La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/09/2020 | FRANCE | N°18VE03672

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 24 septembre 2020, 18VE03672


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français et d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1807012 du 4 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français et d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1807012 du 4 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés les 2 et 16 novembre 2018, M. A..., représenté par Me Sarhane, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et l'arrêté du 10 juillet 2018 du préfet de l'Essonne ;

2° d'enjoindre au préfet de l'Essonne de réexaminer sa situation.

Il soutient que :

- les premiers juges ont écarté à tort les pièces nos 2 à 9 ;

- le jugement n'est pas suffisamment motivé ;

- la décision du préfet de l'Essonne est entachée d'incompétence ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen personnel ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-10 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît aussi les dispositions des articles L. 313-11 et L. 314-11 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît de surcroît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 33 de la convention de Genève ;

- elle méconnaît enfin les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien né le 1er janvier 1983, est entré sur le territoire français le 1er août 2013, sous couvert d'un visa Schengen de type C, et s'y est maintenu à l'expiration de ce visa. À la suite d'un contrôle de police effectué le 10 juillet 2018 à fin de vérification documentaire, il a fait l'objet d'un arrêté du même jour du préfet de l'Essonne l'obligeant à quitter le territoire français. M. A... relève appel du jugement du 4 octobre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 412-2 du code de justice administrative : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. (...) ". Aux termes de l'article R. 414-1 du même code : " Lorsqu'elle est présentée par un avocat, (...) la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet. La même obligation est applicable aux autres mémoires du requérant. (...) ". Selon l'article R. 414-3 du même code : " (...) Les pièces jointes sont présentées conformément à l'inventaire qui en est dressé. / Lorsque le requérant transmet, à l'appui de sa requête, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire mentionné ci-dessus. S'il transmet un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Le respect de ces obligations est prescrit à peine d'irrecevabilité de la requête. / Les mêmes obligations sont applicables aux autres mémoires du requérant, sous peine pour celui-ci, après invitation à régulariser non suivie d'effet, de voir ses écritures écartées des débats. (...) ". Ces dispositions relatives à la transmission de la requête et des pièces qui y sont jointes par voie électronique définissent un instrument et les conditions de son utilisation qui concourent à la qualité du service public de la justice rendu par les juridictions administratives et à la bonne administration de la justice. Elles ont pour finalité de permettre un accès uniformisé et rationalisé à chacun des éléments du dossier de la procédure, selon des modalités communes aux parties, aux auxiliaires de justice et aux juridictions. A cette fin, elles organisent la transmission par voie électronique des pièces jointes à la requête à partir de leur inventaire détaillé et font obligation à son auteur de les transmettre soit en un fichier unique, chacune d'entre elles devant alors être répertoriée par un signet la désignant, soit en les distinguant chacune par un fichier désigné, l'intitulé des signets ou des fichiers devant être conforme à l'inventaire qui accompagne la requête. Ces dispositions ne font pas obstacle, lorsque l'auteur de la requête entend transmettre un nombre important de pièces jointes constituant une série homogène eu égard à l'objet du litige, telles que des documents visant à établir la résidence en France d'un étranger au cours d'une année donnée, à ce qu'il les fasse parvenir à la juridiction en les regroupant dans un ou plusieurs fichiers sans répertorier individuellement chacune d'elles par un signet, à la condition que le référencement de ces fichiers ainsi que l'ordre de présentation, au sein de chacun d'eux, des pièces qu'ils regroupent soient conformes à l'énumération, figurant à l'inventaire, de toutes les pièces jointes à la requête. En cas de méconnaissance de ces prescriptions, la requête ou le mémoire sont irrecevables si le requérant n'a pas donné suite à l'invitation à régulariser que la juridiction doit, en ce cas, lui adresser par un document indiquant précisément les modalités de régularisation de la requête.

3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'inventaire produit le 7 août 2018 par le conseil de M. A..., que ce fichier énumère toutes les pièces, qui sont répertoriées et réunies dans des fichiers composant des séries homogènes de documents, comportant un intitulé suffisamment explicite et en suivant le numéro d'ordre indiqué par cet inventaire détaillé. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir qu'en écartant les pièces nos 2 à 9, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a entaché d'irrégularité le jugement attaqué et, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen relatif à la régularité du jugement, à en demander l'annulation.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Sur la recevabilité des conclusions en annulation de la décision portant refus de séjour :

5. L'arrêté du 10 juillet 2018 attaqué oblige seulement M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine et ne statue nullement sur son droit au séjour. Par suite, les conclusions dirigées contre la prétendue décision portant refus de séjour sont irrecevables.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :

En ce qui concerne la légalité externe :

6. En premier lieu, par un arrêté n° 2018-PREF-DCPPAT-BCA-085 du 22 mai 2018, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département, le préfet de l'Essonne a donné délégation à Mme C... D..., chef du bureau de l'éloignement du territoire, aux fins de signer notamment les décisions portant obligation de quitter le territoire français, en l'absence de la directrice de l'immigration et de l'intégration. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté comme manquant en fait.

7. En second lieu, la décision contestée, qui vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application, fait état des conditions d'entrée et de séjour en France de M. A..., en particulier de sa situation professionnelle, et indique que celui-ci dispose d'attaches familiales au Mali où résident son épouse et ses trois enfants. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que cette décision, qui énonce les considérations de droit et les éléments de fait la fondant, est insuffisamment motivée. Par ailleurs, à supposer qu'il ait entendu soutenir que le préfet aurait insuffisamment examiné sa situation, une telle circonstance ne ressort pas des pièces du dossier.

En ce qui concerne la légalité interne :

8. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ". L'étranger ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement en application de ces dispositions lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour. En l'espèce, en examinant si M. A... pouvait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit. Par ailleurs, en usant du large pouvoir d'appréciation que lui confère l'article L. 313-14 du même code, pour vérifier si l'admission exceptionnelle au séjour de M. A... était possible, cette autorité n'a pas davantage entaché sa décision d'erreur de droit. Enfin, les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoyant pas la délivrance d'un titre de séjour de plein droit, le requérant ne peut utilement les invoquer.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise. En l'espèce, M. A... dispose d'attaches familiales au Mali où résident son épouse et ses trois enfants. En outre, il ne justifie nullement de la réalité des relations qu'il dit avoir établies depuis son arrivée en France en août 2013. Par ailleurs, les contrats à durée déterminée qu'il produit ne caractérisent pas une insertion professionnelle particulière dans la société française. Par suite, en édictant la mesure d'éloignement contestée, le préfet n'a ni méconnu le droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation.

10. En dernier lieu, si M. A... allègue avoir déposé une demande d'asile, il ne justifie pas des suites qui y ont été réservées, et, en tout état de cause, n'établit pas avoir la qualité de réfugié. Dès lors, le moyen tiré de la violation de l'article 33 de la convention de Genève est inopérant et le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 juillet 2018 du préfet de l'Essonne ainsi que, par voie de conséquence, celles présentées à fin d'injonction doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 4 octobre 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Montreuil est rejetée ainsi que le surplus de sa requête présentée devant la Cour administrative d'appel de Versailles.

N° 18VE03672 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03672
Date de la décision : 24/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.

Procédure - Introduction de l'instance - Formes de la requête.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Eugénie ORIO
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : SARHANE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-09-24;18ve03672 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award