Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision implicite par laquelle l'inspecteur du travail de la 4ème section de l'unité de contrôle n° 3 de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France a rejeté sa contestation de l'avis d'aptitude émis par le médecin du travail et la décision du 29 juillet 2015 par laquelle l'inspecteur du travail a rejeté explicitement cette contestation.
Par un jugement n° 1508040 - 1508304 du 1er février 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ces demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 mars 2018, Mme B... A..., représentée par Me Lecourt, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler la décision implicite par laquelle l'inspecteur du travail de la 4ème section de l'unité de contrôle n° 3 de la DIRECCTE d'Ile-de-France a rejeté sa contestation de l'avis d'aptitude émis par le médecin du travail ;
3° d'annuler la décision du 29 juillet 2015 par laquelle l'inspecteur du travail de la 4ème section de l'unité de contrôle n° 3 de la DIRECCTE d'Ile-de-France a rejeté sa contestation de l'avis d'aptitude émis par le médecin du travail ;
4° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en estimant que le motif de la visite médicale s'inscrivait dans le cadre de la " reprise après maladie ", le médecin du travail a commis une erreur de droit ; en ne modifiant pas l'avis rendu par le médecin du travail dans le cadre du recours exercé, l'inspecteur du travail a repris à son compte l'erreur de droit ainsi commise ;
- les dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail ont été méconnues ;
- le jugement la place dans l'impossibilité d'exercer un recours effectif à l'encontre de la décision prise par le médecin du travail dans un cadre de maladie simple en méconnaissance des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'inspecteur du travail s'est mépris sur la portée de son appréciation en méconnaissance des dispositions de l'article L. 4624-1 du code du travail ;
- aucun aménagement de poste n'a été envisagé par le médecin du travail ; la décision est donc entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., salariée de la société " La Maison du chocolat " depuis le 13 avril 2005, était affectée à un poste de " conditionneuse ". Le 30 juillet 2007, elle a été victime d'un accident du travail et placée, le lendemain, en arrêt de travail reconduit jusqu'au 10 mars 2008, date de la consolidation de son état de santé. Le 20 mai 2008, elle a été déclarée, par la médecine du travail, apte à un mi-temps thérapeutique sans port de charge, le médecin préconisant un travail assis pendant 4 mois. Du 2 au 18 juin 2008, elle a été de nouveau placée en arrêt maladie pour une lombalgie. De septembre 2008 à mars 2009, Mme A... a ensuite été placée en congé de maternité, à la suite duquel elle a pris un congé parental jusqu'au 11 septembre 2011 puis a fait l'objet d'une formation jusqu'au 27 août 2012. Mme A... a ensuite été mise en congé de maladie jusqu'au 2 décembre 2014. Le 4 décembre 2014, dans le cadre d'une visite médicale de pré-reprise, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude à ses fonctions et à tout poste comportant des gestes répétitifs des membres supérieurs, des ports de charges et/ou une station debout prolongée en précisant qu'elle pourrait occuper un poste assis, respectant ces restrictions. A l'occasion de la seconde visite, le 18 décembre 2014, le médecin du travail a confirmé son appréciation en déclarant Mme A... définitivement inapte à ses fonctions de conditionneuse et en renouvelant ses préconisations en vue de son reclassement. Le 2 février 2015, Mme A... a été licenciée pour impossibilité de reclassement à la suite de son inaptitude. Le 17 février 2015, elle a saisi l'inspecteur du travail, en application des dispositions de l'article L. 4624-1 du code du travail, afin de contester ces avis médicaux, puis le 22 juillet 2015, d'une demande de communication des motifs de la décision implicite de rejet de son recours. Par une décision du 29 juillet 2015, l'inspecteur du travail par intérim de la 4ème section de l'unité de contrôle n° 3 des-Hauts-de-Seine a confirmé la décision implicite de rejet du recours. Mme A... a demandé l'annulation de ces deux décisions au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui, par jugement en date du 1er février 2018, a rejeté ces demandes. Mme A... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision implicite de rejet du recours formé le 17 février 2015 :
2. Mme A... reprend en appel, en des termes identiques et sans aucun élément nouveau, ses conclusions dirigées contre la décision implicite de rejet de son recours formé le 17 février 2015. Ces conclusions doivent donc être rejetées par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 3 du jugement attaqué.
En ce qui concerne la décision du 29 juillet 2015 confirmant le rejet du recours :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 4624-1 du code du travail alors applicable : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. / L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. / En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail ".
