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29/09/2020 | FRANCE | N°20VE01163

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 29 septembre 2020, 20VE01163


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

Le syndicat national du personnel navigant commercial a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 7 octobre 2019 par laquelle le directeur régional adjoint, responsable de l'unité départementale de l'Essonne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Aigle Azur.

Par un jugement n°1909238 d

u 2 mars 2020, ce tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

Le syndicat national du personnel navigant commercial a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 7 octobre 2019 par laquelle le directeur régional adjoint, responsable de l'unité départementale de l'Essonne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Aigle Azur.

Par un jugement n°1909238 du 2 mars 2020, ce tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 16 avril, 29 mai et 6 juillet 2020, le syndicat national du personnel navigant commercial, représenté par Me B..., avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 mars 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 7 octobre 2019 par laquelle le directeur régional adjoint, responsable de l'unité départementale de l'Essonne de la DIRECCTE d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Aigle Azur ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant homologation du document unilatéral est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 1233-57-4 du code du travail et ne permet pas de vérifier que l'administration a exercé son contrôle sur le document au regard des critères prévus par les dispositions des 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2 du même code ;

- l'administration a commis une erreur de droit en ne contrôlant pas la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et les conditions d'exercice de la mission de l'expert assistant celui-ci ;

- le comité d'entreprise a été privé de la possibilité de désigner un expert dans le cadre légal normal ;

- l'administration n'a pas contrôlé que le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi était proportionné aux moyens du groupe auquel appartient la société Aigle Azur en violation de l'article L. 1233-57-3 du code du travail ;

- les dispositions du 2ème alinéa du II de l'article L. 1233-58, propres aux sociétés en liquidation judiciaire, n'exonèrent pas l'administration du contrôle de la recherche des moyens du groupe par le liquidateur ;

- le groupe HNA contrôlant la société Aigle Azur a de nombreuses filiales y compris sur le territoire français dont la contribution au plan de reclassement n'a pas été recherchée de manière sérieuse, seule la société HNA Aviation ayant été sollicitée ;

- la DIRECCTE n'a pas vérifié la proportionnalité des mesures du plan aux moyens de l'entreprise elle-même, qui ne se limitent pas à la trésorerie disponible ;

- l'importance des actifs corporels, des sommes existantes sur les comptes de la société et des créances de cette dernière à la date de l'élaboration du plan révèle la disproportion des mesures de soutien aux salariés par rapport aux moyens dont elle disposait en dépit de son placement en liquidation judiciaire ;

- les dispositifs recensés par le document homologué correspondent à des obligations légales s'imposant à l'employeur en dehors du plan de sauvegarde de l'emploi.

...............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,

- les observations de Me B..., pour le syndicat national du personnel navigant commercial, de M. A..., pour la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et de Me C... E..., pour la SELAFA MJA, liquidateur de la société Aigle Azur.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée Aigle Azur exerçant une activité de transport aérien a été placée en liquidation judiciaire par décision du tribunal de commerce d'Evry du 16 septembre 2019. Il a été mis fin à la poursuite de l'activité de la société par un jugement du même tribunal du 27 septembre 2019. Le 2 octobre 2019, la SELAFA MJA, agissant en qualité de mandataire-liquidateur de la société Aigle Azur, a demandé à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France d'homologuer le document unilatéral fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi portant sur la suppression des 671 postes de travail de l'entreprise. Par une décision du 7 octobre 2019, le responsable de l'unité départementale de l'Essonne de la DIRECCTE d'Ile-de-France a homologué ce document. Le syndicat national du personnel navigant commercial a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler cette décision du 7 octobre 2019. Le syndicat national du personnel navigant commercial relève régulièrement appel du jugement du 2 mars 2020 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la légalité de la décision d'homologation du 7 octobre 2019 :

En ce qui concerne la motivation de la décision :

2. Aux termes de l'article L. 1233-57-4 du code du travail : " L'autorité administrative notifie à l'employeur (...) la décision d'homologation (...). / Elle la notifie, dans les mêmes délais, au comité d'entreprise (...). La décision prise par l'autorité administrative est motivée. / (...) ".

