis le 31 décembre 1993. La " clause de gel " prévue à l'article 64 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne peut donc trouver à s'appliquer, indépendamment du caractère direct ou non des investissements réalisés.

9. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, que la société Runa Capital Fund I LP est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande en restitution de la somme de 872 762 euros. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Runa Capital Fund I LP et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est donné acte du désistement de la société Runa Capital Fund I LP de ses conclusions indemnitaires et de celles tendant au remboursement des intérêts moratoires.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 1700014 du 26 juin 2018 est annulé.

Article 3 : Il est restitué à la société Runa Capital Fund I LP la somme de 872 762 euros.

Article 4 : L'Etat versera à la société Runa Capital Fund I LP une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 18VE03012 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03012
Date de la décision : 20/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Réclamations au directeur - Délai.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Nicolas TRONEL
Rapporteur public ?: M. ILLOUZ
Avocat(s) : CABINET WILLKIE, FARR ET GALLAGHER LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-10-20;18ve03012 ?
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