Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux demandes distinctes, Mme B... D..., épouse E..., a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler la décision du 24 février 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier Sud Francilien a refusé de prendre en charge sa formation à l'Institut de formation en soins infirmiers de Fontainebleau au titre de la rentrée 2017 et de le condamner à lui verser la somme de 117 087 euros en réparation des préjudices résultant, selon elle, de ce refus, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de sa requête et de leur capitalisation et, d'autre part, d'annuler la décision du 1er juillet 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier a refusé de prendre en charge les frais de sa formation à l'Institut de formation en soins infirmiers de Fontainebleau et de condamner le centre hospitalier à lui verser la somme de 117 087 euros en réparation des préjudices subis selon elle du fait du refus de prise en charge de ces frais, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.
Par un jugement n°s 1608085 et 1608093 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions des 24 février et 1er juillet 2016 et a condamné le centre hospitalier Sud Francilien à verser à Mme E... la somme de 60 682,72 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2016 et de la capitalisation de ces intérêts.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement les 8 décembre 2018 et 29 novembre 2019, le centre hospitalier Sud Francilien, représenté par la société d'avocats Claisse et Associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement et de rejeter les demandes présentées par Mme E... ;
2°) de mettre à la charge de Mme E... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le centre hospitalier soutient que :
- les demandes de première instance sont irrecevables, notamment celle tendant à l'annulation du courrier du 1er juillet 2016 qui ne présente pas de caractère décisoire ;
- la demande de Mme E... n'était pas en adéquation avec les objectifs et les moyens du plan de formation, qui s'oppose au report des financements ;
- la manière de servir d'un agent ne saurait, à elle seule, permettre à cet agent de bénéficier d'une prise en charge financière de la formation sollicitée ;
- l'intérêt du service justifie le refus de cette prise en charge.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 90-693 du 1er août 1990 ;
- le décret n° 92-566 du 25 juin 1992 ;
- le décret n° 2008-824 du 21 août 2008 ;
- l'arrêté du 23 avril 1975 relatif à l'attribution d'une prime spéciale de sujétion et d'une prime forfaitaire aux aides-soignants ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Illouz, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., pour le centre hospitalier Sud Francilien et de Me F... pour Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que Mme E..., aide-soignante titulaire au centre hospitalier Sud Francilien (CHSF) et lauréate du concours d'infirmière en 2015, a demandé à ce centre hospitalier de prendre en charge sa formation à l'institut de formation en soins infirmiers (IFSI) de Fontainebleau débutant au mois de février 2017. L'attestation éditée le 24 février 2016 par laquelle le directeur général du CHSF a " certifié " l'absence de prise en charge de la formation de Mme E... révèle un rejet de la demande sollicitée par l'intéressée. Celle-ci a formé un recours administratif le 26 mars 2016. Le directeur général du CHSF a informé, par un courrier du 1er juillet 2016, les représentants du personnel du maintien du refus de financement de la formation de Mme E.... Cette dernière a saisi le tribunal administratif de Versailles, d'une part, de deux demandes en annulation de l'attestation du 24 février 2016 et du courrier du 1er juillet 2016 et, d'autre part, d'une demande de condamnation du CHSF à réparer les préjudices en résultant pour elle. Le tribunal administratif de Versailles, par un jugement du 9 octobre 2018, a annulé les actes contestés et a condamné le CHSF à verser à Mme E... la somme de 60 382,72 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2016 et de la capitalisation de ces intérêts à chaque échéance annuelle. Le CHSF fait appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, Mme E... demande que la condamnation du CHSF soit portée à 117 119 euros, avec intérêts et capitalisation de ces intérêts.