3. Lorsque l'administration homologue la décision de l'employeur fixant le plan de sauvegarde de l'emploi, il lui appartient, sans prendre nécessairement parti sur le respect de chacune des règles dont il lui revient d'assurer le contrôle, de faire en sorte que les personnes, autres que l'employeur, auxquelles est notifiée cette décision favorable à ce dernier, puissent à sa seule lecture en connaître les motifs. A ce titre, elle doit faire figurer dans la motivation de sa décision les éléments essentiels de son examen et, notamment, ceux relatifs à la régularité de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives du personnel, ceux tenant au caractère suffisant des mesures contenues dans le plan au regard des moyens de l'entreprise et, le cas échéant, de l'unité économique et sociale ou du groupe, ainsi que ceux relatifs à la recherche, par l'employeur, des postes de reclassement. Par ailleurs, l'autorité administrative doit, le cas échéant, indiquer dans la motivation de sa décision tout élément sur lequel elle aurait été, en raison des circonstances propres à l'espèce, spécifiquement amenée à porter une appréciation.

4. La décision du 7 octobre 2019 homologuant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société Aigle Azur fait mention, ainsi que les premiers juges l'ont relevé, des dispositions applicables du code du travail, du déroulement de la procédure de liquidation judiciaire de l'entreprise et des consultations du comité d'entreprise effectuées par l'employeur. Elle se réfère ensuite au calendrier prévisionnel de mise en oeuvre du plan et des licenciements et mentionne la saisine des commissions paritaires nationales de l'emploi des personnels navigants et des personnels au sol, conformément aux stipulations conventionnelles applicables, ainsi que de sociétés du même secteur d'activité, en vue du reclassement externe des salariés, les demandes de recherche de postes de reclassement interne auprès des entreprises du groupe sur le territoire national et les demandes d'abondement aux mesures sociales d'accompagnement adressées aux sociétés mères de l'entreprise. Elle constate la conformité du document unilatéral aux dispositions de l'article L. 1233-24-4 du code du travail ainsi qu'aux stipulations conventionnelles, puis elle décrit les mesures accessoires d'accompagnement pour lesquelles le régime d'assurance de garantie des salaires est sollicité en matière de formation, de création d'entreprise et d'aide à la mobilité et au déménagement. Elle relève par ailleurs que le document présenté précise les catégories concernées, le nombre de suppressions d'emplois, les modalités de consultation des représentants du personnel, les modalités de mise en oeuvre des mesures de formation et de suivi de la mise en oeuvre des mesures sociales contenues dans le plan. Elle constate, enfin, que le document unilatéral est conforme aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du code du travail au regard des moyens dont dispose l'entreprise en liquidation judiciaire, et relève la proposition d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle formée conformément à l'article L. 1233-65 du code du travail. Ces motifs font apparaître que l'administration s'est prononcée sur l'ensemble des éléments essentiels, sur lesquels il lui appartenait de faire tout particulièrement porter son contrôle. La décision contestée est donc suffisamment motivée. Aucune disposition n'exige par ailleurs que l'administration mentionne en détail la vérification du respect par le plan de chacun des éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2 du code du travail. Le syndicat requérant n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré du défaut de motivation de la décision homologuant le document unilatéral comme manquant en fait.

En ce qui concerne la consultation du comité d'entreprise :

5. Lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise a été régulière. Cette autorité administrative ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part, sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. Il appartient en particulier à ce titre à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au comité d'entreprise, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité, tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause. Lorsque l'assistance d'un expert-comptable a été demandée selon les modalités prévues par l'article L. 1233-34 du même code, l'administration doit également s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que celui-ci a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au comité d'entreprises de formuler ses avis en toute connaissance de cause.

6. En premier lieu, le moyen tiré par le syndicat requérant de ce que la société Aigle Azur n'aurait pas communiqué au comité d'entreprise les informations requises par les dispositions des articles L. 1233-30, L. 1233-31 et L. 1233-32 du code du travail pour se prononcer le 2 octobre 2019 sur le projet de document unilatéral portant projet de licenciement collectif pour motif économique n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Ce moyen ne peut qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, le syndicat soutient que la société Aigle Azur n'a pas communiqué les informations nécessaires à l'expert-comptable assistant le comité d'entreprise. Il ressort des pièces du dossier qu'un cabinet d'expertise-comptable a été désigné à la demande du comité d'entreprise et a produit le 3 septembre 2019 une " note d'étape " retraçant les difficultés financières de l'entreprise. Toutefois, cette production est antérieure au placement de la société en liquidation judiciaire et à l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi. Cette antériorité démontre à elle seule que cette désignation est étrangère à la procédure de consultation d'un expert-comptable telle que définie par les dispositions de l'article L. 1233-34 du code du travail. De plus, s'il ressort des pièces du dossier que le comité d'entreprise de la société Aigle Azur a demandé aux mandataires liquidateurs la convocation d'une réunion extraordinaire, tenue le 16 octobre 2019, lors de laquelle le comité a demandé la réalisation d'une expertise par le cabinet Alter sur la situation économique et financière de l'entreprise au cours de la période 2017-2019, cette prise de position du comité d'entreprise est postérieure à la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi du 7 octobre 2019 et ne porte en outre pas sur le contenu de celui-ci. Cette prise de position ne saurait davantage démontrer que le comité ne disposait pas lors de sa réunion du 2 octobre 2019 des éléments lui permettant de formuler son avis en toute connaissance de cause sur le document unilatéral fixant le contenu du plan, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le comité d'entreprise aurait demandé en séance la désignation d'un expert ou qu'il aurait relevé qu'il était insuffisamment informé.

