La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/09/2020 | FRANCE | N°19VE02105

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 22 septembre 2020, 19VE02105


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 30 août 2018 par lequel le PREFET DU VAL-D'OISE a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre au PREFET DU VAL-D'OISE de lui délivrer une carte de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Par un jug

ement n° 1810255 du 14 mai 2019, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 30 août 2018 par lequel le PREFET DU VAL-D'OISE a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre au PREFET DU VAL-D'OISE de lui délivrer une carte de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1810255 du 14 mai 2019, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté en litige et enjoint au PREFET DU VAL-D'OISE de délivrer au requérant un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois, à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juin 2019, le PREFET DU VAL-D'OISE demande à la Cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que l'arrêté du 30 août 2018 n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que M. C..., qui n'est entré en France qu'à l'âge de 45 ans, n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine et que sa seule participation active en tant que bénévole dans différentes associations est insuffisante pour justifier son admission au séjour.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les observations de Me A..., pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. E... C..., ressortissant ukrainien, né le 8 juin 1967 à Khust, est entré en France, selon ses déclarations, le 7 mars 2012. Il a sollicité son admission au séjour, le 21 juin 2018, sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le PREFET DU VAL-D'OISE a, par un arrêté du 30 août 2018, rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sous trente jours et a fixé le pays de destination. Le PREFET DU VAL-D'OISE fait appel du jugement du 14 mai 2019, par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 30 août 2018.

Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Pour annuler l'arrêté du PREFET DU VAL-D'OISE du 30 août 2018, les premiers juges ont estimé que le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. C..., dès lors que ce dernier, présent en France depuis 6 ans à la date de la décision attaquée, justifie d'une intégration particulièrement bonne, malgré sa surdité et son statut d'adulte handicapé, et doit être regardé comme ne disposant plus d'attaches dans son pays d'origine. Toutefois, les pièces produites par M. C..., qui sont principalement constituées de documents médicaux, de relevés de la sécurité sociale, d'avis d'imposition ne faisant état d'aucun revenu et de documents relatifs à ses demandes de régularisation de sa situation en France, sont insuffisantes pour établir sa présence sur le territoire français de manière continue depuis 2012. Si son engagement bénévole associatif n'est pas contesté, il est constant que l'intéressé est célibataire, sans charge de famille en France. Au surplus, il ressort des pièces du dossier qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Ukraine où résident ses deux enfants et ses frères, et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 44 ans. Dans ces conditions, l'arrêté du PREFET DU VAL-D'OISE du 30 août 2018 n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de M. C.... Par suite, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté en litige.

3. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Sur les autres moyens de la demande présentée par M. C... :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, Mme D..., cheffe du bureau du contentieux des étrangers, et signataire de la décision attaquée, bénéficiait d'une délégation de signature par arrêté n° 18-023 du PREFET DU VAL-D'OISE en date du 23 mars 2018 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'État dans le département du Val-d'Oise, à l'effet de signer notamment les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée manque en fait et doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, aujourd'hui codifié à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. [...] " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi, aujourd'hui codifié à l'article L. 211-5 du code précité : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

6. La décision attaquée vise notamment les articles L. 313-11 7°, L. 313-14 et L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique, d'une part, que M. C... est ressortissant ukrainien, qu'il ne remplit pas les conditions pour obtenir un titre de séjour dès lors qu'il ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale suffisamment stable en France et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident notamment ses deux enfants et sa fratrie. D'autre part, la décision précise que sa situation ne répond pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels justifiant une admission exceptionnelle au séjour et qu'elle ne contrevient pas aux dispositions des articles 3 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, contrairement à ce que soutient M. C..., l'arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit ainsi être écarté. Il résulte, en outre, de cette motivation que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation du requérant.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. [...] ".

8. Si M. C... se prévaut de sa surdité et de son statut d'adulte handicapé, ainsi que de sa très bonne intégration, ces seules circonstances sont insuffisantes à établir que sa situation répondrait à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels d'admission au séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article précité doit être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 [...] ". En vertu de ces dispositions, le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues, notamment, à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 2, M. C..., qui ne justifie pas de sa présence continue sur le territoire français depuis 2012, ne démontre pas avoir établi en France le centre de ses intérêts privés et familiaux, alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches personnelles et familiales en Ukraine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 44 ans. Par suite, il ne justifie pas qu'il remplit les conditions d'une admission au séjour de plein droit sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'établit pas que la décision portant refus de titre de séjour serait entachée d'illégalité. Par suite, le moyen, invoqué par voie d'exception, tiré de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.

12. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : [...] 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

13. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de M. C..., dont la dernière demande de titre de séjour n'a pas été introduite sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Au demeurant, le médecin de l'agence régionale de santé avait estimé le 18 juin 2015, dans le cadre de l'examen d'une précédente demande titre de séjour présentée par l'intéressé, qu'un défaut de prise en charge du handicap de M. C... ne devrait pas entrainer de telles conséquences. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

14. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

15. Si M. C... soutient que du fait de l'incapacité de l'Ukraine à prendre en charge les personnes en situation de handicap, il risque de se trouver dans une situation indigne assimilable à un traitement inhumain ou dégradant au sens des stipulations précitées, il ne produit aucun élément au soutien de ses allégations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU VAL-D'OISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 30 août 2018 par lequel il a rejeté la demande de titre de séjour de M. C..., l'a obligé à quitter le territoire français sous trente jours et a fixé le pays de destination. Par voie de conséquence, et en tout état de cause, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C... ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 1810255 du 30 août 2018 est annulé.

Article 2 : La demande de M. C... présentée devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.

N° 19VE02105 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19VE02105
Date de la décision : 22/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Catherine BOBKO
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : KATI

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-09-22;19ve02105 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award