Sur l'appel principal :
2. En premier lieu, le CHSF soutient que les demandes de première instance présentées par Mme E... sont irrecevables. A l'appui de son moyen, il ne reprend pas expressément en appel les fins de non-recevoir qu'il avait soulevées en première instance, mais se borne à faire valoir que le courrier que le directeur du centre hospitalier a adressé, le 1er juillet 2016, aux représentants du personnel est purement confirmatif et ne revêt aucun caractère décisoire. Il résulte cependant des termes mêmes de ce courrier que le directeur de l'établissement a écrit que " à la suite de la commission administrative paritaire locale n° 8 qui s'est déroulée le 24 juin 2016, je vous informe que je maintiens la non prise en charge de la formation de Mme E... ". Ce courrier révèle clairement une décision du directeur de rejeter le recours administratif formé par Mme E... le 26 mars 2016, dont elle est recevable à en demander l'annulation. La fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier doit donc être écartée.
3. En second lieu, en vertu de l'article 22 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le droit à la formation permanente est reconnu aux fonctionnaires. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 6° Au congé de formation professionnelle (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 21 août 2008 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de la fonction publique hospitalière : " La formation professionnelle tout au long de la vie comprend principalement les actions ayant pour objet : / (...) 3° De proposer aux agents des actions de préparation aux examens et concours et autres procédures de promotion interne (...) ". L'article 2 de ce même décret dispose : " L'accès des agents à des actions de formation professionnelle est assuré : / 1° A l'initiative de l'établissement dans le cadre du plan de formation mentionné au chapitre II du présent décret et dans le cadre des périodes de professionnalisation prévues au chapitre IV ". Aux termes de l'article 6 de ce décret : " Le plan de formation (...) détermine les actions de formation initiale et continue organisées par l'employeur ou à l'initiative de l'agent avec l'accord de l'employeur (...). Il prévoit leur financement. / Ce plan tient compte à la fois du projet d'établissement, des besoins de perfectionnement, d'évolution ainsi que des nécessités de promotion interne. / Il comporte une prévision du coût de revient des actions de formation faisant apparaître leur coût pédagogique, la rémunération des stagiaires en formation, les dépenses de déplacement et d'hébergement ainsi que le coût des cellules de formation. (...) ". Selon l'article 7 de ce même décret : " Les agents bénéficient, sur leur demande, des actions du plan de formation, sous réserve des nécessités de fonctionnement du service. (...) / L'accès à l'une des formations relevant du plan de formation est de droit pour l'agent n'ayant bénéficié, au cours des trois années antérieures, d'aucune formation de cette catégorie. Cet accès peut toutefois être différé d'une année au maximum en raison des nécessités du fonctionnement du service après avis de l'instance paritaire compétente. / Il ne peut être opposé un deuxième refus à un agent demandant à bénéficier au titre du plan de formation d'une action relevant du 3° de l'article 1er qu'après avis de la commission administrative paritaire compétente ". Il résulte de ces dispositions que l'existence d'un plan de formation au sein d'un établissement hospitalier implique que ses agents disposent d'un droit à suivre les actions de formation qui y sont inscrites. Ce droit s'exerce sous réserve, d'une part, de l'adéquation de la demande de l'agent avec les objectifs et moyens du plan et, d'autre part, de l'intérêt du service à la date où est formulée la demande.
4. Le CHSF soutient, d'une part, que dès lors qu'un premier refus de prise en charge de sa formation avait été opposé à Mme E... le 29 juin 2015, pour une rentrée en février 2016, il était tenu de rejeter la nouvelle demande de l'intéressée dès lors que le plan de financement de l'établissement prévoit que " le CHSF n'accorde aucun report de financement ". Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme E..., dont la situation relève du 3° de l'article 1er précité du décret du 21 août 2008, n'a pas sollicité un report de financement qui lui aurait été accordé précédemment, mais a sollicité une première demande de financement de sa formation pour la rentrée 2016, qui a été refusée le 29 juin 2015, puis une seconde demande de financement pour la rentrée 2017, qui a été refusée les 24 février et 1er juillet 2016. Le moyen susvisé du CHSF, qui entretient une confusion entre les notions de " report de financement " et de " report de formation ", doit, par suite, être écarté.
