La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/10/2020 | FRANCE | N°19VE03878

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 06 octobre 2020, 19VE03878


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé par trois instances distinctes au Tribunal administratif de Versailles d'annuler les décisions implicite et explicites du 30 octobre 2017 et du 1er août 2018 par lesquelles le ministre de l'intérieur a rejeté ses demandes d'autorisation d'exercer une activité à titre accessoire au titre des années scolaires 2017-2018 et 2018-2019, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux formé à l'encontre de la décision du 30 octobre 2017.

Par un jugement n° 1707876, 18

01725 et 1806531 du 23 septembre 2019, le Tribunal administratif de Versailles a ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé par trois instances distinctes au Tribunal administratif de Versailles d'annuler les décisions implicite et explicites du 30 octobre 2017 et du 1er août 2018 par lesquelles le ministre de l'intérieur a rejeté ses demandes d'autorisation d'exercer une activité à titre accessoire au titre des années scolaires 2017-2018 et 2018-2019, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux formé à l'encontre de la décision du 30 octobre 2017.

Par un jugement n° 1707876, 1801725 et 1806531 du 23 septembre 2019, le Tribunal administratif de Versailles a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite du 28 juillet 2017, et rejeté le surplus des conclusions de ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2019, M. C..., représenté par Me Chéneau, avocat, doit être regardé comme demandant à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler la décision du 30 octobre 2017 rejetant sa demande d'autorisation de cumul d'activité pour l'année scolaire 2017-2018, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cette décision ;

3° d'annuler la décision du 27 juillet 2018, assortie des motifs qui lui ont été communiqués le 1er août 2018, rejetant sa demande d'autorisation de cumul d'activité pour l'année scolaire 2018-2019 ;

4° de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Il soutient que :

- les premiers juges ont procédé d'office à une substitution de motifs, le privant d'une garantie procédurale dans l'instruction de sa demande ;

- ils ont relevé d'office un moyen qui n'était pas d'ordre public, et ont omis de répondre au moyen tiré de ce que son activité principale relève de la production d'oeuvres de l'esprit, l'excluant du champ d'application des règles de cumul d'emplois ;

- le jugement est entaché d'erreurs d'appréciation, d'une part, en ce qu'il considère que la décision du 30 octobre 2017 est suffisamment motivée et, d'autre part, en ce qu'il considère que la mention des " conditions de la convention collective de l'animation " ne satisfait pas à l'exigence de mention des conditions de rémunérations dans la demande d'autorisation de cumul prévue par l'article 8 du décret du 27 janvier 2017 ;

- le ministre a commis un détournement de procédure en lui imposant de se placer dans une situation illégale afin de solliciter une autorisation de cumul ;

- il a suffisamment justifié de la compatibilité de sa demande avec l'exercice de ses fonctions ;

- la décision du 27 juillet 2018 est illégale, son activité principale étant exclue du champ d'application des règles de cumul d'emploi, s'agissant d'une activité de production d'oeuvres de l'esprit.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 2017-105 du 27 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... ;

-et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... est musicien tubiste au sein de la formation de la Musique de la Police nationale de la 1ère Compagnie Républicaine de Sécurité. Il a sollicité, les 28 juin 2017 et

26 juin 2018, le renouvellement de son autorisation de cumul d'emplois en qualité de professeur chargé de direction à l'école de musique du Chesnay, à raison de vingt heures hebdomadaires au titre respectivement des années scolaires 2017-2018 et 2018-2019. En l'absence de réponse apportée à la première demande dans le délai d'un mois, puis par une décision expresse du 30 octobre 2017, notifiée le 14 novembre 2017, le ministre de l'intérieur a rejeté la demande formulée au titre de l'année scolaire 2017-2018. Par une décision implicite du 27 juillet 2018, dont les motifs ont été communiqués à M. C... par un courrier du 1er août 2018, notifié le 5 septembre suivant, le ministre de l'intérieur a également rejeté la demandée formée au titre de l'année scolaire 2018-2019. M. C... fait appel du jugement du 23 septembre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions et de la décision implicite rejetant son recours gracieux contre la décision du 30 octobre 2017.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué

3. Il ressort des termes du jugement critiqué que, si les juges de première instance ont estimé que M. C... n'avait pas précisé les conditions de rémunération de l'activité accessoire pour laquelle il sollicitait une autorisation de cumul d'activités, ils n'ont cependant pas, par cette rédaction, entendu substituer d'office ce motif à celui de même portée ayant fondé la décision du 30 octobre 2017, tiré de l'absence de production des documents demandés par l'administration, sur la base duquel ils ont écarté le moyen tiré du défaut de base légale soulevé par le requérant au point 6 de leur jugement mais ont simplement précisé la portée de ce dernier motif. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité de ce chef.