4. Il résulte des dispositions précitées qu'en cas de difficulté ou de désaccord sur les propositions formulées par le médecin du travail concernant l'aptitude d'un salarié à occuper son poste de travail, il appartient à l'inspecteur du travail, saisi par l'une des parties, de se prononcer définitivement sur cette aptitude et que son appréciation, qu'elle soit confirmative ou infirmative de l'avis du médecin du travail, doit être regardée comme portée dès la date à laquelle cet avis a été émis. Le médecin du travail doit indiquer, dans les conclusions écrites qu'il rédige à l'issue des visites médicales de reprise, les considérations de fait de nature à éclairer l'employeur sur son obligation de proposer au salarié un emploi approprié à ses capacités et notamment les éléments objectifs portant sur ces capacités qui le conduisent à recommander certaines tâches en vue d'un éventuel reclassement dans l'entreprise ou, au contraire, à exprimer des contre-indications. Une telle obligation, qui ne contraint pas le médecin à faire état des considérations médicales qui justifient sa position, peut être mise en oeuvre dans le respect du secret médical. Elle s'impose également à l'inspecteur du travail lorsque celui-ci, en cas de difficulté ou de désaccord, est amené à décider de l'aptitude professionnelle du salarié.
5. Mme A... soutient qu'elle aurait dû bénéficier d'une visite médicale de reprise pour maladie professionnelle, et non pour reprise après un congé de maladie de plus de trois mois et qu'ainsi, tant les avis émis par le médecin du travail que la décision de l'inspecteur du travail sont entachés d'erreur de droit. Toutefois, à supposer même que les pathologies à l'origine de l'inaptitude constatée par la médecine du travail aient pour origine l'accident du travail dont a été victime Mme A... le 31 juillet 2007, soit sept années auparavant, il est constant que les visites médicales des 4 et 18 décembre 2014 sont intervenues alors que Mme A... était en congé de maladie depuis plus de trois mois et avait bénéficié de plusieurs congés pris à différents titres depuis son accident du travail. En tout état de cause, le médecin du travail a indiqué les considérations de fait de nature à éclairer l'employeur sur son obligation de proposer à Mme A... un emploi approprié à ses capacités et notamment les éléments objectifs portant sur ces capacités qui le conduisent à recommander certaines tâches en vue d'un éventuel reclassement dans l'entreprise et a également exprimé des contre-indications. Ainsi, la circonstance, au demeurant non établie par les pièces du dossier, que le médecin du travail se serait estimé à tort saisi dans le cadre d'une visite médicale postérieure à un congé de maladie de plus de trois mois, est sans incidence sur l'office de ce dernier et sur la légalité de la décision attaquée rendue par l'inspecteur du travail.
6. En deuxième lieu, Mme A... ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article L. 1226-10 du code du travail, lesquelles imposent à l'employeur de proposer un poste de reclassement en cas d'inaptitude à la suite d'une maladie professionnelle, dès lors que la décision attaquée porte sur l'aptitude de la salariée à occuper son poste de travail et n'a pas pour objet d'autoriser son licenciement.
7. En troisième lieu, la circonstance que la requérante ne puisse utilement invoquer l'erreur du cadre légal dans lequel la visite du médecin du travail a eu lieu, n'est pas de nature à porter atteinte à son droit effectif au recours reconnu par les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que la requérante conserve la possibilité de contester le bien-fondé de cet avis médical, et, à l'encontre d'un licenciement, l'absence de proposition de reclassement ou de consultation des représentants du personnel.
8. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 4621-1 du code du travail : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. / L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. / En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail. ". La circonstance que le courrier d'accompagnement de la décision attaquée ait mentionné, de manière erronée, qu'il n'appartenait pas à l'inspecteur du travail de se prononcer " sur d'autres points que ceux prévus à l'article R. 4624-34 du code du travail " n'est pas de nature à établir que l'inspecteur du travail se serait mépris sur l'étendue de sa compétence. En effet, le courrier d'accompagnement de la décision attaquée mentionne également que l'office de l'inspecteur du travail est de se prononcer sur l'éventuelle aptitude médicale du salarié à occuper son poste de travail. Or il ressort des termes de la décision attaquée que l'inspecteur du travail ne s'est pas borné à un contrôle de la procédure mais a examiné l'aptitude médicale de Mme A... à occuper son poste de conditionneuse pour " La Maison du Chocolat ", ainsi que la possibilité d'aménager son poste de travail afin d'éviter les gestes répétitifs des membres supérieurs. Le moyen tiré de ce que l'inspecteur du travail se serait mépris sur l'étendue de sa compétence doit donc être écarté.
9. En dernier lieu, si Mme A... fait grief à la décision en litige de ne pas avoir préconisé son reclassement sur un poste de vendeuse, ainsi que l'ont jugé les premiers juges, il n'appartient pas à l'inspecteur du travail de formuler des propositions de reclassement qui relèvent de la seule direction de son employeur sous le contrôle du juge du contrat de travail. Le moyen doit donc être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par Mm A... sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
N° 18VE01069 2