5. Le CHSF soutient, d'autre part, que la manière de servir de Mme E... ne saurait, à elle seule, permettre à cet agent de bénéficier d'une prise en charge financière de la formation sollicitée et que l'intérêt du service justifie, en l'espèce, le refus de prise en charge. Cependant, il n'est pas contesté que la formation d'entrée à l'IFSI est inscrite dans le plan de formation du centre hospitalier. En outre, il ressort notamment des fiches de notation de Mme E..., aide-soignante, que celle-ci dispose des qualités professionnelles requises pour suivre les études d'infirmière. Lors de sa séance du 24 juin 2016, la commission administrative paritaire a d'ailleurs donné un avis favorable à la prise en charge financière de la formation de Mme E.... Enfin, dès lors que l'intérêt du service s'apprécie à la date où la demande de prise en charge financière est formulée, en l'espèce, le 13 janvier 2016 pour une rentrée en 2017, le CHSF ne peut utilement opposer, au titre de cet intérêt, les contraintes budgétaires qui ont fait obstacle, selon lui, à ce qu'il soit fait droit à la première demande de prise charge financière déposée par Mme E... le 29 mai 2015 pour une formation débutant en 2016. Ainsi, compte tenu de la nature des fonctions exercées par l'intéressée, de ses bonnes appréciations, des besoins de recrutement d'infirmières exprimés dans le plan de formation de l'établissement et en l'absence d'un intérêt du service faisant obstacle au financement sollicité, les décisions contestées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le CHSF n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé le refus de prise en charge financière de la formation de Mme E... intervenu le 24 février 2016, et le rejet, le 1er juillet 2016, du recours administratif introduit par Mme E... contre ce refus.
Sur l'appel incident :
7. Mme E... demande, dans l'état de ses dernières écritures, à ce que la somme à laquelle le CHSF a été condamné par le tribunal administratif de Versailles, en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'illégalité fautive des décisions refusant la prise en charge financière de sa formation au titre de la rentrée 2017, soit portée à la somme de 117 119 euros.
En ce qui concerne la perte de salaires :
8. Aux termes de l'article 8 du décret du 21 août 2008 : " Les agents qui suivent une formation inscrite au plan de formation de l'établissement bénéficient, pendant leur temps de travail, du maintien de leur rémunération. Lorsqu'ils ont la qualité de fonctionnaire ils sont maintenus en position d'activité ou, le cas échéant, de détachement. Dans les cas prévus aux 3° (...) de l'article 1er, les agents conservent leur traitement, leur indemnité de résidence et leurs indemnités à caractère familial. Ils conservent les autres indemnités et primes lorsque la durée totale l'absence pendant les heures de service n'excède pas en moyenne une journée par semaine dans l'année. (...) ". L'article 1er de l'arrêté du 23 avril 1975 relatif à l'attribution d'une prime spéciale de sujétion et d'une prime forfaitaire aux aides-soignants prévoit que " Une prime spéciale de sujétion égale à 10 p. 100 de leur traitement budgétaire brut et une prime forfaitaire mensuelle de 100 F peuvent être attribuées aux aides-soignants des établissements relevant du livre IX du code de la santé publique. / Ces primes sont payables mensuellement et à terme échu. Elles sont réduites, le cas échéant, dans les mêmes proportions que le traitement. ". L'article 3 du décret du 1er août 1990 relatif à l'attribution d'une indemnité de sujétion spéciale aux personnels de la fonction publique hospitalière, dispose que l'indemnité de sujétion spéciale " (...) suit le sort du traitement et ne peut être réduite que dans la proportion où le traitement lui-même est réduit ". Ces dispositions du décret du 1er août 1990 et de l'arrêté du 23 avril 1975, qui doivent être regardées comme dérogeant à la règle générale édictée par l'article 8 précité du décret du 21 août 2008 selon laquelle est exclue la conservation des " autres indemnités et primes " lorsque la durée totale d'absence de l'agent pendant les heures de service excède une journée par semaine en moyenne dans l'année, imposent le versement de la prime spéciale de sujétion, de la prime forfaitaire mensuelle et de l'indemnité de sujétion spéciale lorsque l'agent en formation continue à bénéficier de son traitement.