8. En troisième lieu, il ne résulte pas des dispositions mentionnées au point 6 ci-dessus, que la convocation adressée au comité d'entreprise doive faire mention de la possibilité pour ce dernier de se faire assister par un expert-comptable. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que le comité d'entreprise aurait été privé de la possibilité de désigner un expert.

9. Enfin, il ressort des termes mêmes de la décision d'homologation attaquée que l'autorité administrative a vérifié la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise, qui s'est réuni le 2 octobre 2019 sur convocation du mandataire liquidateur à la suite du jugement du 27 septembre 2019 prononçant la cessation de l'activité. Le syndicat requérant n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de ce que l'administration se serait abstenue à tort de relever l'irrégularité de la procédure de consultation du comité d'entreprise préalable à la demande d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi.

En ce qui concerne le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi :

S'agissant du contrôle portant sur les moyens du groupe auquel appartient la société Aigle Azur :

10. D'une part, aux termes de l'article L. 1233-57-3 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce : " En l'absence d'accord collectif (...), l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, (...) et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1. / Elle s'assure que l'employeur a prévu le recours au contrat de sécurisation professionnelle mentionné à l'article L. 1233-65 ou la mise en place du congé de reclassement mentionné à l'article L. 1233-71 ".

11. D'autre part, aux termes du II de l'article L. 1233-58 du code du travail applicable en cas de redressement ou de liquidation judiciaire : " (...) - Pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 est validé et le document mentionné à l'article L. 1233-24-4, élaboré par l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, est homologué dans les conditions fixées aux articles L. 1233-57-1 à L. 1233-57-3, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1233-57-4 et à l'article L. 1233-57-7. / Par dérogation au 1° de l'article L. 1233-57-3, sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, l'autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l'emploi après s'être assurée du respect par celui-ci des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 au regard des moyens dont dispose l'entreprise. (...) ".

12. Il ressort des dispositions précitées que le contrôle de l'administration du travail, dans le cas des entreprises en liquidation ou en redressement judiciaire, porte, sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, sur les moyens dont dispose l'entreprise, et non le groupe. En revanche, ces dispositions ne dispensent pas l'administration du travail de vérifier, dans le cadre des relations avec le liquidateur ayant engagé la procédure de licenciement économique, si ce dernier a recherché les moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi.

13. Il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que l'administration du travail a vérifié que le liquidateur judiciaire avait bien recherché les moyens du groupe auquel appartient la société. Il ressort d'ailleurs notamment de l'annexe 4 au document unilatéral homologué par la décision contestée, dont la teneur n'est pas utilement contredite, que les liquidateurs judiciaires ont recherché le 30 septembre 2019 l'aide des sociétés du groupe auquel appartient la société Aigle Azur, à savoir les sociétés HNA Aviation Group, HNA Aviation Holding, DGN Corp et Lu Azur SA, en vue de la contribution de celles-ci au financement du plan de sauvegarde de l'emploi en l'absence de trésorerie permettant à l'entreprise de faire face aux charges à venir.

14. Enfin, il ressort des termes de la décision du 7 octobre 2019 que l'administration du travail a homologué le plan au regard des seuls moyens de l'entreprise, conformément aux dispositions de l'article L. 1233-58 précité, faisant porter son contrôle sur ce point. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas exercé son contrôle sur ce point doit être écarté.

