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24/09/2020 | FRANCE | N°19VE00424

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 24 septembre 2020, 19VE00424


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... épouse E... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 7 mai 2018 par lequel le PREFET DU VAL-D'OISE a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au PREFET DU VAL-D'OISE de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de

retard.

Par un jugement n° 1807796 du 17 janvier 2019, le Tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... épouse E... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 7 mai 2018 par lequel le PREFET DU VAL-D'OISE a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au PREFET DU VAL-D'OISE de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1807796 du 17 janvier 2019, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté, a enjoint au PREFET DU VAL-D'OISE de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 février 2019, le PREFET DU VAL-D'OISE demande à la Cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que c'est à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990.

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... D... épouse E..., ressortissante algérienne née le 18 juin 1987, a sollicité le 6 juillet 2017 son admission au séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 en qualité d'accompagnant d'enfant malade. Par un arrêté du 7 mai 2018, le PREFET DU VAL-D'OISE a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le PREFET DU VAL-D'OISE relève appel du jugement du 17 janvier 2019 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté, lui a enjoint de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et a rejeté le surplus des conclusions.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

3. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, du compte-rendu psychologique du 8 décembre 2016 et du rapport médical de l'Office français de l'immigration de de l'intégration du 16 avril 2018, ainsi que des différents certificats de scolarité, que, d'une part, le fils de Mme D... épouse E..., âgé de 9 ans à la date de l'arrêté en litige, est atteint d'un trouble du spectre autistique, générant notamment d'importants troubles du comportement et de perception, ainsi que différents retards et, d'autre part, qu'il bénéficie d'un suivi thérapeutique en France, depuis le mois d'avril 2017, ainsi que d'un accompagnement adapté au sein de l'école primaire dans laquelle il est scolarisé. Toutefois, il ne ressort d'aucune des pièces versées par Mme D... épouse E... que son enfant ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, alors que le PREFET DU VAL-D'OISE produit en appel différents articles de journaux français et algériens, non contestés par l'intéressée, qui font état de l'existence d'un suivi thérapeutique adapté des troubles du spectre autistique en Algérie. Par suite, si par son avis du 16 avril 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration conclut, à tort, que l'état de santé du fils de Mme D... épouse E... nécessite une prise en charge dont le défaut n'entraînerait pas des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet enfant ne pourrait effectivement bénéficier d'un suivi médical et scolaire approprié à son état de santé dans son pays d'origine. En outre, si l'intéressée se prévaut de la négation du handicap par son époux et par sa famille, restés en Algérie, elle n'apporte aucun élément de nature à justifier du bien-fondé de ses allégations. Par suite, l'arrêté du 7 mai 2018 ne peut être regardé comme méconnaissant les stipulations de l'article 3-1 de la convention précitée relative aux droits de l'enfant. Le PREFET DU VAL-D'OISE est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé pour ce motif son arrêté du 7 mai 2018 refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme D... épouse E..., l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme D... épouse E... devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Sur la légalité de l'arrêté du 7 mai 2018 :

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que par un arrêté n° 18-010 du 5 février 2018, publié le même jour au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le Val-d'Oise, le PREFET DU VAL-D'OISE a donné délégation de signature à Mme C... F... pour la signature des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence doit être écarté comme manquant en fait.

6. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 6-5 de la convention franco-algérienne modifiée du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise.

7. D'autre part, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". Les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants dont l'état de santé répond aux conditions prévues par le 11° de l'article L. 313-11 du même code, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Cette circonstance ne fait toutefois pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, délivre à ces ressortissants un certificat de résidence pour l'accompagnement d'un enfant malade.

8. Il ressort des pièces du dossier et de ce qui a été exposé au point 3. du présent arrêt que si l'enfant de Mme D... épouse E... est atteint d'un trouble du spectre autistique générant notamment d'importants troubles du comportement et de perception, ainsi que différents retards et qu'il bénéficie d'un suivi thérapeutique en France depuis le mois d'avril 2017, ainsi que d'un accompagnement adapté au sein de l'école primaire dans laquelle il est scolarisé, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait bénéficier du traitement et du suivi médical approprié dans son pays d'origine. En outre, Mme D... épouse E... ne justifie que d'une courte durée de séjour en France, où elle est entrée le 2 août 2016, et n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside notamment son époux. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le PREFET DU VAL-D'OISE aurait méconnu les stipulations précitées des articles 6-5 de l'accord franco-algérien et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, ces moyens doivent être écartés.

9. En dernier lieu, Mme D... épouse E... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, il résulte de ce qui a été exposé au point 8. du présent arrêt qu'en ne faisant pas usage de son pouvoir de régularisation, le PREFET DU VAL-D'OISE n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU VAL-D'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 7 mai 2018 par lequel il a refusé la délivrance d'un titre de séjour à Mme D... épouse E..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Les conclusions à fin d'annulation de Mme D... épouse E... doivent être rejetées, de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, d'astreinte et celles formées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1807796 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 17 janvier 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme D... épouse E... devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00424
Date de la décision : 24/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Marc FREMONT
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : AARPI BOREL et SOUBRE ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-09-24;19ve00424 ?
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