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29/09/2020 | FRANCE | N°17VE00447

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 29 septembre 2020, 17VE00447


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner le centre Hospitalier de Versailles à lui verser une somme totale de 67 036,90 euros en réparation des préjudices subis du fait des infections nosocomiales contractées les 6 novembre 1997 et 2 mai 2006, de dire le jugement opposable à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Yvelines et à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France (CRAMIF), et de condamner le centre hospitalier de Versailles aux entiers dépen

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Par un jugement n° 1302561 du 22 novembre 2016, le Tribunal adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner le centre Hospitalier de Versailles à lui verser une somme totale de 67 036,90 euros en réparation des préjudices subis du fait des infections nosocomiales contractées les 6 novembre 1997 et 2 mai 2006, de dire le jugement opposable à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Yvelines et à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France (CRAMIF), et de condamner le centre hospitalier de Versailles aux entiers dépens.

Par un jugement n° 1302561 du 22 novembre 2016, le Tribunal administratif de Versailles, après avoir mis l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) hors de cause, a condamné le centre hospitalier de Versailles à verser une somme totale de 12 840 euros à Mme A..., une somme de 14 821,33 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2013 et une somme de 1 047 euros à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France, et mis les frais d'expertise à la charge définitive du centre hospitalier de Versailles.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 février 2017 et 9 mars 2018, Mme D... A..., représentée par Me B..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes afférentes à ses préjudices de pertes de gains professionnels et d'incidence professionnelle ;

2° de condamner le centre hospitalier de Versailles à lui verser une somme totale de 60 322,50 euros en réparation des préjudices subis du fait des infections nosocomiales contractées les 6 novembre 1997 et 2 mai 2006, répartis comme suit :

- frais liés au handicap : 2 340 euros ;

- préjudice professionnel : 47 482, 50 euros ;

- souffrances endurées : 5 000 euros ;

- troubles dans les conditions d'existence : 2 500 euros ;

- déficit fonctionnel permanent 3 000 euros ;

3° de dire que ces sommes porteront intérêts à compter du 21 mai 2013, date de sa demande préalable ;

4° de dire l'arrêt à intervenir opposable à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Yvelines et à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France (CRAMIF) ;

5° de mettre les entiers dépens, comprenant notamment les frais d'expertise, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, à la charge du centre hospitalier de Versailles ;

6° de mettre à la charge du centre hospitalier de Versailles une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

7° de dire, conformément aux dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, que le centre hospitalier de Versailles devra exécuter l'arrêt à intervenir dans le délai d'un mois suivant sa notification et d'assortir cette injonction d'une astreinte de 100 euros par jour de retard.

Elle soutient que :

- le jugement doit être confirmé en tant qu'il a mis l'ONIAM hors de cause, jugé la responsabilité du centre hospitalier engagée à raison de l'infection nosocomiale dont elle a été victime en 2006, et l'indemniser en conséquence ;

- le jugement doit être confirmé dans les montants d'indemnisation qu'il lui a accordés à raison des frais d'assistance par un médecin conseil, frais d'assistance par une tierce personne, souffrances endurées, déficit fonctionnel temporaire et permanent ;

- elle est en revanche fondée à demander l'indemnisation de sa perte de gains professionnels depuis 2006, qui est en lien avec l'infection, à hauteur de 22 482,50 euros ; son préjudice d'incidence professionnelle doit également être indemnisé à hauteur de 25 000 euros.