9. Il résulte de ce qui précède, qu'en tenant compte du traitement de base, des indemnités de résidence et à caractère familial, de la prime spéciale de sujétion, de la prime forfaitaire et de l'indemnité de sujétion spéciale tels qu'ils figurent dans le dernier bulletin de salaire versé à l'instance par Mme E... du mois d'août 2016, sa perte de rémunération au cours des 3 ans de sa formation d'infirmière doit être évaluée à la somme de 70 532,64 euros.
En ce qui concerne les frais de repas et de déplacement :
10. Il résulte des dispositions combinées des articles 13 et 14 du décret du 25 juin 1992 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements des fonctionnaires et agents relevant de la fonction publique hospitalière sur le territoire métropolitain de la France, que l'agent qui suit une formation professionnelle hors de sa résidence administrative et hors de sa résidence familiale, peut prétendre à une indemnité de repas. L'article 13 de ce décret précise que constitue une seule et même commune celles faisant partie d'une même agglomération urbaine multicommunale, délimitée lors du recensement de population le plus récent effectué par l'Institut national de la statistique et des études économiques.
11. En réponse à l'invitation qui lui a été adressée par le greffe de la cour le 18 juin 2020 de fournir tout justificatif établissant le montant des frais de repas dont elle demande le remboursement au centre hospitalier, Mme E... détaille une méthode d'évaluation forfaitaire, aboutissant à un montant moindre de 8 759,25 euros qu'elle complète, pour la première fois en appel, par des frais de déplacement qu'elle évalue selon le barème kilométrique, à 5 068,35 euros. Ces demandes ne sont accompagnées d'aucun justificatif établissant, même sommairement, de la réalité des coûts engagés, en dehors du certificat d'immatriculation du véhicule de l'intéressée, lequel ne pourrait en tout état de cause suffire, à lui seul, à justifier les frais de déplacement.
En ce qui concerne les frais de scolarité :
12. Les premiers juges ont indemnisé Mme E... des frais de scolarité qu'elle a justifié avoir engagés au titre de ses deux premières années de formation. Elle produit en appel des justificatifs faisant état, pour sa troisième année de scolarité, de 170 euros de frais d'inscription, de 7 706 euros de frais de scolarité et de 90 euros de contribution de vie étudiante et de campus. Il y a donc lieu d'augmenter le montant accordé en première instance de 7 966 euros.
En ce qui concerne les pertes de congés et le préjudice moral :
13. Il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient insuffisamment apprécié ces chefs de préjudice en retenant, pour chacun d'entre eux, la somme de 2 000 euros.
14. Il résulte de ce qui précède que la somme que le centre hospitalier Sud Francilien a été condamné à verser à Mme E... par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Versailles du 9 octobre 2018 doit être portée à 98 308,64 euros.
Sur les intérêts et leur capitalisation :
15. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Versailles, Mme E... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 98 308,64 euros à compter du 29 octobre 2016, date d'enregistrement de ses demandes au greffe du tribunal administratif. Les intérêts échus à compter du 29 octobre 2017, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes des intérêts.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme E..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le CHSF demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 3 000 euros à verser à Mme E... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du centre hospitalier Sud Francilien est rejetée.
Article 2 : La somme que le centre hospitalier Sud Francilien a été condamné à verser à Mme E... par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Versailles du 9 octobre 2018 est portée à 98 308,64 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2016 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 29 octobre 2017, puis à chaque échéance annuelle ultérieure.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n°s 1608085 et 1608093 du 9 octobre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme E... présentées par la voie de l'appel incident est rejeté.
N° 18VE04083 2