En ce qui concerne le contrôle du contenu du plan par rapport aux moyens de l'entreprise :

15. Lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l'administration de contrôler la légalité des dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi fixé par ce document et notamment le respect par ce plan des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du même code. Dans les entreprises en liquidation judiciaire, elle doit, en application des dispositions de l'article L. 123358 du code du travail, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu des moyens dont dispose l'entreprise.

16. En premier lieu, dans le cadre de son appréciation globale, l'autorité administrative pouvait légalement prendre en compte les mesures contenues dans le plan qui prévoient la mise en oeuvre de dispositifs légaux ou bénéficiant d'un financement public, le document homologué prévoyant la mise en oeuvre du contrat de sécurisation professionnelle et un financement complémentaire de mesures d'accompagnement par des fonds provenant du régime d'assurance de garantie des salaires (AGS), que le mandataire liquidateur a sollicités, pour la prise en charge plafonnée de l'aide à la formation, de la validation des acquis de l'expérience, des aides à la création d'entreprise et à la mobilité géographique liée au reclassement, ainsi que la saisine des commissions paritaires nationales de l'emploi des personnels aériens en vue de contribuer au reclassement des salariés. Le syndicat requérant n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'administration pouvait, compte tenu de l'absence de poursuite d'activité consécutivement à la liquidation judiciaire de la société sans perspective de reprise, et de l'intérêt des salariés en conséquence de bénéficier rapidement de l'assurance chômage et de l'entière garantie des salaires assurée par l'AGS au cours des vingt et un jours suivant le jugement de liquidation, prendre en compte ces éléments dans son appréciation des mesures contenues dans le plan.

17. En second lieu, pour critiquer l'appréciation portée par l'administration sur la conformité des mesures du plan aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du code du travail compte-tenu des moyens de l'entreprise, le syndicat requérant fait valoir que la réalisation d'actifs financiers et corporels de la société Aigle Azur aurait pu permettre de dégager des fonds dans un délai raisonnable afin de financer des mesures d'accompagnement du plan de sauvegarde de l'emploi plus favorables aux salariés.

18. Il est toutefois constant que la société Aigle Azur, dans une situation financière très dégradée, ne disposait pas d'une trésorerie lui permettant de faire face à ses charges au-delà du 15 septembre 2019 et que les fonds disponibles sur son compte courant au 3 septembre 2019, d'un montant de l'ordre de 4,6 millions d'euros, étaient notamment constitués de recettes de ventes de billets d'avion à la clientèle pour des vols non exécutés, remboursables dans les conditions prévues par la règlementation internationale du transport aérien, à la suite de l'annulation de tous les vols commerciaux de la compagnie à compter du 6 septembre 2019. Si le syndicat requérant mentionne l'existence d'actifs financiers sur des comptes bancaires de l'entreprise à l'étranger dont en particulier une somme de 15 millions d'euros sur un compte d'Aigle Azur en Algérie, principale escale internationale de la compagnie, ainsi que l'existence de créances sur la clientèle en cours d'affacturage pour un montant de 34 millions d'euros, il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi que le fait valoir le mandataire liquidateur de la société en défense, que ces actifs présentaient un caractère disponible à bref délai permettant d'en affecter une partie au financement de mesures du plan de sauvegarde de l'emploi à la date à laquelle celui-ci a été élaboré, ou pouvaient être légalement mobilisés. Le syndicat requérant ne démontre pas non plus le caractère disproportionné du contenu des mesures du plan établi par le mandataire liquidateur le 2 octobre 2019 en faisant valoir la possibilité de réalisation d'actifs corporels figurant au bilan de la société tels que les stocks de pièces, les matériels situés à l'étranger et les agencements sur avions de la flotte prise en location. En effet, la faisabilité de la mobilisation de ces actifs dans un délai rapide n'est pas démontrée. De plus, à supposer même qu'elle le soit, une telle opération est soumise, comme pour tous les actifs de la société Aigle Azur, aux règles fixées par les articles L. 641-1 et suivants du code de commerce régissant le paiement des créances par une société en liquidation judiciaire. Dès lors, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de ce que les mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi seraient disproportionnées compte-tenu des moyens dont disposait l'entreprise.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat national du personnel navigant commercial n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 octobre 2019 par laquelle le directeur régional adjoint, responsable de l'unité départementale de l'Essonne de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Aigle Azur.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, verse au syndicat requérant tout ou partie de la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du syndicat national du personnel navigant commercial est rejetée.

2

N°20VE01163


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01163
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : SCP RILOV

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-09-29;20ve01163 ?
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