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,

- et les observations de Me C... substituant Me B... pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... A..., née le 19 février 1952, a été admise le 7 octobre 1997 au centre hospitalier de Versailles afin d'y subir une intervention au genou, due à une gonarthrose fémoro-tibiale droite. Les suites de cette intervention ont été marquées par une nouvelle opération, le 8 novembre 1997, pour un abcès sur la plaque posée lors de l'intervention précédente, résultant de la présence d'un " staphylocoque méti sensible ". En raison de la permanence de ses douleurs au genou, dues à un descellement d'une prothèse, Mme A... a subi une nouvelle intervention chirurgicale en avril 2006, durant laquelle elle a contracté une inflammation résultant de la présence d'un staphylocoque doré, provoquant une autre intervention du 17 mai au 9 juin 2006. En octobre 2010, elle a de nouveau consulté pour un épisode douloureux, puis a été hospitalisée du 30 novembre au 9 décembre 2010 pour la reprise du descellement septique, intervention suivie de séances de kinésithérapie et d'un traitement antibiotique. Mme A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles la condamnation du centre hospitalier de Versailles à lui verser des indemnités en réparation des différents préjudices subis. Par un jugement en date du 22 novembre 2016, dont Mme A... relève appel, le Tribunal administratif de Versailles a partiellement fait droit à sa demande. La CRAMIF et le centre hospitalier de Versailles présentent, quant à eux, des appels incidents contre ce même jugement.

Sur les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines :

2. Si la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines demande à la cour d'admettre son intervention volontaire au présent litige, il résulte de l'instruction qu'en vertu de l'article 1er d'une " convention relative au transfert de l'activité recours contre tiers " conclue le 30 mars 2018 entre la CRAMIF et la caisse, la caisse primaire d'assurance maladie " prend en charge le recours contre tiers relatif aux assurés de son département auxquels ont été versées des pensions d'invalidité par la CRAMIF " moyennant une opération financière et comptable décrite à l'article 4 de cette même convention. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'accueillir ses conclusions à fin d'intervention, il y a lieu de prendre acte de ce que la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines vient dans la présente instance aux droits de la CRAMIF.

Sur les conclusions d'appel présentées par Mme A... :

En ce qui concerne le préjudice de perte de gains professionnels :

3. Mme A... se prévaut de pertes de revenus pour les années 2006 à 2011, année 2009 exclue, qu'elle impute aux conséquences de l'infection nosocomiale en date du 4 avril 2006.

4. Concernant l'année 2006, s'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du Docteur Brion, que les deux mois ayant suivi l'intervention chirurgicale de 2006 ont été marqués par plusieurs hospitalisations et rendez-vous médicaux en rapport avec cette infection, et que Mme A... a conservé un traitement antibiotique jusqu'en novembre 2006, les bulletins de salaire produits au titre de l'année 2006 ne montrent pas de diminution de la rémunération de la requérante pour cette année.

5. S'agissant des années postérieures, l'expert relève que Mme A... a été suivie en consultation au centre hospitalier de Versailles " sans anomalie particulière jusqu'au 3 juin 2008 ". Ce n'est qu'en 2010 que la réapparition de douleurs articulaires au genou justifiera une nouvelle hospitalisation de Mme A... au centre hospitalier Ambroise Paré et qu'à cette occasion, sera constaté un " descellement septique " de la prothèse. Le rapport d'expertise attribue toutefois ce descellement tant à l'état général de la patiente, qu'à ses antécédents chirurgicaux dont certains non fautifs. La dégradation de l'état de la patiente en 2010 ne peut ainsi être regardée comme étant en lien avec l'infection contractée en 2006. L'attestation rédigée par le Docteur Naar en date du 3 février 2017 indiquant que les arrêts de travail de Mme A... depuis 2006 étaient en lien avec son infection nosocomiale, est, eu égard à ses termes imprécis et généraux, insuffisante pour établir un tel lien, Mme A... n'ayant pas eu de conséquence médicale de l'infection contractée en 2006 pendant près de quatre années.

6. Mme A... ne justifiant pas de la réalité de son préjudice de pertes de gains professionnels pour l'année 2006 et le lien de causalité avec l'infection nosocomiale contractée en 2006 n'étant pas établi pour les années postérieures, ce chef de préjudice ne peut être retenu.