4. En second lieu, aux termes de l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 : " I.- Le fonctionnaire consacre l'intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, sous réserve des II à V du présent article. (...) / V.- La production des oeuvres de l'esprit, au sens des articles L. 112-1, L. 112-2 et L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle, s'exerce librement, dans le respect des dispositions relatives au droit d'auteur des agents publics et sous réserve de l'article 26 de la présente loi ". Il résulte de ces dispositions que l'exercice d'une activité accessoire de production d'oeuvres de l'esprit par un fonctionnaire est libre, sous réserve des dispositions relatives au droit d'auteur des agents publics et aux obligations de discrétion professionnelle et de respect du secret professionnel.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... soutenait en première instance que les décisions en litige étaient illégales, compte tenu du fait que l'activité de musicien relevait de la production d'oeuvres de l'esprit, échappant dès lors à l'application des règles de cumul d'emplois applicables aux fonctionnaires. D'une part, si le requérant soutient qu'il entendait faire valoir que son activité principale de musicien au sein de la Musique de la Police Nationale relevait de la production d'oeuvres de l'esprit, le tribunal administratif n'était toutefois pas tenu de répondre à un tel moyen, qui était inopérant au vu des termes de l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983. D'autre part, en interprétant les écritures du requérant en vue de leur donner une portée utile comme soutenant que l'activité accessoire, pour laquelle il a sollicité de sa propre initiative une autorisation de cumul d'activités, relevait de la production d'oeuvres de l'esprit, les premiers juges, qui n'ont pas outrepassé leur office, n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité.

6. En troisième lieu, si M. C... soutient que le jugement est entaché d'erreurs d'appréciation, d'une part, en ce qu'il considère que la décision du 30 octobre 2017 est suffisamment motivée et, d'autre part, en ce qu'il considère que la mention des " conditions de la convention collective de l'animation " ne satisfait pas à l'exigence de mention des conditions de rémunérations dans la demande d'autorisation de cumul prévue par l'article 8 du décret du

27 janvier 2017, de tels moyens, qui ont trait au bien-fondé du jugement, sont insusceptibles d'en affecter la régularité.

Sur la légalité de la décision du 30 octobre 2017 :

7. En premier lieu, il résulte des termes mêmes de la décision du 30 octobre 2017 que celle-ci est fondée sur la note n° DRCPN/RH/GG/CRS n° 17-725 du 16 février 2017, et en fait, sur le défaut de production par l'intéressé des documents qui lui étaient demandés. Ainsi, contrairement à ce que soutient M. C..., qui se borne à soutenir que la décision en litige est entachée d'une insuffisance de motivation, celle-ci est suffisamment motivée, notamment en droit.

8. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision de refus d'autorisation de cumul d'emplois est fondée sur un défaut de communication des pièces qui étaient demandées à M. C... portant sur ses conditions d'embauche. Le requérant soutient néanmoins qu'il a suffisamment justifié des conditions d'exercice de son activité, et notamment de la rémunération de celle-ci par la référence à la convention collective, alors même que le montant de sa rémunération est susceptible d'évoluer. Cependant une telle référence sans aucun élément individualisé était insuffisante pour permettre à l'administration d'apprécier le caractère accessoire et la compatibilité de l'activité envisagée avec les fonctions principales confiées à l'agent. Par suite, les moyens tirés de l'existence d'une erreur d'appréciation et d'une méconnaissance des dispositions de l'article 8 du décret du 27 janvier 2017 doivent être écartés.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : " (...) IV.- Le fonctionnaire peut être autorisé par l'autorité hiérarchique dont il relève à exercer à titre accessoire une activité, lucrative ou non, auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui lui sont confiées et n'affecte pas leur exercice. (...) ". Aux termes de l'article 5 du décret n° 2017-105 du 27 janvier 2017 : " Dans les conditions fixées aux I et IV de l'article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 précitée et celles prévues par le présent décret, l'agent peut être autorisé à cumuler une activité accessoire avec son activité principale, sous réserve que cette activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service ou ne mette pas l'intéressé en situation de méconnaître l'article 432-12 du code pénal. (...) ". Aux termes de l'article 6 de ce décret : " Les activités exercées à titre accessoire susceptibles d'être autorisées sont les suivantes : / 1° Dans les conditions prévues à l'article 5 : (...) / b) Enseignement et formation ; (...) ". Aux termes de l'article 7 du même décret : " Le cumul d'une activité exercée à titre accessoire mentionnée à l'article 6 avec une activité exercée à titre principal est subordonné à la délivrance d'une autorisation par l'autorité dont relève l'agent intéressé. ". L'article 8 du même texte dispose : " Préalablement à l'exercice de toute activité accessoire soumise à autorisation, l'intéressé adresse à l'autorité dont il relève, qui lui en accuse réception, une demande écrite qui comprend les informations suivantes : / 1° Identité de l'employeur ou nature de l'organisme pour le compte duquel s'exercera l'activité accessoire envisagée ; / 2° Nature, durée, périodicité et conditions de rémunération de cette activité accessoire. / Toute autre information de nature à éclairer l'autorité mentionnée au premier alinéa sur l'activité accessoire envisagée peut figurer dans cette demande à l'initiative de l'agent. L'autorité peut lui demander des informations complémentaires. ". Enfin, aux termes de l'article 9 de ce décret : " La décision de l'autorité compétente autorisant l'exercice d'une activité accessoire peut comporter des réserves et recommandations visant à assurer le respect des obligations déontologiques mentionnées notamment à l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 précitée, ainsi que le fonctionnement normal du service. / Lorsque l'autorité compétente estime ne pas disposer de toutes les informations lui permettant de statuer sur la demande, elle invite l'intéressé à la compléter (...) ". En vertu de l'article 25 septies précité de la loi du 13 juillet 1983, l'exercice d'une activité à titre accessoire par un fonctionnaire, ou un agent qui lui est assimilé pour l'application de ce texte, constitue une dérogation au principe général selon lequel les fonctionnaires consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées par l'administration. L'exercice d'une activité à titre accessoire est, sauf exceptions, soumise par la loi à autorisation préalable et celle-ci ne peut être accordée par l'autorité dont relève l'agent qu'à la condition que cette activité accessoire soit compatible avec les fonctions confiées à l'agent en cause et n'affecte pas leur exercice. Afin de s'assurer que cette condition est remplie et ainsi que le prévoient les articles 5 à 9 du décret du 27 janvier 2017, l'administration se prononce au vu d'une demande écrite de l'agent précisant, au minimum, l'identité de l'employeur ou la nature de l'organisme pour le compte duquel s'exercera l'activité accessoire, ainsi que la nature, la durée, la périodicité et les conditions de rémunération de cette activité accessoire. Dès lors qu'une ou plusieurs de ces informations ne figure pas dans la demande, l'autorité administrative est tenue, ainsi que le prévoit l'article 9 de ce décret, d'inviter l'agent à la compléter. L'autorité administrative peut par ailleurs, ainsi que le prévoit l'article 8 de ce décret, demander à l'intéresser la communication d'informations complémentaires.

10. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en exigeant la production d'un contrat de travail ou d'une promesse d'embauche au soutien de la demande d'autorisation de cumul d'activités présentée par un agent, le ministre de l'intérieur aurait exercé son pouvoir dans un but étranger à celui de vérifier la compatibilité de l'activité accessoire exercée avec l'intérêt et le bon fonctionnement du service, objectifs en vue duquel ce pouvoir d'instruction des demandes lui a été confié par le décret du 27 janvier 2017 précité. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le ministre de l'intérieur aurait entaché sa décision de détournement de procédure en l'obligeant à se placer dans une situation administrative fautive.

Sur la légalité de la décision du 27 juillet 2018 :

11. M. C... soutient que la décision du 27 juillet 2018, assortie des motifs qui lui ont été communiqués le 1er août 2018, est illégale, son activité principale relevant de la production d'oeuvres de l'esprit, ce qui le plaçait hors du champ d'application des règles de cumul d'activité applicables aux fonctionnaires. Il résulte cependant de ce qui a été dit aux points 4. et 5. que la qualification d'activité de production d'oeuvre de l'esprit se rapporte non pas à l'activité principale de l'agent mais à l'activité accessoire que celui-ci souhaite exercer, cette dernière pouvant alors s'exercer librement en cumul de son activité principale. Par suite, la circonstance que l'activité principale du demandeur relèverait d'une activité de production d'oeuvre de l'esprit est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision en litige.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

N°19VE03878 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE03878
Date de la décision : 06/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-02-04 Fonctionnaires et agents publics. Cadres et emplois. Cumuls d'emplois.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : SCP CHENEAU ET PUYBASSET

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-10-06;19ve03878 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award