En ce qui concerne le préjudice d'incidence professionnelle :

7. Mme A... occupait un poste de technicienne au service relations internationales à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines. Le rapport d'expertise du Dr Brion mentionne que l'état de santé actuel de Mme A... ne contre indiquait pas toute activité professionnelle et a précisé qu'une activité professionnelle en position assise exercée au moyen, éventuellement, d'aménagements d'horaires pouvait être exercée. En outre, si, en page 25 de son rapport, l'expert retient une IPP de 10%, il précise immédiatement son propos expliquant qu'en l'absence même de toute complication, Mme A... aurait conservé une IPP de 4% compte tenu des troubles du membre inférieur que Mme A... présentait auparavant et dès lors qu'une prothèse du genou, même indemne de toute complication, " n'aurait pas donné un genou indolore et un résultat fonctionnel parfait ". Sur les 6% d'IPP restants, l'expert a estimé, compte tenu du dossier médical fourni de Mme A..., et notamment des accidents médicaux nombreux dont elle a été victime, que seuls 3% pouvaient être imputés aux deux infections nosocomiales contractées par Mme A..., en 1997 et 2006. Enfin, Mme A... n'établit pas l'existence d'un préjudice d'incidence professionnelle en se bornant à soutenir que ses conditions de travail auraient été détériorées et qu'elle n'aurait pu mener la carrière à laquelle elle aurait pu prétendre, en raisonnant par analogie avec la carrière menée par une collègue alors qu'il n'est, en tout état de cause, pas établi que Mme A... aurait suivi un parcours professionnel identique ou même similaire à cette dernière. Il ne résulte ainsi pas de l'instruction que l'infection nosocomiale contractée à la suite de l'intervention subie en 2006 aurait eu une incidence professionnelle pour la requérante.

8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions d'appel de Mme A... tendant à l'indemnisation de ses préjudices de pertes de gains professionnels et d'incidence professionnelle doivent être rejetées. Il en est de même, en tout état de cause, de ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au centre hospitalier de Versailles de lui régler le montant des sommes dues à ce titre dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions d'appel incident présentées par le centre hospitalier de Versailles et la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines venant aux droits de la CRAMIF :

9. Eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du code de la sécurité sociale, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité. Dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une pension d'invalidité ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice et ne saurait s'imputer sur le déficit fonctionnel permanent.

10. Il résulte de ce qui précède et nonobstant l'attestation rédigée par le médecin conseil le 12 octobre 2010, qu'il ne peut, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme existant de préjudice professionnel de la victime en lien avec les séquelles de l'infection nosocomiale contractée par Mme A... lors de l'intervention chirurgicale du 4 juin 2006. Dès lors, le centre hospitalier de Versailles est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil l'a condamné à verser à la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France une somme de 14 821,33 euros assortie des intérêts au taux légal. La caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines venue aux droits de la CRAMIF n'est par ailleurs pas fondée à se plaindre du rejet du surplus des conclusions de sa demande portant sur le remboursement de ces mêmes débours. L'ensemble des conclusions d'appel incident de la caisse tendant notamment au relèvement de la somme au versement de laquelle le centre hospitalier avait été condamné au même titre ne peut donc, par conséquent, qu'être rejeté.

Sur les dépens :

11. Dans les circonstances de l'espèce, le tribunal n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative en mettant les frais d'expertise, taxés et liquidés par ordonnance du président du Tribunal administratif de Versailles du 14 mai 2012 à la somme de 2 521 euros, à la charge définitive du centre hospitalier de Versailles.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du centre hospitalier de Versailles qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Les conclusions présentées par Mme A... et la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines venant aux droits de la CRAMIF sur le fondement de ces mêmes dispositions doivent dès lors être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : L'article 3 du jugement n° 1302561 du 22 novembre 2016 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 3 : L'ensemble des conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines venant aux droits de la CRAMIF est rejeté.

N° 17VE00447 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00447
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme LE GARS
Rapporteur ?: Mme Hélène LEPETIT-COLLIN
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : BEYNET

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-09-29;17ve00447 ?
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